C’est une première dans les annales judiciaires du pays qu’un politicien de premier rang, du reste un proche du chef de l’Etat en fonction ; soit condamné à des lourdes peines pour cause de corruption et détournements de deniers publics.
Vital Kamerhe Lwa Kanyigini Nkingi aura fait les frais de cette amère expérimentation, symbole peut-être qu’il n’y aura plus désormais des intouchables, quel que soit leur rang social ou politique ; pourvu que les autres crimes soient poursuivis de la même manière par une justice en passe de retrouver ses lettres de noblesses.
La sentence a été très lourde : 20 ans de travaux forcés pour détournements des deniers publics et corruption aggravée, interdiction pour 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et d’éligibilité, interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques, privation du droit à la libération conditionnelle et à la réhabilitation.
A cela il faudra ajouter la saisie des biens achetés avec les fonds détournés, le versement à l’Etat Congolais (Partie Civile) d’une somme de l’équivalent en FC de 150.000.000 USD avec ses coaccusés le libanais Samih Jammal et Jeannot Muhima à titre de dommages-intérêts. Ils devront en outre payer le 1/3 des frais d’instance payables dans le délai légal, à défaut ils subiront une contrainte par corps de 30 jours » ainsi que la confiscation des fonds logés dans les comptes des proches dont Hamida Shatur, épouse Kamerhe à la ville, Daniel Shangalume Nkingi dit Massaro son cousin et Daida et Soraya Mpiana, ses belles-filles et enfants de Hamida Shatur.
La Rédaction
LE JUGEMENT [DOCUMENT]
JUGEMENT RP 26.931
En cause : Ministère Public et partie civile la RD. Congo
Contre : Les prévenus :
1. SAMIH JAMMAL, en détention ;
2. KAMERHE LWA KANYIGINI Vital, en détention ;
3. MUHIMA NDOOLE Jeannot, en liberté.
Par sa requête aux fins de fixation d’audience n° 1698/RMP 1641/PG 023/a/LUK/2020 du 24/04/2020, le Procureur Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe saisit le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe contre les prévenus SAMIH JAMMAL, KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot pour :
A. A charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital
Faits prévus et punis par les articles 21 et 23 du Code Pénal Livre 1er et 145 du Code Pénal Livre II.
2. Avoir, dans les mêmes circonstances des lieux que ci-dessus, sans préjudice de date certaine, mais entre les mois d’août et septembre 2019, comme co-auteurs par coopération directe, étant respectivement, Directeur Général de la Société HUSMAL SARL et Agent public de l’Etat, en l’occurrence personnel politique de la Présidence de la République, détourné la somme de 2.137.500 SUS (dollars américains deux, millions cent trente-sept mille cinq cent) qui était remise à la Société HUSMAL SARL pour l’achat et l’érection de 3.000 maisons préfabriquées pour les policiers et militaires de la Ville de Kinshasa dans le cadre du programme de 100 jours initié par le Président de la République.
Faits prévus et punis par les articles 21 et 23 du Code Pénal Livre 1er et 145 du Code Pénal Livre II.
B. A charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot
Avoir, à Kinshasa, Ville de ce nom et capitale de la République Démocratique du Congo, le 21 août 2019, comme co-auteurs par coopération directe, étant respectivement, Agent public de l’Etat, en l’occurrence personnel politique de la Présidence de la République et Fonctionnaire public, détourné la somme de 1.154.800 $US (dollars américains un million cent cinquante-quatre mille huit cent) qui était remise à MUHIMA NDOOLE Jeannot pour le dédouanement des containers des maisons préfabriquées.
Faits prévus et punis par les articles 21 et 23 du Code Pénal Livre 1er et 145 du Code Pénal Livre II.
C. A charge de SAMIH JAMMAL
1. Avoir, dans les mêmes circonstances des lieux et des temps que sub.A.1, frauduleusement transféré au Liban, de fonds notamment plus de 10.000.000 SUS (dollars américains dix millions), sans passer par un établissement de crédit ou par son intermédiaire.
Faits prévus et punis par les articles 6 et 38 alinéa 9, point 2 de la loi n°04/016 du 19 juillet 2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
2. Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps que sub.A1, intentionnellement opéré le transfert de plus de 10.000.000 SUS (dollars américains dix millions) au Liban dans le but de dissimuler le détournement des deniers publics commis au préjudice du Trésor public.
Faits prévus et punis par les articles I point I et 34 de la Loi n°04/016 du 19 juillet 2004 portant Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du terrorisme.
D. A charge du prévenu SAMIH JAMMAL
1. Avoir, dans les mêmes circonstances des lieux que ci-dessus, le 23 janvier 2019, octroyé, indirectement par l’intermédiaire de madame SORAYA MPIANA, à monsieur KAMERHE LWA KANYIGINI Vital, Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat, beau-père de la précitée, une partie de sa concession mesurant 50,00 mètres x 100,00 mètres située sur la baie de Ngaliema, au Quartier Basoko, dans la Commune de Ngaliema, à Kinshasa, en vue de gagner au nom des Sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les marchés publics de construction de 1.500 et 3.000 maisons préfabriquées évoquées ci-haut, en violation de la procédure d’appels d’offres et des seuils fixés par la législation en matière de passation des marchés par voie de gré à gré.
Faits prévus et punis par les articles 147 bis, points 2 et 3, et 149 alinéas I et 2, point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié et complété par la Loi n°05-006 du 29 mars 2005.
Faits prévus et punis par les articles 147 bis, points 2 et 3, et 149, alinéas I et 2, point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié et complété par la Loi n°05-006 du 29 mars 2005.
E. A charge du prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital
I. Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps Sub.D.1, accepté, indirectement par l’intermédiaire de madame SORAYA MPIANA qui est sa belle- fille, la cession d’une partie de 50,00 mètres x 100,00 mètres de la concession appartenant à monsieur SAMIH JAMMAL, située sur la baie de Ngaliema, au Quartier Basoko, dans la Commune de Ngaliema, à Kinshasa, afin d’abuser de son influence réelle en tant que Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat et superviseur du programme de 100 jours initié par le Président de la République, pour faire gagner à ce dernier, sous les noms de ses Sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les marchés publics de l’achat et de l’érection de 1.500 et 3.000 maisons préfabriquées évoquées plus haut, en violation de la procédure d’appels d’offres et des seuils fixés par la législation en matière de passation des marchés par voie de gré à gré.
Faits prévus et punis par les articles 147 bis, point 1 et 149, alinéas I et 2, point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié par de la Loi n°05-006 du 29 mars 2005.
2. Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps que Sub.D.2, accepté, indirectement par l’intermédiaire de madame SORAYA MPIANA qui est sa belle- fille, l’achat à son profit de la concession mesurant 70,00 mètres x 100 mètres, située sur la baie de Ngaliema, au Quartier Basoko, dans la Commune de Ngaliema, à Kinshasa, afin d’abuser de son influence réelle en tant que Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat et superviseur du programme de 100 jours initié par le Président de la République, pour faire gagner à monsieur SAMIH JAMMAL sous les noms de ses Sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les marchés publics de l’achat et de l’érection de 1.500 et 3.000 maisons préfabriquées évoquées plus haut, en violation de la procédure d’appels d’offres et des seuils fixés par la législation en matière de passation des marchés par voie de gré à gré. Faits prévus et punis par les articles 147 bis, point I et 149, alinéas I et 2, point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié par de la Loi n°05-006 du 29 mars 2005.
A l’audience publique du 11/06/2020 au cours de laquelle, la cause a été appelée, instruite, plaidée et mise en délibéré, la partie civile a comparu représentée par ses conseils Maitre KALUBA DIBWA Dieudonné et le Bâtonnier KAYUDI MISAMU Coco, respectivement avocat au Barreau près la Cour de cassation et le Conseil d’Etat et avocat au Barreau près la Cour d’Appel de Kinshasa/ Matete ; les prévenus ont comparu en personne assistés de leurs Conseils : Pour le prévenu SAMIH JAMMAL par le Bâtonnier National honoraire MBU NE LETANG, Maitres Nicodème MUKA, Serge LEPIGHE, Tshitsha BOKOLOMBE, Christian BEYA, Arlette ODIA KASHAMA, Patrick TAMBWE, Gervais KALONGAMA, Papy MALOBA et Jardel MULONGOY ; le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital par le Bâtonnier Joseph GUHANIKA, Maîtres Roger THOTO, Jean Marie KABENGELA ILUNGA, Gérard KABEMBA, Giscard MUBIALA et Aimé MURUHUKA et le prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot par Maîtres KALOMBO BETU William et NGONGO KITETE Yannick-Albert ; tous Avocats.
La procédure ainsi suivie étant régulière et contradictoire, le Tribunal de céans s’est donc déclaré valablement saisi à leur égard.
Au cours de l’audience de plaidoirie du 11/06/2020, le prévenu SAMIH JAMMAL a, soulevé un déclinatoire de compétence, une fin de non-recevoir et une exception d’inconstitutionnalité ;
Expliquant le premier moyen, il soutient, d’une part, que le Tribunal de céans n’est compétent, en vertu de l’article 89 de la loi organique numéro 13/011-B du 11/04/2013, que pour connaitre des infractions punissables de la peine supérieure à 5 ans de servitude pénale principale et de la peine de mort ; dès lors, l’infraction de détournement des deniers publics mise à sa charge étant punissable de la peine de travaux forcés, le susdit Tribunal n’est pas compétent pour en connaitre ; et, d’autre part, ayant une résidence dans la commune de la Gombe, le Parquet Général près la cour d’appel de Kinshasa/Matete qui l’a interpellé et ouvert une instruction judiciaire à sa charge est territorialement incompétent pour saisir le Tribunal de céans ;
Donc, en le faisant, cette saisine est irrégulière, car opérée en violation des articles 19 de la constitution qui proscrit de distraire quelqu’un de son juge naturel et 104 alinéa 1 de la loi organique sus évoquée ;
Abordant le deuxième moyen d’irrecevabilité, le prévenu SAMIH JAMMAL soutient que l’exploit de citation à prévenu qu’il a reçu est obscure en ce que, d’une part, il ne lui permet pas de comprendre pourquoi l’organe de la loi lui reproche d’avoir détourné 48.831.148 $USD, alors que c’est la somme de 57.500.000$ USD qui lui a été remise ; et d’autre part, il ne précise pas le degré de participation des prévenus dans la commission de l’infraction sus indiquée ;
Ainsi, infère-t-il à l’irrecevabilité de l’action sous examen ;
S’agissant l’exception d’inconstitutionnalité, il fait observer que le Parquet Général de Kinshasa/Gombe qui l’a saisi n’a jamais posé un quelconque acte d’instruction et que les procès-verbaux qui gisent au dossier ont, plutôt, été dressés par les officiers ministériels du Parquet Général de Kinshasa/Matete ;
Dès lors, conclut-il, c’est en violation de l’article 19 de la constitution qui dispose que nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui attribue ;
Aussi, fait-il remarquer, la présente action étant mue en violation de la constitution, il échet de surseoir à son examen, en attendant que la cour constitutionnelle se prononce quant à ce ;
En outre, relève-t-il, l’infraction de détournement des deniers publics mise à sa charge étant punissable de la peine de travaux forcés qui, au regard de l’article 17 de la constitution, est contraire à celle-ci ;
Partant, il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de céans de surseoir à statuer en vertu de l’article 162 de la constitution qui prescrit que lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité est soulevée devant le juge de fond, ce dernier sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la cour constitutionnelle ;
Pour sa part, le prévenu KAMERHE a également, au cours de la même audience, soulevé un moyen de surséance pris de l’exception d’inconstitutionnalité en ce que la peine de travaux forcés prévue pour l’infraction de détournement des deniers publics viole la constitution de la République et a demandé de ce fait, la surséance.
En droit, de l’examen de l’article 5 du code Pénal Livre I, les peines applicables aux infractions sont : la peine de mort, les travaux forcés, la servitude pénale, l’amende, la confiscation spéciale, l’obligation de s’éloigner de certains lieux ou d’une certaine région ; la résidence imposée dans un lieu déterminé et la mise à la disposition de la surveillance du Gouvernement ;
En outre, la loi organique numéro 13/011-B du 11/04/2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire dispose, en son article 89, que les Tribunaux de Grande Instance connaissent des infractions punissables de la peine de mort et de celles punissables d’une peine excédant cinq ans de servitude pénale principale ;
Il suit que les Tribunaux de Grande Instance étant compétents pour connaitre des infractions punissables même de la peine de mort, ils sont également compétents pour connaitre de celles qui ne sont punissables que de la peine de travaux forcés, dès lors qu’aucune disposition légale n’attribue cette compétence à aucune autre juridiction ;
Ainsi, pour le Tribunal le raisonnement consistant à lui denier la compétence au motif que l’infraction de détournement des deniers publics dont il est saisi est punie de la peine de travaux forcés est spécieux, le législateur ne pouvant pas, du reste, instituer une incrimination sans prévoir le Tribunal compétent pour en connaitre ;
Par ailleurs, l’article 67 de la loi sus évoquée dispose qu’en matière répressive, le Ministère public recherche les infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République ;
A ce propos, la doctrine enseigne que la recherche des infractions aux différentes lois du pays commises sur toute l’étendue du territoire incombe au Ministère Public (Gabriel KILALA, Attributions du Ministère Public et Procédure Pénale, Tome I, éd. AMUNA, Kinshasa 2006, p.92) ;
Il en résulte que le Ministère Public est compétent pour interpeller quiconque, quel que soit le lieu de sa résidence, qui commettrait une infraction à n’importe quel endroit situé sur le territoire de la République ;
Par ailleurs, l’article 150 de l’arrêté d’organisation judiciaire numéro 299/79 du 20/08/1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets dispose que lorsqu’un dossier est à transmettre, pour compétence ou disposition à un autre parquet, il est, après avoir été inventorié, communiqué au procureur de la République qui en vérifie la nécessité. Si la transmission doit être faite à un parquet du ressort d’une autre cour d’appel, le dossier est adressé au procureur général qui en assure la transmission ;
En outre, l’article 104 de la loi organique sus évoquée dispose que sont compétents le juge du lieu où l’une des infractions a été commise, de la résidence du prévenu et celui du lieu où le prévenu aura été trouvé ;
Dans le cas sous examen, le Tribunal relève que le Procureur Général près la cour d’appel de Kinshasa/Matete a, sur injonction lui donnée par le Vice-Premier Ministre et Ministre de la Justice et Garde des sceaux par sa lettre du 10/02/2020, ouvert une enquête judiciaire aux termes de laquelle le prévenu SAMIH JAMMAL notamment a été interpellé et placé en détention ;
Ce dernier étant de résidence dans la commune de la Gombe, située dans le ressort du Parquet Général près la cour d’appel de Kinshasa/Gombe, il a transmis le dossier ainsi ouvert à son office à son collègue qui, par sa requête aux fins de fixation d’audience numéro 1698/RMP 1641/PG 023/a/LUK/2020 du 24/04/2020, l’a envoyé en fixation devant le Tribunal de céans ;
Il en découle que c’est sans pertinence que le prévenu SAMIH JAMMAL conteste la compétence tant de l’officier du Ministère Public qu’il a entendu lors de son interpellation et donc la régularité des procès-verbaux par lui dressés à ce sujet que celle du Tribunal de céans ;
Partant, ce moyen sera rejeté pour non fondement ;
Par ailleurs, le Tribunal relève que l’article 57 du CPP prescrit que la citation doit indiquer à la requête de qui elle est faite. Elle énonce les nom, prénoms et demeure du cité, l’objet de la citation, le tribunal devant lequel la personne citée doit comparaitre, le lieu et le moment de la comparution. La citation à prévenu contient, en outre, l’indication de la nature, de la date et du lieu des faits dont il aura à répondre ;
Aussi, a-t-il été jugé que si les éléments contenus dans la citation à prévenu, tels que le lieu, le mois, l’année de la commission des faits, la nature de ceux-ci, les victimes, permettent au prévenu de se défendre, l’exception obscuri libelli est infondée (CSJ, RPA 376, 02/04/2010 in Odon NSUMBU, Cour Suprême de Justice : Héritage de Demi-Siècle de Jurisprudence ; Les Analyses Juridiques, Kinshasa, 2015, p.327) ;
Il en résulte que pareille fin de non-recevoir ne peut qu’être soulevée in limine litis, car elle tend à sauvegarder les droits de la défense ;
Cependant, dans le cas d’espèce, le Tribunal note que d’une part, la citation à prévenu qu’a reçu le prévenu SAMIH JAMMAL qui soulève le moyen sous examen indique bel et bien le lieu, la date et la nature des faits dont il a à répondre ; en l’occurrence Kinshasa, entre les mois de mars 2019 et janvier 2020 ; entre les mois d’Août et septembre 2019 en ce qui concerne les faits relatifs à l’incrimination de détournement des deniers publics et en ce qui concerne les faits relatifs à la prévention de corruption, Kinshasa le 23 Janvier 2019 et le 25 Avril 2019 ; enfin, pour ce qui est des faits susceptibles d’être qualifiés de blanchiment des capitaux, Kinshasa, entre les mois de Mars 2019 et Janvier 2020 ; bien plus, la susdite citation indique le degré de participation du prévenu prénommé à la commission des infractions mises à sa charge en ce qu’elle précise, dans chaque cas où il est poursuivi avec le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital qu’il est co-auteur ; et d’autre part, le susdit moyen est soulevé á l’audience publique du 11/06/2020 consacrée aux plaidoiries, alors que tout au long des audiences précédentes, le prévenu s’est défendu, sans la moindre réserve, sur les faits lui imputés ;
Pour le Tribunal, l’impertinence du présent moyen est univoque ; partant, il le rejettera ;
En outre, le Tribunal fait observer que pour rendre intelligible le prescrit de l’article 162 de la constitution de la République, le Premier Président de la cour de cassation a, dans sa circulaire numéro 001 du 07/03/2017, souligné que l’exception d’inconstitutionnalité en tant qu’incident de procédure peut être soulevée soit d’office par la juridiction elle-même, soit par un justiciable, soit par le Ministère Public ;
Aussi, poursuit-il, lorsque, par inadvertance, le justiciable saisit la cour constitutionnelle, par voie principale, d’une requête en inconstitutionnalité d’un acte législatif ou règlementaire ou encore d’un édit provincial, la requête ainsi formée par le justiciable est inopérante pour produire, par son dépôt au greffe de la cour constitutionnelle, l’effet de la surséance devant le juge de fond ;
Bien plus, renchérit-il, dans l’hypothèse où le justiciable désire soulever pareil moyen devant le juge de fond, il devra le faire une seule fois et in limine litis ;
En fin, fait-il observer que sa position est tirée de l’arrêt qu’a rendu, sous R.Const. 310/311 TSR, la cour suprême de justice, faisant office de cour constitutionnelle ;
Dans le cas d’espèce, le Tribunal fait observer que les prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital soulèvent, après s’être défendu, au cours des audiences d’instruction du 11/05, 25/05, 03/06 et 04/06/2020 sur les incriminations mises à leur charge, à l’audience de plaidoirie du 11/06/2020, une exception d’inconstitutionnalité et sollicitent, par là même, la surséance à l’examen de la présente cause ;
A l’appui de son moyen, le prévenu KAMERHE produit même le récépissé du greffe de la cour constitutionnelle qui atteste qu’une requête a été enrôlée en date du 12/06/2020 sous R.Const 1248 ;
Pour sa part, le Tribunal relève que ce moyen est impertinent en ce que d’une part, il n’est pas soulevé in limine litis, donnant ainsi l’air d’un dilatoire et d’autre part, une requête en inconstitutionnalité introduite devant la Cour Constitutionnelle par une partie est inopérante devant le juge de fond qui ne peut donc pas sursoir à l’examen de la cause ;
Il ressort des pièces du dossier et de l’instruction menée devant ce Tribunal que les faits de la présente cause peuvent être ainsi résumés :
Après son élection à la magistrature suprême, Monsieur Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République Démocratique du Congo, a, pour satisfaire aux promesses de campagne faites à ses électeurs, annoncé, en date du 02/03/2020, la mise en œuvre d’un programme d’urgence de 100 jours ;
A ce titre, dans le volet habitat dudit programme, la construction des logements sociaux en faveur des couches de la population démunie fut préconisée ;
Cependant, alors que des fonds importants ont été décaissés, depuis plusieurs mois, du Trésor public pour y faire face ; des soupçons de détournements ont commencé à circuler dans l’opinion publique, car sur terrain il n’y avait que des signes timides de l’exécution du programme sus évoqué ;
C’est alors qu’au cours du conseil des Ministres tenu au mois de Février 2020, le Gouvernement de la République instruit le Vice Premier Ministre et Ministre de la Justice et Garde des sceaux de diligenter des enquêtes judiciaires pour faire la lumière sur la situation ;
Par sa lettre numéro 273/Secab 12/D/CAB/MIN/VPM/J et GS/2020 du 10/02/2020, ce dernier donna injonction aux Procureurs Généraux près les Cours d’Appel de Kinshasa/Gombe et Matete de mener des investigations.
Le Procureur Général près la cour d’appel de Kinshasa/Matete ouvrit une enquête qui aboutit à l’interpellation des prévenus SAMIH JAMMAL, gérant des sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, ayant bénéficié des fonds publics pour la fourniture des maisons préfabriquées dans le cadre du programme sus vanté ; KAMERHE LWA KANYIGINI Vital, Directeur de Cabinet du Président de la République et ordonnateur du décaissement des susdits fonds ainsi que MUHIMA NDOOLE Jeannot, Chef de Division à la Présidence de la République en charge de l’Import-Export, ayant reçu, sur injonction du prévenu KAMERHE, des fonds pour effectuer des formalités douanières qui n’auraient, pourtant, pas nécessité ce décaissement ;
Bien plus, l’organe de la loi conclut d’une part que le prévenu SAMIH JAMMAL aurait obtenu les marchés mis en cause en offrant des présents au prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital qui les aurait allégrement acceptés et d’autre part, le prévenu SAMIH JAMMAL aurait, en violation de la législation y afférente, transféré, à l’étranger, des sommes importantes qui proviendraient du détournement décrié ;
Après avoir clôturé ses enquêtes, le Parquet Général de Matete transmit, pour disposition et compétence, en raison des lieux de résidence des prévenus, le dossier au Parquet Général de la Gombe qui, sans désemparer, saisit, par la requête sus indiquée, le Tribunal de céans aux fins d’obtenir la condamnation des prévenus pré qualifiés.
Pour la partie civile, les incriminations mises à charge des prévenus sont établies et qu’il échet de condamner les prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital in solidum à la restitution de la somme de l’équivalent en FC de 48.831.148$USD + 2.137.500$ USD et aux dommages-intérêts de l’équivalent en FC de 100.000.000$ USD et de condamner in solidum les prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot à la restitution de la somme de l’équivalent en FC de 1.154.800$ USD ainsi qu’aux dommages-intérêts de l’équivalent en FC de 50.000.000$ USD ;
Pour sa part, l’organe de la loi requiert à ce qu’il plaise au Tribunal de dire établie en fait et en droit l’infraction de détournement des deniers publics portant sur le montant de 48.831.148 $USD à charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et de les condamner chacun à 20 ans de travaux forcés, tout en prononçant en outre l’interdiction pour 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ; la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation à charge de tous les deux prévenus et l’expulsion définitive du territoire de la République après l’exécution de la peine à charge du prévenu SAMIH JAMMAL ; dire établie à charge de ce dernier et du prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital l’infraction de détournement des deniers publics portant sur la somme de 2.137.500 $USD et de les condamner chacun à la peine de 10 ans de travaux forcés, tout en prononçant en outre l’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE, l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ; la privation, à charge de deux prévenus, du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ainsi que l’expulsion définitive du territoire de la République après l’exécution de la peine contre le prévenu SAMIH JAMMAL ; dire établie en fait et en droit à charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot l’infraction de détournement des deniers publics relative à la somme de 1.154.800$ USD et les condamner chacun à 2 ans de travaux forcés, en prononçant en plus contre tous deux : l’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine du droit de vote et du droit d’éligibilité; l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ; dire établies les deux préventions de blanchiment des capitaux à charge du prévenu SAMIH JAMMAL et de le condamner, pour la première, à une amende égale à deux fois la somme blanchie, soit 20.000.000 $USD et, pour la seconde, à la peine de 10 ans de servitude pénale principale et une amende égale à deux fois la somme blanchie, soit 20.000.000$ USD; constater que ces deux infractions sont en concours idéal et prononcer la peine de la seconde prévention qui est la plus forte ; dire établie, séparément, à charge de SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital l’infraction de corruption aggravée et les condamner chacun à 15 ans de servitude pénale principale et à une amende de 1.000.000 FC constants ; ordonner la confiscation des fonds contenus dans les relevés bancaires des nommés AMIDA SHATUR, SORAYA MPIANA et NSHANGALUME NKINGI Daniel alias MASSARO ainsi que la confiscation des propriétés immobilières acquises avec les fonds détournés pendant la période allant de Janvier 2019 à ce jour, couvertes par les titres ci-après : le contrat de location numéro 1348/2019 AD 44988, commune de Ngaliema au nom de SHANGALUME Daniel ; le certificat d’enregistrement AKN 11 folio 46 AD 193, commune de Kasa-vubu au nom de MPIANA DAIDA ; le certificat d’enregistrement AGL 547 folio 171 AD 5082, commune de la Gombe au nom de SHANGALUME Daniel ; le certificat d’enregistrement A/ML 01 folio 179 AD 1401, commune de Maluku au nom de MAYUKU NAMWISI Dieudonné ; le certificat d’enregistrement NN 45 folio 33 AD 71860, commune de la N’sele au nom de HAMIDA CHATUR KAMERHE ; le certificat d’enregistrement A/N 45 folio 34 AD 137.110, commune de la N’sele au nom de KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; le certificat d’enregistrement AGL 547 folio 56 AD 5807, commune de Lingwala au nom de SHANGALUME NKINGI Daniel et le contrat de cession entre JAMMAL SAMIH et SORAYA MPIANA, AD 44.196, Commune de Ngaliema ; dire qu’ à part les deux préventions de blanchiment mises à charge du prévenu SAMIH JAMMAL qui ont été commises en unicité d’intention, les autres sont en concours matériel et ordonner, en conséquence le cumul des peines à subir par chaque prévenu en veillant à ce que leur maximum, après sommation, ne puisse dépasser 20 ans de travaux forcés ou de servitude pénale principale ; ordonner l’arrestation immédiate du prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot ; allouer des dommages-intérêts à la partie civile tels qu’elle l’a demandé et condamner les prévenus aux frais de la présente instance ;
Interpellés sur les faits infractionnels leur imputés, les prévenus ont, après avoir clamé leur innocence en soutenant que ceux-ci sont non établis ;
En effet, le prévenu SAMIH JAMMAL a, au cours des audiences d’instruction du 11/05, 25/05, 03/06 et 04/06/2020, soutenu avoir conclu en Avril 2018 avec la partie civile, par le biais du Ministère du Développement Rural, pris en la personne du témoin Justin BITAKWIRA, Ministre en charge dudit département à l’époque, un contrat de fourniture des maisons préfabriquée, lequel, en vertu de l’avenant d’avril 2019, a été reconduit par les parties ;
Aussi, poursuit-il, c’est à ce titre qu’il a, au nom de la société SAMIBO SARL dont il est le gérant, reçu 57.500.000$ USD pour fournir et ériger 1500 maisons préfabriquées dans les cinq provinces que voici de la République Démocratique du Congo : Kinshasa, Kongo Central, Kasaï Central, Kasaï Oriental et Sud-Kivu ;
Ainsi, renchérit-il, en exécution du susdit contrat, conclu régulièrement, 211 maisons ont déjà été érigées au camp Tshatshi, à Kinshasa ; site indiqué par les préposés de la partie civile ;
Bien plus, fait-il observer, plusieurs conteneurs contenant des maisons préfabriquées sont bloqués, faute pour la partie civile de payer les frais y afférents, dans les ports de Dar-es-Salam et Lobito ;
En outre, quelques maisons sont déjà entrain d’être érigées dans la ville de Mbuji-Mayi au Kasaï Oriental ;
Il conclut que, c’est à tort que le Ministère Public lui impute un quelconque détournement de la somme sus indiquée ;
Par ailleurs, reconnaissant avoir reçu, en vertu de la commande lui adressée par la Présidence de la République d’ériger, en faveur des militaires et policiers, 3000 maisons ; 2.137.500$ USD, à titre d’acompte sur la facture de la susdite commande de 57.000.000$USD, le prévenu SAMIH JAMMAL soutient avoir déjà importé des maisons contenues dans 31 conteneurs bloqués au port de Matadi, faute, pour la partie civile, d’avoir payé les frais relatifs au dédouanement et au transport ;
Il fait remarquer que l’acte matériel de détournement, exigé par la loi pour que cette incrimination soit établie dans son chef manque en fait ;
En ce qui concerne la prévention de blanchiment des capitaux, tout en admettant avoir transféré à l’étranger des sommes importantes d’argent, il soutient que celles-ci n’ont pas une origine délictueuse dès lors qu’elles sont le produit des marchés publics régulièrement obtenus et ont été destinées à honorer ses engagements dans le cadre desdits marchés ;
Il infère que c’est à tort que l’organe de la loi le retient sous le lien de cette incrimination et sollicite donc son acquittement ;
Pour ce qui est de la prévention de corruption, le prévenu SAMIH JAMMAL soutient avoir agi de bonne foi en récompensant, non pas le prévenu KAMERHE ni sa belle-fille, le témoin SORAYA MPIANA qu’il n’a, du reste, jamais connue ; mais plutôt le témoin Daniel SHANGALUME NKINGI alias MASSARO, ami de ses enfants ; ce, pour des nombreux marchés qu’il lui a procurés ;
Il fait observer que lors de la première transaction en date du 23/01/2019, le prévenu KAMERHE n’était pas encore nommé Directeur de cabinet du Chef de l’Etat ;
Il poursuit que la seconde transaction est intervenue le 25/04/2019 alors qu’il était déjà attributaire du marché de 1500 maisons préfabriquées ;
Il invite alors le Tribunal à constater qu’une entente préalable n’a jamais eu lieu entre lui et le prévenu KAMERHE et que, par conséquent, l’infraction de corruption ne peut être déclarée établie à sa charge.
Pour sa part, le prévenu KAMERHE a également, au cours des mêmes audiences publiques sus évoquées, clamé son innocence ;
En effet, relativement aux faits de détournement des deniers publics lui imputés, il fait observer avoir agi, en vertu de ses prérogatives de Directeur de cabinet du chef de l’Etat et l’un des superviseurs du programme d’urgence de 100 jours mis en place par le Président de la République en vue de répondre aux attentes nombreuses de ses électeurs à l’issue de son investiture à la magistrature suprême ;
Ainsi, poursuit-il, c’est uniquement pour faire face à l’urgence de la situation qu’il devait veiller à la célérité dans le décaissement des fonds relatifs à l’exécution du susdit programme ;
Aussi, fait-il remarquer que, d’une part, le contrat en vertu duquel 1500 maisons préfabriquées ont été commandées, dans le cadre du volet Habitat du programme d’urgence sus évoqué, n’est que la continuité de celui qui, en Avril 2018, a été conclu par le Ministre du Développement Rural de l’époque, Monsieur Justin BITAKWIRA dans la mesure où l’avenant audit contrat a bel bien été signé par les parties contractantes ;
En plus, il soutient que la commande de 3000 maisons faite à la société HUSMAL SARL dont le prévenu SAMIH JAMMAL est gérant, destinées aux militaires et policiers étant dictée par le Président de la République, satisfait de la qualité des maisons érigées au Camp Tshatshi par le même JAMMAL, gérant de la société SAMIBO SARL qui, elle, avait reçu la commande de 1500 maisons, devait également être traitée avec célérité ;
En outre, il relève que, tout en soulignant que ce dernier marché a bel et bien été agréé par la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics par l’émission de son avis de non objection y afférent ; il était de son devoir de demander aux Ministres de Finances et du Budget ainsi qu’au Gouverneur de la Banque Centrale du Congo de prendre, chacun en ce qui le concerne, les dispositions idoines pour rendre possible l’exécution de ces marchés qui donc, à ses yeux, étaient régulièrement gagnés par le prévenu SAMIH JAMMAL ;
Bien plus, il soutient n’avoir bénéficié d’aucune somme d’argent de tout ce qui a été payé à ce dernier et met l’organe de la loi au défi d’apporter la preuve contraire ;
Par ailleurs, tout en reconnaissant avoir confié au prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot, chef de Division en charge d’Import-Export à la Présidence de la République, la mission de dédouaner les containeurs se trouvant au port de Dar-es-Salam, il fait observer que les frais y afférents, à savoir la somme de 1.154.800$ USD, lui a été directement remise par le Comptable Public et qu’il n’existe aucune preuve de son implication dans le détournement éventuel de la susdite somme ;
Il conclut à son acquittement pour faits non établis.
Concernant les faits de corruption, il relève n’avoir jamais été au courant de la cession faite par le prévenu SAMIH JAMMAL à sa belle- fille, SORAYA MPIANA et fait observer que lorsqu’il l’a su, instruction fut donnée pour que le titre y afférent soit annulé ;
Aussi, souligne-t-il n’avoir jamais rencontré le prévenu SAMIH JAMMAL, ni à son lieu de travail ni à son domicile, pour parler des marchés dont il a été attributaire ;
Il conclut à l’absence d’éléments constitutifs de cette incrimination, tout en soutenant que les marchés attribués à JAMMAL l’ont été de manière régulière et que donc, il ne peut être retenu sous le lien de la susdite incrimination.
Le prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot, quant à lui, soutient avoir affecté les fonds reçus du comptable public de la Présidence de la République aux opérations tendant à obtenir l’acheminement de 167 containeurs contenant les maisons préfabriquées se trouvant au port de Dars-es-Salam jusqu’à Mwene-Ditu ;
Aussi, renchérit-il, à ce jour, 77 conteneurs sont arrivés à leur destination, soit à Mwene-Ditu et 15 sont dans les installations de la SNCC à Lubumbashi ; tandis que 75 sont encore à Dar-es-Salam en attendant le deuxième décaissement des fonds ;
Bien plus, il produit un état détaillé des dépenses par lui effectuées ainsi que l’ordre de mission signé par le prévenu KAMERHE qui avait instruit le comptable public de la Présidence de la République de lui remettre les fonds dont question, soit 1.154.800 $USD ;
Partant, infère-t-il à ce qu’il plaise au Tribunal de céans de l’acquitter.
Position du Tribunal
A. DU DETOURNEMENT DES DENIERS PUBLICS PORTANT SUR LA SOMME DE 48.831.148 $USD A CHARGE DE SAMIH JAMMAL ET KAMERHE LWA KANYIGINI VITAL
En droit, l’article 145 du code Pénal Livre II dispose que tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant les intérêts de l’Etat ou d’une société étatique au sein d’une société privée, parastatale ou d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge, sera puni de un à vingt ans de travaux forces ;
Il en découle que les éléments ci-après doivent être réunis pour que l’infraction de détournement des deniers publics soit établie : la qualité de l’agent, l’objet de l’infraction, la victime, l’acte incriminé et l’intention criminelle ;
Relativement à la qualité de l’agent, la doctrine enseigne qu’il doit s’agir d’un fonctionnaire ou agent public ou d’une personne chargée d’un service public (MINEUR, Commentaire du code Pénal, p. 320) ;
Bien plus, le Décret-loi numéro 017/2002 du 03/10/2002 portant code d’éthique de l’agent public définit l’agent public de l’Etat comme toute personne qui exerce une activité publique de l’Etat et ou rémunérée par ce dernier ;
Aussi, résulte-t-il de l’examen de celui-ci que le personnel politique et administratif de la Présidence de la République est considéré comme un agent public ;
En outre, la doctrine précise que par personnes chargées d’un service public il faut entendre celles qui sont dépositaires ou comptables qui, sans être fonctionnaires ou officiers publics, sont instituées pour un intérêt d’ordre public et qui reçoivent des deniers ou effets en vertu de leur charge (MINEUR, op cit) ;
Aussi, a-t-il été jugé que la qualité de fonctionnaire ou de personne chargée d’un service public est un élément essentiel pour justifier l’application de l’article 145 du code Pénal (CSJ, RP 271, 27/06/1979 in Odon NSUMBU, op cit, p.80) ;
Dans le cas sous examen, le Tribunal note que le prévenu SAMIH JAMMAL, gérant de la société SAMIBO SARL, a reçu du trésor public au nom de cette dernière, des fonds pour ériger, en faveur des couches sociales démunies, 1500 maisons préfabriquées et ce, dans le cadre du programme d’urgence de 100 jours du chef de l’Etat ;
En outre, il fait observer qu’aux termes de l’ordonnance du 25/01/2019, le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital a été nommé Directeur de cabinet du Président de la République ;
Il en résulte que les deux prévenus prénommés sont respectivement investis de la qualité de personne chargée d’un service public et d’agent public ;
Par ailleurs, pour que l’infraction de détournement des deniers publics soit établie il faut qu’il s’agisse de certains biens, c’est-à-dire d’une nature donnée, et que lesdits biens aient été confiés à la personne qui les a détournés ;
Ainsi, il ressort de l’examen de la disposition légale y afférente qu’il est question de deniers qui ont été remis ou confiés à l’agent public ou assimilé qui les a détournés, et que cette remise ait eu lieu à raison des fonctions officielles ou de l’emploi dont il était investi ;
Cependant, la jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire que les sommes détournées soient entre les mains du détourneur, mais il suffit qu’en vertu de sa charge, il exerce un certain pouvoir sur lesdites sommes (CSJ, RPA 89, 20/01/1984 in B.A 1980-1984, Kin 2001, p.436 et suivants) ;
Le Tribunal fait observer que, dans le cas sous examen, sur instruction du prévenu KAMERHE, Directeur de cabinet du chef de l’Etat et superviseur du programme d’urgence de 100 jours du Président de la République, le Ministre des Finances a ordonné le payement de 57.500.000$ USD au prévenu SAMIH JAMMAL ;
En effet, outre ses propres affirmations, les témoins Henri YAV MULANG et Déogracias MUTOMBO, respectivement Ministre des Finances et Gouverneur de la Banque Centrale du Congo au moment des faits, ont confirmé les instructions du prévenu KAMERHE tendant à payer, en procédure d’urgence, le prévenu SAMIH JAMMAL ; d’autant plus qu’en vertu du communiqué qu’il avait signé, en date du 25/01/2019, aucune dépense publique, en dehors de celle relative aux rémunérations, ne pouvait être effectuée sans son autorisation ;
Il suit que la nature des biens détournés comme la détention préalable desdits biens par les prévenus sont sans équivoque ;
En plus, la doctrine enseigne que la loi exige que la victime du détournement soit l’Etat ou ses démembrements. Dans certains cas, il peut s’agir d’une personne morale semi publique (Bony CIZUNGU, Les Infractions de A à Z, éd. Laurent NYANGAZI, P.309) ;
Le Tribunal fait remarquer que, dans le cas d’espèce, c’est l’Etat qui se plaint d’être victime du détournement, étant entendu que les fonds détournés par les prévenus sont sortis du trésor public ; d’où, la constitution de la RD Congo comme partie civile ;
Il en découle que cet élément exigé par la loi pour que l’infraction sous examen soit établie ne fait l’ombre d’un moindre doute dans le cas d’espèce ;
Relativement à l’acte incriminé, la doctrine enseigne qu’il s’agit du détournement qui est l’élément matériel qui caractérise cette infraction ;
Aussi, entend-on par détournement l’usage ou la disposition d’objets ou de deniers qui sont dans les mains ou au pouvoir de l’auteur, à une fin qui ne leur était pas destinée. Il y a détournement dès que l’objet a été distrait de sa destination et est sorti de la droite voie (Bony CIZUNGU, op cit, p.310-311) ;
Ainsi, dans le cas d’espèce, le Tribunal fait remarquer qu’il ressort tant des pièces du dossier que des dépositions des témoins Henri YAV MULANG et Déogracias MUTOMBO, précédemment identifiés, que le trésor public a décaissé, du 18 mars au 21 Mai 2019, la somme de 57.500.000 $USD, en faveur de la société SAMIBO SARL, pour la fourniture de 1500 maisons préfabriquées, seule la somme de 8.668.852 $USD qui a, effectivement, été transférée, du compte de la susdite société logé à la RAWBANK au fournisseur des maisons préfabriquées se trouvant en Turquie ; le reste, soit 48.831.148 $USD ayant pris une destination autre que celle à laquelle il devait avoir ;
En effet, les pièces du dossier qui, du reste, corroborent les dépositions faites par le prévenu SAMIH JAMMAL tant lors de l’instruction pré juridictionnelle qu’au cours des débats aux audiences d’instruction, révèlent que des retraits des fonds ont été opérés sur le susdit compte dès le lendemain du premier approvisionnement par la Banque Centrale du Congo, lesquels ont atteint 35.000.000 $USD ; alors même que le prévenu, sans en donner une justification solide, cohérente et incontestable, s’est limité à affirmer qu’une partie de cet argent a été expédié, par des canaux informels, en Turquie pour la commande faite au fournisseur ;
Il suit qu’aucun doute ne persiste sur l’élément matériel sous examen qu’est le détournement ;
En fin, la loi retient l’intention criminelle pour que celui-ci soit puni ;
A ce propos, la doctrine dit que cette infraction exige l’intention frauduleuse ou méchante qui est réalisée lorsque l’auteur agit pour procurer un bénéfice illicite, soit à lui-même, soit à autrui (MINEUR, op cit, p.322) ;
Aussi, a-t-il été jugé que l’infraction de détournement réclame comme condition la détention précaire de biens mobiliers en vertu d’un titre conférant celle-ci et exige ensuite par l’acte infractionnel la translation frauduleuse par détournement ou dissipation de cette possession précaire en possession définitive au profit de l’auteur ou d’un tiers (CSJ, RPA 22, 01/02/1973, in Odon NSUMBU, op cit) ;
Il a également été jugé que la preuve de l’intention frauduleuse de l’infraction de détournement est établie soit sur base de présomptions graves, précises et concordantes, soit sur base de présomptions déduites des contradictions dans les explications du prévenu tant à l’instruction préparatoire qu’aux audiences, soit aussi sur base de présomptions résultant de la non justification concluante de sommes détenues à titre précaire (CSJ, RPA 26, 04/05/1974 in Odon NSUMBU, op cit, p.76) ;
Dans le cas sous examen, le Tribunal note que le prévenu SAMIH JAMMAL n’est pas en mesure de justifier la destination prise par la somme de 48.831.148 $USD sur les 57.500.000 $USD reçus, alors qu’il reconnait que plusieurs retraits, allant jusqu’à 35.000.000$USD ont été effectués soit par ses enfants, soit par son beau-fils soit encore par d’autres personnes qui, tous, n’ont rien à voir avec la commande de 1500 maisons préfabriquées pour lesquelles le trésor public a décaissé ces fonds ;
Dès lors, l’intention criminelle dans son chef ne fait l’ombre d’aucun doute ;
Mais, il ne pouvait arriver à ses fins s’il n’avait pas reçu une aide indispensable du prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital qui, en vertu de ses charges, Directeur de cabinet du Président de la République, unique superviseur du programme d’urgence de 100 jours du chef de l’Etat et seul, en vertu du communiqué officiel du 25/01/2019, habilité à autoriser les dépenses publiques autres que celles relatives aux rémunérations, a littéralement et délibérément violé les prescrits légaux sur les marchés publics ;
En effet, alors que le contrat attribuant le marché de fourniture des maisons préfabriquées à la société SAMIBO, conclu en avril 2018 avec le Ministère du Développement Rural pris en la personne du témoin Justin BITAKWIRA, responsable d’alors dudit ministère, est tombé caduc, son avenant n’ayant jamais été conclu, faute d’autorisation de la Direction Générale de contrôle des Marchés Publics, le prévenu KAMERHE a ordonné, au mépris des règles impératives en la matière, le décaissement en procédure d’urgence et sur les réserves de change, de la somme de 57.500.000$USD en faveur de la susdite société ;
A cet effet, le Tribunal relève qu’aux termes de la loi numéro 10/010 du 27/04/2010 relative aux marchés publics, aucun marché public ne peut être régulièrement conclu s’il n’obtient l’avis de non objection de la Direction Générale du Contrôle des Marchés Publics ;
Bien plus, le prescrit de ladite loi proscrit le paiement intégral du prix avant que le prestataire s’exécute ;
Cependant, il ressort des pièces du dossier et des dépositions des témoins Justin BITAKWIRA et Michel NGONGO SALUMU, Directeur Général a.i de la susdite direction ; que le contrat conclu en avril 2018, régulièrement du reste, car ayant obtenu toutes les autorisations requises, n’a jamais été reconduit contrairement aux allégations du prévenu KAMERHE qui s’y accroche pour légitimer ses actes ;
Ainsi, son intention frauduleuse découle également de sa volonté de gérer ce dossier en toute opacité ;
En effet, alors qu’il a soutenu, pendant son audition au Parquet et devant le Tribunal de céans, qu’une supervision composée des Ministres sectoriels, des Ministres des Finances et du Budget ainsi que du Gouverneur de la Banque centrale, était mise en place à la Présidence de la République pour agréer le projet de 1500 maisons retenu dans le programme d’urgence du chef de l’Etat, le témoin BITAKWIRA, Ministre du Développement Rural d’alors, a déclaré n’avoir jamais été invité à la Présidence de la République pour prendre part à une telle réunion ;
Aussi, a-t-il ajouté que c’est le Secrétaire Général de ce ministère, le témoin Georges NKOSHI, qui avait pris part à certaines réunions ;
Entendu, ce dernier reconnait avoir pris part à deux réunions, mais dont l’objet était l’approvisionnement des milieux ruraux en eau potable et l’aménagement des routes de desserte agricole. Il n’a donc jamais été question des maisons préfabriquées ;
Bien plus, contrairement au soutènement du prévenu KAMERHE lors de son audition devant le Ministère Public, le témoin NKOSHI a déclaré n’avoir jamais représenté le Ministre BITAKWIRA à une réunion de la supervision du programme d’urgence à la Présidence de la République ;
Pour leur part, les témoins Déogracias MUTOMBO, Gouverneur de de Banque Centrale du Congo, Henri YAV MULANG, Pierre KANGUNDIA et Thomas LUHAKA MBAYI, respectivement anciens Ministres des Finances, du Budget et de l’Urbanisme et de l’habitat ont dans leurs dépositions concordantes et non contredites soutenus n’avoir jamais été informés qu’ils étaient membres d’une structure dénommée supervision et déclaré n’avoir jamais pris part à une réunion y afférente au cours de laquelle ils auraient parlé du marché d’érection de 1500 maisons préfabriquées attribué à SAMIBO ;
En outre, des dépositions des témoins Nicolas KAZADI, Justin KAMERHE, Marcelin BILOMBA, BADAGA Aphy, BANYWESIZE Jacques et Peter KAZADI, tous membres de la coordination chargée du suivi du programme d’urgence sus vanté, il ressort qu’aucune réunion portant sur le marché d’érection des maisons préfabriquées n’a été tenue ; mais seuls Justin KAMERHE, jeune frère du prévenu ; BADAGA Aphy et BANYWESIZE Jacques, originaires du territoire de Walungu et membres du parti politique UNC comme le prévenu, ont reçu, de manière informelle, c’est-à-dire sans qu’une réunion de la coordination soit régulièrement convoquée, les délégués de SAMIBO, prétendument pour s’enquérir de la capacité de cette entreprise à honorer ses engagements ;
Par ailleurs, il n’est pas inutile de souligner que le témoin Henri YAV MULANG a, au cours de sa déposition, soutenu, sans être contredit, que le prévenu KAMERHE, au-delà de sa correspondance lui enjoignant de payer, en procédure d’urgence, lui a fait comprendre, par un appel téléphonique, qu’il devait tout faire, même en recourant aux réserves de change, pour payer le prestataire ;
De ce qui précède, l’existence de l’intention criminelle dans le chef du prévenu KAMERHE est également sans équivoque ;
Bien plus, le Tribunal note que les deux prévenus ont directement coopéré pour perpétrer ce détournement ;
En effet, l’article 21 du code Pénal Livre I dispose que sont considérés comme auteurs d’une infraction notamment ceux qui l’auront exécutée ou qui auront coopéré directement à son exécution ainsi que ceux qui, par un fait quelconque, auront prêté pour l’exécution une aide telle que, sans leur assistance, l’infraction n’eut pu être commise ;
Ainsi, il est de jurisprudence que constitue une aide nécessaire prévue à l’article 21 du code Pénal Livre I et sans laquelle l’infraction de détournement des deniers publics n’eut pu être commise de la manière qu’il l’a été, la passation d’un marché imaginaire en vertu duquel les fonds ont été utilisés en paiement (CSJ, RP 20/CR, 15/08/1979, in Odon NSUMBU, op cit, p.36) ;
Il a, en outre, été jugé que participe à l’infraction de détournement de deniers publics, le prévenu qui, sur base des machinations et artifices, crée l’espoir d’une abondance matérielle et provoque la sortie des sommes d’argent dont il tire profit tel qu’il ressort des présomptions de culpabilité. Cette participation ne requiert pas nécessairement une volonté convergente, la seule conscience de provoquer l’infraction suffit (CSJ, RPA 94, 31/08/1984, in Odon NSUMBU, op cit) ;
Dès lors, au regard des éléments de la cause tels qu’exposés supra, la participation du prévenu KAMERHE, en tant que co-auteur, à la commission de l’infraction du détournement de deniers publics ne fait l’ombre d’un moindre doute ;
De tout ce qui précède, le Tribunal dira établie en fait comme en droit l’infraction de détournement des deniers publics portant sur le montant de 48.831.148 $USD mise à charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence, le condamnera chacun à 20 ans de travaux forces ;
En outre, il prononcera les peines accessoires ci-après :
A charge de SAMIH JAMMAL : la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation et l’expulsion définitive du territoire national, après l’exécution de la peine ;
A charge de KAMERHE LWA KANYIGINI Vital : l’interdiction pour 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité, l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelles et à la réhabilitation ;
B. DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS PORTANT SUR LA SOMME DE 2.137.500 $USD A CHARGE DES PREVENUS SAMIH JAMMAL ET KAMERHE LWA KANYGINI Vital
Le Tribunal relève, au regard des pièces du dossier et de l’instruction, que, sans qu’un contrat soit régulièrement conclu entre la partie civile et la société HUSMAL SARL, dont toujours le prévenu SAMIH JAMMAL est le gérant, le prévenu KAMERHE, répondant à une commande adressée par ce dernier à la Présidence de la République et sans que le Ministre sectoriel soit impliqué, instruit le Ministre des Finances de payer, en procédure d’urgence, 30% de la facture de 57.000.000$USD sous prétexte d’obtenir la livraison de 3000 maisons destinées aux militaires et policiers ;
Cependant au vu des difficultés de la trésorerie, le Ministre des Finances ne put que donner injonction à la Banque Centrale de décaisser la somme de 2.137.500$USD en faveur de la société HUSMAL ;
Le Tribunal note qu’il n’existe aucune preuve que ces fonds ont été utilisés pour passer la commande sus indiquée ;
En plus, depuis lors, le prévenu SAMIH JAMMAL n’a livré les maisons promises, se limitant à affirmer, sans administrer ni promettre d’administrer la moindre preuve y relative, que 31 containeurs se trouvent à Matadi ;
Entendu au cours de l’audience publique du 04/06/2020, le témoin TSHIWEWE Christian, Général-Major et commandant de la Garde Républicaine a soutenu, sans être contredit, qu’au camp TSHATSHI se trouvent érigées 211 maisons, faisant partie du lot de 300 maisons qui devaient être livrées dans le cadre du marché SAMIBO et que la demande exprimée par les militaires d’avoir 700 autres maisons dans le cadre du marché HUSMAL n’a jamais été satisfait ;
Par ailleurs, le témoin Michel NGONGO SALUMU qui reconnait avoir autorisé la passation de ce marché de gré à gré, mais soutient n’avoir jamais, comme l’indique sa correspondance versée au dossier, donné un avis de non objection pouvant ainsi rendre ledit marché régulier ;
Ainsi donc, comme dans le cas du marché SAMIBO, le prévenu KAMERHE est resté insensible au respect des règles impératives de passation des marchés publics et a autorisé le paiement en urgence de la facture de HUSMAL ;
Au vu des dispositions légales et jurisprudentielles sus évoquées, tous les éléments constitutifs de l’infraction de détournement de deniers publics sont établis en fait et en droit à charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence, le Tribunal les condamnera chacun à 10 ans de travaux forces ainsi qu’aux peines accessoires ci-après :
A charge de SAMIH JAMMAL : la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ainsi que l’expulsion définitive du territoire national, après l’exécution de la peine ;
A charge de KAMERHE LWA KANYIGINI Vital : l’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité ; l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ;
C. DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS PORTANT SUR LA SOMME DE 1.154.800 $USD A CHARGE DES PREVENUS KAMERHE LWA KANYIGINI VITAL ET MUHIMA NDOOLE JEANNOT
De l’examen des pièces du dossier et de l’instruction de la cause, il ressort que, sur instruction du prévenu KAMERHE, le témoin NGUNDA MUZUMBU José, comptable public à la Présidence de la République, a remis en date du 21/08/2019, la somme de 1.154.800 $USD, au prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot, Chef de Division chargé de l’Import-Export à la Présidence de la République ; ce, pour procéder au dédouanement des containeurs contenant les maisons préfabriquées ;
Cependant, le Tribunal note que d’une part, le contrat de fourniture des susdites maisons n’ayant jamais été régulièrement conclu, l’avenant au contrat d’Avril 2018 n’ayant jamais reçu l’avis de non objection, comme l’a indiqué le témoin Michel NGONGO SALUMU, Directeur Général a.i de la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics et d’autre part, en lisant le susdit contrat en vertu duquel le prévenu KAMERHE prétend avoir donné ses injonctions, il est stipulé en son article 6 que les frais afférents à la parfaite exécution du marché sont à charge du prestataire ;
Bien plus, il fait observer qu’une exonération douanière, en vertu d’une décision du Ministre des Finances prise à la requête du même prévenu, a été accordée à SAMIBO ;
Ainsi, il résulte de ce qui précède que c’est sans soubassement juridique (légal ou contractuel) que ce dernier a ordonné le décaissement de ces fonds du trésor public ;
En plus, le Tribunal relève que le prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot a reconnu avoir effectué des dépenses n’ayant aucun lien avec le dédouanement. En effet, il affirme avoir payé son titre de voyage et fait face aux frais relatifs à sa restauration et son logement avec l’argent prétendument destiné au dédouanement des conteneurs, alors que, paradoxalement, il était détenteur d’un ordre de mission signé par le prévenu KAMERHE ;
Le Tribunal relève que le prévenu MUHIMA donne, sans le prouver des détails sur les dépenses par lui effectuées.
De tout ce qui vient d’être dit et au regard des éléments de droit précédemment développés, le Tribunal de céans constate que tous les éléments constitutifs de l’infraction de détournement des deniers publics sont réunis ; partant, il dira celle-ci établie en fait et en droit à charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot et les condamnera chacun à 2 ans de travaux forcés ;
Il prononcera à leur charge, en plus, les peines accessoires suivantes : l’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité, l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ;
D. DU BLANCHIMENT DES CAPITAUX A CHARGE DU PREVENU SAMIH JAMMAL
En droit, la loi numéro 04/016 du 19/07/2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dispose, en ses articles 6 et 38 alinéa 9, point 2 que tout transfert vers l’étranger ou en provenance de l’étranger, de fonds, titres ou valeurs pour une somme égale ou supérieure à 10.000$ USD, doit être effectué par un établissement de crédit ou par son intermédiaire ;
En outre, sont considérés comme blanchiment des capitaux, les actes ci-dessous commis intentionnellement :
-La conversion, le transfert ou la manipulation des biens dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l’infraction à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;
-La dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels des biens ;
-L’acquisition, la détention ou l’utilisation des biens par une personne qui sait, qui suspecte ou qui aurait dû savoir que lesdits biens constituent un produit d’une infraction ;
Seront punis d’une amende dont le maximum est égal á trois fois le montant de la somme blanchie : ceux qui auront effectué ou accepté des règlements en espèces pour des sommes supérieures au montant autorisé par la présente loi ou les textes réglementaires pris pour son application et ceux qui auront contrevenu aux dispositions de l’article 6 relatives aux transferts internationaux de fonds ;
Il se dégage de ce qui précède que l’infraction de blanchiment peut être perpétrée du fait tout simplement de transférer frauduleusement plus de 10.000$ USD ou en dissimulant les fonds d’origine illicite ;
Ainsi, cette dernière infraction de blanchiment requiert, pour sa consommation, la réunion des éléments que voici :
– L’existence d’une infraction : le blanchiment suppose la réalisation antérieure d’une autre infraction ; cependant, la jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire que ladite infraction ait été punie ; il suffit donc que le juge du fond constate l’existence de cette infraction antérieure (Cour de droit.net : Qu’est-ce que le blanchiment d’argent et ses éléments constitutifs ?) ;
– Les procédés de blanchiment : il s’agit de tout moyen utilisé pour donner une justification mensongère à l’origine des biens, fonds ou revenus. C’est donc le moyen auquel l’auteur recourt pour dissimuler ou déguiser l’origine illicite desdits biens, fonds ou revenus ;
– L’élément moral : c’est l’intention coupable qui nécessite que l’auteur ait pu se convaincre de l’origine illicite des biens, fonds ou revenus dissimulés ;
Dans le cas d’espèce, le prévenu SAMIH JAMMAL qui reconnait avoir reçu du trésor public, à travers son compte logé à la RAWBANK, la somme de 57.500.000 $USD, affirme avoir transféré au Liban plus ou moins 10.000.000$USD qui s’y trouvaient ; ce, sans avoir recours aux circuits bancaires officiels et légaux ;
Il en découle que, par le simple fait d’avoir transféré à l’étranger plus de 10.000$USD, sans observer la règlementation prescrite à cet effet par la Banque Centrale, le Tribunal retiendra le prévenu SAMIH JAMMAL sous le lien de la première prévention de blanchiment des capitaux ;
En conséquence, il le condamnera à une amende égale à deux fois la somme blanchie, soit 20.000.000 $USD ;
Par ailleurs, le Tribunal fait observer que les fonds que le prévenu SAMIH JAMMAL a transférés, par des voies non officielles, au Liban ont été prélevés sur ceux détournés qui, pourtant, étaient destinés à payer le fournisseur des maisons préfabriquées, attendues dans le cadre du programme d’urgence de 100 jours du chef de l’Etat ;
Il note, en outre, qu’en procédant comme il l’a fait, le prévenu connaissait bien l’origine illicite desdits fonds qu’il voulait dissimuler ;
Il en découle que les éléments matériel et moral de la seconde incrimination de blanchiment des capitaux sont réunis dans son chef ; partant, il la dira établie en fait et endroit et le condamnera à une servitude pénale principale de 10 ans et une amende égale à deux fois la somme blanchie, soit 20.000.000 $USD ;
E. DE LA CORRUPTION A CHARGE DU PREVENU SAMIH JAMMAL
En droit, l’article 147 bis du code Pénal Livre II tel que modifié et complété par l’article 2 de la loi numéro 05-006 du 29/03/2005 dispose que sont constitutifs de corruption :
– Le fait, pour un agent public ou toute personne de solliciter ou d’accepter directement ou indirectement, des sommes d’argent, tout bien ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage, tel qu’un don, une faveur, une promesse ou un gain pour lui-même ou pour autrui, personne physique ou morale, en contrepartie de l’accomplissement ou de l’omission d’un acte dans l’exercice de ses fonctions ;
– Le fait d’offrir ou d’octroyer, directement ou indirectement, à un agent public ou à toute personne, des sommes d’argent, tout bien ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage, tel qu’un don, une faveur, une promesse ou un gain pour lui-même ou pour autrui, personne physique ou morale, en vue de l’accomplissement ou de l’omission d’un acte dans l’exercice de ses fonctions ;
– Le fait d’offrir, de donner ou de promettre directement ou indirectement un avantage indu à une personne qui dirige un organisme du secteur privé ou est employé par ce dernier en quelque qualité que ce soit, ou le fait, pour cette personne de solliciter ou d’accepter cet avantage indu, directement ou indirectement, à titre personnel ou pour autrui, pour qu’elle agisse en contravention de ses devoirs ou qu’elle s’abstienne d’agir ;
– Le fait pour un agent public ou toute autre personne, de solliciter ou d’accepter, directement ou indirectement, un avantage indu pour lui-même ou pour autrui, afin d’abuser de son influence réelle ou supposée, en vue de faire obtenir d’une administration ou d’une autorité publique un avantage indu ;
– L’usage, la dissimulation ou l’aliénation frauduleuse du produit ou des biens tirés de l’un des actes visés au présent article ;
– Le fait d’utiliser la fraude pour échapper ou faire échapper autrui aux obligations fiscales, douanières et administratives ;
– L’enrichissement illicite ;
Il suit que toute personne, agent public ou pas, peut être coupable de corruption active (lorsqu’elle corrompt) ou passive (quand elle est corrompue) ;
Il convient, en outre, de relever que l’article 149 du code Pénal tel que modifié à ce jour a ajouté les circonstances aggravantes à l’incrimination de corruption lors que les actes de corruption ont été perpétrés en vue de gagner les marchés publics en violation de la procédure d’appels d’offres et des seuils fixés par la législation en matière de passation des marchés de gré à gré ;
Aussi, a-t-il été jugé que l’infraction de corruption est établie dans le chef du Fonctionnaire dès qu’il est établi que celui-ci, à la suite d’une entente préalable avec son corrupteur, a agréé des dons et promesses, reçu des dons ou des présents, soit pour accomplir dans le cadre de son emploi, un acte injuste ou pour s’abstenir de faire un acte qui entre dans le cadre de ses devoirs, soit pour commettre une infraction dans l’exercice de sa charge ( CSJ, RPA 22, 01/02/1973, Odon NSUMBU, op cit, p. 66 ) ;
Dans le cas d’espèce, le Tribunal relève que le prévenu SAMIH JAMMAL, dont le contrat de fourniture de 900 maisons préfabriquées conclu régulièrement en Avril 2018, au prix de 26.500.000 $USD avec le Ministre du Développement Rural n’avait pas prospéré, comme l’a soutenu le témoin Pierre KANGUDIA MBAYI, Ministre du Budget de l’époque, prit contact avec le témoin Daniel SHANGALUME NKINGI alias MASSARO, cousin du prévenu KAMERHE ;
Aussi, fait-il remarquer qu’il fit, en date du 23/01/2019, soit deux jours avant que ce dernier soit nommé Directeur de cabinet du Président de la République, cession d’une partie de sa parcelle située sur la baie de Ngaliema et mesurant 50 sur 100 mètres, à Mademoiselle SORAYA MPIANA, belle-fille du prévenu KAMERHE ;
Le Tribunal relève que dans sa déposition, faite au cours de l’audience publique du 04/06/2020, cette dernière a déclaré ignorer totalement cette cession ; cependant, le témoin Daniel SHANGALUME NKINGI alias MASSARO a, après avoir confirmé cette assertion, reconnu avoir délibérément donné le nom de SORAYA MPIANA à son donateur, le prévenu SAMIH JAMMAL qui a soutenu avoir fait cette offre à ce dernier pour le récompenser pour des marchés qu’il lui a fait gagner ;
En outre, alors qu’à l’audience publique du 11/05/2020, ce dernier a déclaré n’avoir jamais rencontré le prévenu KAMERHE, le Tribunal fait observer qu’au cours de l’audience du 04/06/2020, il a confirmé les allégations du témoin Pierre KANGUDIA MBAYI selon lesquelles il l’avait trouvé un jour dans l’anti chambre du bureau de prévenu KAMERHE, prêt à être reçu par ce dernier ;
Aussi, a-t-il ajouté qu’il a été reçu pendant trois ou cinq minutes dans le cadre des démarches tendant à faire aboutir le dossier du marché SAMIBO ;
Bien plus, le Tribunal note qu’en date du 25/04/2020, le prévenu SAMIH JAMMAL a encore fait cession de sa concession mesurant 70 sur 100 mètres, située sur la baie de Ngaliema et ayant une valeur de 100.000 $USD, à SORAYA MPIANA, représentée devant le conservateur des titres immobiliers par MASSARO ;
Aussi, relève-t-il que ce dernier a déclaré que Mademoiselle SORAYA ignorait toutes ces opérations ;
Cependant, le témoin KILANGALANGA, conservateur des titres immobiliers de Ngaliema au moment des faits, a, lors de sa déposition au cours de l’audience publique du 04/06/2020, soutenu avoir opéré la mutation, en présence des parties, MASSARO ayant déclaré, sans être contredit par SAMIH JAMMAL, représenter SORAYA MPIANA ;
Il a, en outre, dit avoir remis les titres de JAMMAL au témoin MOLENDO SAKOMBI, Ministre des Affaires Foncières et membre de l’UNC, le parti politique dont le prévenu KAMERHE est le Président et celui établi au nom de SORAYA à Daniel KANYEMESHA, chef de Division du cadastre et proche du prévenu KAMERHE ;
En plus, pour battre en brèche les dénégations de ce dernier, le témoin KILANGALANGA a soutenu avoir annulé le certificat établi au nom de SORAYA à la suite de la cession du 23/01/2019 non pas à cause de l’opposition de ce dernier qu’il a mis au défi d’en produire la preuve, mais sur injonction du Parquet, saisi par JAMMAL pour corriger une erreur de l’emplacement du lieu cédé ;
Le Tribunal relève que ce dernier n’a pas contesté cette affirmation ;
De ce qui vient d’être dit, il ressort que le prévenu SAMIH JAMMAL a fait toutes ces offres, non pas à SORAYA MPIANA, mais certainement au prévenu KAMERHE pour obtenir son implication dans l’attribution en sa faveur des marchés des maisons préfabriquées dont la procédure a, du reste, été décriée supra ;
Ainsi, le Tribunal dira établies en fait comme en droit les deux infractions de corruptions mises à charge du prévenu SAMIH JAMMAL et le condamnera à une servitude pénale principale de 15 ans et à une amende de 1.000.000 FC constants ou une servitude pénale subsidiaire de 6 mois ;
F. DE LA CORRUPTION A CHARGE DU PREVENU KAMERHE LWA KANIGYNI VITAL
Sans qu’il soit nécessaire de reprendre les développements juridiques exposés ci-haut, le Tribunal fait observer qu’il résulte des pièces du dossier et de l’instruction de la cause que le témoin KILANGALANGA a déclaré avoir reçu de Daniel SHANGALUME NKINGI alias MASSARO, cousin du prévenu KAMERHE, l’identité complète de SORAYA MPIANA pour lui permettre d’établir les titres consécutifs aux cessions faites par le prévenu SAMIH JAMMAL et que ceux-ci ont été remis à un proche du prévenu KAMERHE, en l’occurrence monsieur Daniel KANYEMESHA ;
Il en découle que le prévenu KAMERHE, par son silence, a bel et bien accepté ces offres qui, du reste, l’ont même poussé à ne pas observer la procédure légale prescrite en matière de passation des marchés publics, comme plus haut démontré ;
Ainsi, pour le Tribunal, l’infraction de corruption aggravée est également établie en fait et en droit à sa charge ; par conséquent, il le condamnera à 15 ans de servitude pénale principale et à une amende de 1.000.000 FC constants ou 6 mois de servitude pénale subsidiaire ;
Par ailleurs, l’article 20 du code Pénal Livre I dispose que lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée. Lorsqu’il y a concours de plusieurs faits constituant chacun une ou plusieurs infractions, le juge prononcera une peine pour chaque fait et il cumulera les peines prononcées, sous réserve de l’application des dispositions suivantes notamment : la peine de mort et la servitude pénale à perpétuité absorbent toute peine privative de liberté et la somme des peines de servitude pénale à temps ne pourra dépasser 20 ans ;
Ainsi, il est de jurisprudence que sont en concours matériel les infractions qui ne sont pas liées par l’unité d’intention (CSJ, RP 23/CR, 26/01/1981, in Odon NSUMBU, op cit, p.23) ;
Aussi, relève le Tribunal, ne sont en concours idéal que les infractions de blanchiment des capitaux commises par le prévenus SAMIH JAMMAL, car liées par l’unité d’intention criminelle ; tandis que toutes les autres infractions sont en concours matériel ;
Il en découle que pour celles qui sont en concours idéal, le Tribunal fera application du principe de la plus haute expression pénale, alors que pour les autres il cumulera les peines, sans préjudice des restrictions légales sus évoquées ;
Par ailleurs, le Tribunal note que du prescrit de l’article 14 du code Pénal Livre I il ressort que la confiscation spéciale s’applique aux choses qui ont été produites par l’infraction ;
A ce propos, la doctrine enseigne que les choses produites par l’infraction peuvent toujours être confisquées, quel que soit le propriétaire et elle précise que d’une part, le prononcé de la confiscation est une obligation pour le juge qui ne peut se dispenser de l’infliger parce qu’il existerait des circonstances atténuantes et d’autre part, la confiscation n’est pas subordonnée à l’existence de la saisie préalable, le juge devant tout simplement vérifier si les conditions qui la prescrivent sont réunies (MINEUR, op cit, p. 32 et 53) ;
Dans le cas sous examen, le Tribunal relève que les prévenus et leurs proches se sont illicitement enrichis en acquérant, concomitamment avec la commission des infractions, certains biens qui indubitablement, au vu des professions et revenus normaux de leurs propriétaires que ceux-ci peuvent leur procurer, sont les produits desdites infractions ;
Dès lors, comme l’a requis l’organe de la loi, il prononcera leur confiscation ;
En outre, l’article 85 du code de procédure pénale dispose que l’arrestation immédiate peut être ordonnée s’il y a lieu de craindre que le condamné ne tente de se soustraire à l’exécution de la peine et que celle-ci soit de 3 mois de servitude pénale au moins ;
Dans le cas d’espèce, le Tribunal relève qu’étant condamné à 2 ans ferme de travaux forcés, le prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot risque de se soustraire, par la fuite, à l’exécution de cette peine ;
Ainsi, il ordonnera son arrestation immédiate ;
De tout ce qui précède, il recevra l’action civile, la dira fondée et lui allouera les dommages- intérêts qu’il fixera en tout équité de l’équivalent en franc congolais de 150.000.000 $USD (cent cinquante millions de dollars américains) estimant le montant de 2O0.000.000 $USD sollicité exorbitant ;
Néanmoins, il n’ordonnera pas la restitution telle que sollicitée par la partie civile, motif pris de ce que les fonds détournés ne sont pas saisis ;
En effet, il a été jugé qu’est d’ordre public et entraine cassation partielle avec renvoi, le moyen pris de la violation de l’article 15 du code Pénal Livre I en ce que l’arrêt a ordonné la restitution des biens non saisis (CSJ, RP 360/361, 29/07/1980 in Odon NSUMBU, op cit., p. 50) ;
S’agissant de l’action reconventionnelle introduite par prévenu SAMIH JAMMAL bien que recevable, sera déclarée non fondée en ce que les faits mis à sa charge sont établis ;
De tout ce qui vient d’être dit, le Tribunal condamnera les prévenus aux frais de la présente instance ;
Par ces motifs ;
Le Tribunal ;
Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;
Vu la constitution de la République, spécialement en son article 162 ;
Vu la loi organique numéro 13/011-B du 11/04/2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code pénal, en ses articles 5, 14, 145 et 147 bis ;
Vu la loi n° 04-016 du 19/07/2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, en ses articles 1 point 1, 6, 34 et 38 alinéa 9, point 2 ;
Vu la loi n° 10/010 du 27/04/2010 relative aux marchés publics ;
Vu le Décret-loi n° 017/2002 du 03/10/2002 portant code d’éthique de l’agent public ;
Vu le Décret n° 10/22 du 02/06/2010 portant manuel de procédures de la loi relative aux marchés publics ;
Vu l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/08/1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets, en son article 150 ;
Le Ministère Public entendu ;
Reçoit le déclinatoire de compétence soulevé par le prévenu SAMIH JAMMAL, mais le dit non fondé ; en conséquence, le rejette et se déclare compétent ;
Reçoit, mais dit non fondée la fin de non-recevoir tirée de l’obscurité du libellé soulevée par le même prévenu ; en conséquence, la rejette ;
Dit irrecevable l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par les prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence, dit qu’il n’y a pas lieu à surséance ;
Dit établie en fait et en droit l’infraction de détournement des deniers publics portant sur le montant de 48.831.148 $USD à charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence, les condamne chacun à 20 ans de travaux forcés et prononce, en outre :
– L’interdiction pour 10 ans après exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ;
– L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ;
– La privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation à charge de tous les deux prévenus ;
– L’expulsion définitive du territoire de la République, après l’exécution de la peine à charge du prévenu SAMIH JAMMAL ;
Dit établie en fait et en droit l’infraction de détournement des deniers publics portant sur le montant de 2.137.500 $USD à charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence, les condamne chacun à 10 ans de travaux forces et prononce, en outre :
– L’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ;
– L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ;
– La privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation à charge de tous les deux prévenus ;
– L’expulsion définitive du territoire national après l’exécution de la peine contre le prévenu SAMIH JAMMAL ;
Dit établie en fait comme en droit à charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot l’infraction de détournement des deniers publics portant sur la somme de 1.154.800 $USD ; en conséquence, les condamne chacun à 2 ans de travaux forces et prononce en outre contre tous deux :
– L’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité ;
– L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon ;
– La privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ;
Dit établies en fait et en droit les deux préventions de blanchiment des capitaux mises à charge du prévenu SAMIH JAMMAL et le condamne, pour la première, à une amende de 20.000.000 $USD et pour la seconde, à 10 ans de servitude pénale principale et une amende de 20.000.000 $USD ;
Dit établie en fait et en droit l’infraction de corruption mise à charge du prévenu SAMIH JAMMAL et le condamne, en conséquence, à une SPP de 15 ans et une amende de 1.000.000 FC constants ou une servitude pénale subsidiaire de 6 mois ;
Dit également établie en fait comme en droit la prévention de corruption à charge du prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et le condamne à une SPP de 15 ans et une amende de 1.000.000 FC constants ou une SPS de 6mois ;
Dit que les deux infractions de blanchiment des capitaux commises par le prévenu SAMIH JAMMAL le sont en concours idéal ; par conséquent, prononce l’unique peine, la plus forte soit 10 ans de SPP et une amende de 20.000.000 $USD ;
Dit, en revanche, que les autres infractions commises par les prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital le sont en concours matériel ; partant, cumule les peines et prononce à leur encontre la peine de 20 ans de travaux forcés chacun ainsi que les peines accessoires ci-après :
– L’interdiction pour 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ;
– L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ;
– La privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation à charge de tous les deux ;
– L’expulsion définitive du territoire de la République après l’exécution de la peine à charge du prévenu SAMIH JAMMAL ;
Ordonne la confiscation des fonds contenus dans les comptes des nommés AMIDA CHATUR, SORAYA MPIANA et NSHANGALUME NKINGI DANIEL alias MASSARO ainsi que des propriétés immobilières acquises avec les fonds détournés et qui sont couvertes par les titres ci-après établis aux noms des personnes suivantes :
– Le contrat de location n° 1348/2019 AD 44988, commune de Ngaliema au nom de NSHANGALUME Daniel ;
– Le certificat d’enregistrement AKN 11 Folio 46 AD 193, commune de Kasa-vubu au nom de MPIANA DAIDA ;
– Le certificat d’enregistrement AGL 547 Folio 171 AD 5082, commune de la Gombe au nom de NSHANGALUME Daniel ;
– Le certificat d’enregistrement A/ML 01 Folio 179 AD, commune de Maluku au nom de MAYUTU NAMWISI Dieudonné ;
– Le certificat d’enregistrement NN 45 Folio 33 AD 71860, commune de la N’Sele au nom de HAMIDA CHATUR KAMERHE ;
– Le certificat d’enregistrement AGL 547 Folio 56 AD 5807, commune de Lingwala au nom de NSHANGALUME NKINGI Daniel ;
– Le contrat de cession entre JAMMAL SAMIH et SORAYA MPIANA, AD 44196, commune de Ngaliema ;
Ordonne l’arrestation immédiate du prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot ;
Reçoit et dit fondée l’action civile ; en conséquence, condamne les prévenus in solidum à payer à la partie civile la somme de l’équivalent en FC de 150.000.000 $USD, à titre de dommages-intérêts ;
Reçoit, mais dit non fondée la demande reconventionnelle du prévenu SAMIH JAMMAL ;
Condamne chacun des prévenus à payer le 1/3 des frais d’instance payables dans le délai légal, à défaut ils subiront une contrainte par corps de 30 jours.
Ainsi jugé et prononcé par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe, y céans en matière répressive au premier degré à son audience publique du 20/06/2020 à laquelle ont siégé les Magistrats BAKENGE MVITA, Président de chambre ; KASUNDA NGELEKA et MUKAYA KAYEMBE, Juges avec le concours de LUMBU KATSHEWA, Officier du Ministère Public et l’assistance de NYAMAKILA, Greffier du siège.
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