samedi, novembre 23, 2024
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EXCLUSIF : Le FCC et la coalition de gouvernance, les difficultés de phagocytage du nouveau leadership [ANALYSE]

Par le Prof KANKWENDA MBAYA

La scène politique congolaise nous interpelle tous. Certains d’entre nous y participent selon les sphères d’action et les terrains ou tribunes de leur préférence. D’autres se montrent distants, gardent silence, murmurent dans des petits cercles ou font l’analphabète politique, que l’on considère comme le plus illustre et le plus nocif des analphabètes.

 Il m’est arrivé de répéter que la connaissance de l’histoire d’hier permet de comprendre celle d’aujourd’hui, celle qui se passe sous nos yeux, avec notre participation ou notre passivité. Et c’est de cette double appréhension du passé et du présent, ainsi que des tendances fortes qui s’en dégagent, qu’il est possible de faire ou construire l’histoire de la RDC de demain.

 Aujourd’hui je voudrais partager avec mes compatriotes une de mes réponses à l’interpellation que je reçois aussi de cette scène dans les conditions actuelles. Je me permets de partager une réflexion ou mon analyse du tableau du marais mouvant de cette scène. Partager une analyse c’est aussi inviter les frères et sœurs à y prendre part. Cette réflexion porte sur la coalition de gouvernance au pouvoir, et en particulier sur le rôle réel du PPRD qui agit à travers une galaxie de satellites qu’il s’est fabriquée : le FCC.

La galaxie FCC autour du noyau électro-politique PPRD

 Lorsqu’il monte sur le siège présidentiel laissé par Laurent Kabila en janvier 2001, Joseph Kabila est porté de l’intérieur par la machine militaro-politique de l’AFDL, et surtout par les forces extérieures, lointaines et voisines. N’ayant pas de cadres avec l’expérience de gestion d’une machine étatique, l’AFDL s’était allié les reliquats du mobutisme. Le régime était en réalité kabilo-mobutien sous le leadership kabilien.

 Il était évident que ceux qui avaient planifié l’assassinat de Laurent Kabila, « le rebelle », voulaient installer un régime plus docile et plus malléable, avec lequel les compromissions territoriales et les crimes de pillage économique de toutes sortes pouvaient facilement passer, tout en maintenant les forces nationalistes et le peuple congolais dans son ensemble sous un joug autocratique.

La coalition avec certaines forces intérieures comme celles des mobutistes nourris à la même enseigne de la prédation devenait une nécessité. La transhumance et le « kindumbisme (prostitution) » politiques éhontés firent affluer des figures du mobutisme, ses griots et tambourinaires dans les rangs du pouvoir AFDL, au service des forces extérieures commanditaires, et d’une clique de prédateurs. Il y a beaucoup de lait et de miel dans la sphère politique congolaise. On fit croire à Joseph Kabila qu’il n’était pas assis sur le siège présidentiel laissé par Laurent, mais qu’il était plutôt monté sur le trône de Léopold II.  

 De ce fait il lui fallait sa propre machine politique, à forger sur les ruines de l’AFDL devenue rebelle pour ses géniteurs extérieurs. Et il fonda le PPRD. Si la première était « un conglomérat d’aventuriers », le second était pire qu’un tel conglomérat parce qu’il doublait ou triplait la nature et les caractéristiques de l’aventurisme politique et militaire, avec celles du désengagement patriotique, du « bulamatarisme » léopoldien, et du léopoldisme économique et même de l’absolutisme de bas niveau.

L’État c’est le roi et la clique « royale ». Des rébus politiques recrutés dans les rangs du mobutisme et des diplômés –je n’ose pas dire des intellectuels-, y compris de nos universités sont recrutés pour jouer différents rôles et différentes fonctions dans la kabilie naissante et grandissante à travers la machine politique qu’est le PPRD. Outre leurs fonctions et positions officielles dans les postes politiques et ou simplement publics, beaucoup d’entre eux étaient des griots et tambourinaires du nouveau régime.

 Le pays était transformé en propriété du roi, lui-même vassal d’autres rois, et une dynastie était ainsi mise en place. Des griots se multipliaient et s’exhibaient pour chanter les louanges du « rais », espérant s’insérer dans ses rouages du pouvoir et de la prédation, et doublant d’ardeur pour y être maintenus.

Il y a plus de lait et de miel à servir le « roi propriétaire du pays », qu’à penser servir le peuple désapproprié. Il n’y a pas de sentiments patriotiques à faire valoir politiquement, militairement ou économiquement. Piller, le patrimoine de la RDC en servant le roi et en se servant dans ses méandres, tel était la règle du jeu.

Les commanditaires et régents extérieurs du système étaient contents, car ils récoltaient aisément les dividendes qu’ils attendaient. À son tour le roi était au ciel, trônant et renforçant ses pouvoirs autocratiques, institutionnalisant la prédatocratie, contrôlant militairement et financièrement la classe politique, mettant au pas le peuple propriétaire des richesses du pays. La clique royale et la confrérie régnante l’étaient aussi sur le plan intérieur, et redoublaient de zèle.

 Le système afdélien du PPRD était en place et régnait sur le pays. La prédation était institutionnalisée pour devenir une prédatocratie. Le roi (rais) et la clique royale s’étaient constitué un empire économico-financier à la fois énorme et tentaculaire en quelques années, sans aucun souci pour « son peuple ». Les biens et le patrimoine public et leur gestion étaient passés au domaine de l’empire économico-financier de la nouvelle dynastie. Grâce au soutien et l’impulsion de ses commanditaires et autres profiteurs et criminels économiques extérieurs, le système péperdien était devenu un monstre. 

La gestion « péperdienne » de la RDC et ses impacts

Machine politique ou militaro-politique d’exploitation de la RDC comme empire royal pour le compte de la dynastie et de ses commanditaires, le PPRD acculait le peuple, et renforçait de ce fait la résistance à un régime de prédation éhonté, et tortionnaire en son genre.

Les résistances populaires et/ou organisées en forces politiques se multipliaient sans pouvoirs s’allier ou se coaliser efficacement. Le pouvoir péperdien y réagissait en renforçant sa machine répressive. Au besoin il créait des situations de diversion pour réprimer davantage, faire taire les résistants, continuer à déposséder et piller le pays, et châtier férocement les forces de la nation qui s’y opposaient. Il n’hésitait pas à recourir aux forces extérieures, à instrumentaliser forces politiques de diversion et rébellions armées, milices de ville et rurales…, et bien sûr à violer la constitution qu’il s’était pourtant taillé sur mesure.

 Politiquement cela devint un échec cuisant, car en dehors des lieutenants et griots de tous ordres, qui ne pouvaient donner qu’une base ethno-régionale au pouvoir pour son assise intérieure, et avec des partis politiques qui étaient plutôt des écuries de course personnelle, les populations s’en dégoutaient de plus en plus, et ont évolué du dégoût ou déception à la résistance, et même à l’opposition ouverte. Les forces organisées en partis politiques et en mouvements sociaux de masse affichaient leur résistance sans peur, malgré le renforcement de la répression. Le politique était devenu une sphère privatisée et militarisée.

 Le régime avait accusé un échec déshonorant et humiliant sur le front de la paix sociopolitique et de la sécurité. Une vie continuelle de guerres, de fausses et vraies rébellions, d’insécurisation voulue des populations de certaines régions, de paralysie des forces politiques, économiques et sociales, et enfin une vie d’enfant porté par la fameuse communauté internationale qui en était même devenue régente.

Ce qui à sa manière, alimentait le sentiment nationaliste des populations et des forces vives de la Nation, même au sein des institutions du régime comme l’armée. Au point que la RDC est restée toujours l’enfant malade du continent africain, malgré le semblant de paix fragile et de stabilité apparente. La RDC avait perdu sa place et la capacité de porter sa vocation naturelle sur l’échiquier régional et continental, et n’avait plus de voix politique qui portait et était écoutée. Elle avait perdu toute considération même dans les organisations régionales et continentales.

 Au niveau économique c’était la catastrophe. Les quelques années de croissance économique étaient la période de grande prédation et des contrats de pillage, non pas seulement des ressources naturelles du sol et du sous-sol, mais aussi des ressources économiques, financières, humaines, matérielles et immobilières de la Nation et de l’État congolais.

Le système économique du PPRD se caractérisait ainsi par des traits suivants : l’appropriation privée et spoliative des richesses naturelles, économiques (entreprises), financières, matérielles et patrimoniales de l’État ; le démantèlement de l’empire économique du pays pour mieux le passer dans le domaine privé de la dynastie et de la confrérie régnante, de ses griots et lieutenants, et surtout de ses « amis », appuis et commanditaires extérieurs ; la gestion prédatrice des entreprises publiques, des régies financières, des établissements publics, des mécanismes de passation des marchés publics, etc., et dans beaucoup de cas, leur mise sous gestion privatisée et privative ; et enfin la paupérisation des ressources humaines elles-mêmes.

Par ailleurs le régime a littéralement tué l’industrie manufacturière, promu la petite  et légère industrie alimentaire aux mains des libanais et indopakistanais, négligé l’agriculture et même l’agriculture vivrière des masses laborieuses de ce secteur économique qui sont les plus nombreuses du pays, tué les infrastructures et réseaux de transports et d’énergie, laissé les secteurs bancaire et pétrolier aux mains du capital étranger, sous la couverture de la dynastie et des principaux barons et lieutenants du régime. Il en découle que l’impact social du mode de gouvernance péperdienne est une crise sociale devenue chronique et d’une ampleur non connue auparavant.

La situation sociale est caractérisée en particulier par l’appauvrissement ou mieux la paupérisation des populations des différents milieux, la médiocrité et l’insignifiance des salaires irréguliers qui en font des mabonza (offrandes) plutôt que des rémunérations du travail humain, le  niveau élevé du chômage (plus de 50% selon les rapports de la BCC qui reprennent les données de l’INS), la crise alimentaire qui fait que le nombre de repas est tombé de plus en plus à un seul repas par jour pour la majorité des ménages et de basse qualité nutritive, le niveau élevé de la faim et de la malnutrition (E-QUIBB, PAM, ICREDES), l’inaccessibilité ou l’accès difficile des populations aux services sociaux de base, la généralisation du « tombola bwaka  (friperies) » pour habiller les nombreuses masses populaires congolaises et même les cadres, la vague rampante de l’immensité des angoisses existentielles devant le lendemain et le devenir aussi bien individuel, familial que de la nation, la prolifération de la spiritualité de désespoir devant ces angoisses, angoisses opportunément exploitées par le commerce florissant de la parole divine, et la récurrence des crises humanitaires de toutes sortes.

 En outre, les inégalités sociales se sont agrandies avec une dynastie extrêmement riche au sommet, une clique et une confrérie aussi riches, régnant sur des masses populaires de plus en plus appauvries, vivant au quotidien, le spectacle aussi humiliant que révoltant, de l’exhibition des richesses par l’oligarchie, et du renforcement des mécanismes de la répression sur les populations.

Comme j’ai eu à le dire ailleurs, c’était du léopoldisme sans Léopold. La dynastie de la kabilie avait son roi, ses princes et ses princesses, mais aussi ses barons et ses baronnes, ses comtes et ses comtesses, ses ducs et ses duchesses, mais aussi ses griots et ses tambourinaires. Barons et tambourinaires étaient aussi bien politiques, militaires, civils que religieux, et ils étaient généralement récompensés politiquement, économiquement et financièrement pour leur service et leur loyauté à la dynastie et ses commanditaires.

On ne coupait plus les bras comme au vieux temps de Léopold 2 certes, mais on continuait le reste. En lieu et place des bras coupés, le peuple congolais était transformé en sujets de la dynastie, gouverné par le même système bulamatarien, avec le canon braqué sur lui et sur ses forces organisées.

 C’était devenu lourd à porter pour les populations et les forces vives de la nation, mais aussi pour le présent et le devenir du pays. La gouvernance prédatocratique elle-même faisait de plus en plus face aux mécontentements qui devenaient progressivement des résistances et des oppositions, dans les villes comme dans les campagnes, et avec grand potentiel d’alliance et de communion d’actions.

La dynastie battait de l’aile. Le renforcement de son appareil répressif avait du mal à maîtriser la situation. Les tentatives de pérennisation du pouvoir de la dynastie avaient lamentablement échoué, bien qu’au prix très élevé de nombreuses morts à répétition, et de multiplication des mécanismes tant tortionnaires que de prédation et de corruption.

Les fonctions réelles de la galaxie péperdienne

Malgré cela, la dynastie, sa clique de barons, sa confrérie des comtes et griots ne se croyaient pas vaincues, ni obligées de lâcher prise sur le pouvoir. Elles ne croyaient pas à la fin possible de leur régime. Elles étaient secouées peut-être, mais pas vraiment menacées au point de se déclarer vaincues.

Même dans le génie du mal, il y a des laboratoires internes et externes qui cuisinent des stratégies, des chefs cuisiniers politiques qui mijotent de nouveaux plats politiques. Et il y a des metteurs en œuvre de ces stratégies, des maîtres d’hôtel et des serviteurs politiques, militaires, civils et religieux pour faire la table et servir les mets cuisinés par les chefs cuisiniers politiques et même spirituels.

Et parmi eux il y a des pensants et des non-pensants, des humains bien que devenant presque tous des non-humains, notamment à cause de la menace collective sur leur pouvoir, et donc aussi sur l’accès au lait et au miel, accès qui est intrinsèquement lié au pouvoir dans le système péperdien de gouvernance.  De ce fait il y a aussi beaucoup de brutes.

 Le système et sa dynastie ont donc connu leur ascension et leur apogée. Le temps de leur déclin avait sonné, et il passe par une crise. Il y en a qui ont appelé cela crise de légitimité institutionnelle. J’y souscris et ceux qui l’ont dit et clamé n’avaient pas tort. Les institutions de gouvernance du pays n’avaient aucune acceptation ni confiance du peuple congolais. Elles s’étaient montrées extérieures à ce peuple, opposées à lui, oppressives, exploiteuses, prédatrices des richesses de la nation et donc de ce peuple, et surtout au service des desseins inavoués des forces extérieures dont elles étaient des agents gendarmes et kapitas locaux.

Le système et sa dynastie ne pouvaient jouir d’une légitimité populaire quelconque. C’est pourquoi ses acteurs ne pouvaient compter que sur l’allégeance de leurs bases tribales ou ethnoculturelles, très localisées pour ceux qui pouvaient en constituer, et surtout sur les mécanismes tentaculaires de corruption politique et d’achat des consciences.

Ces stratégies devenaient de plus en plus essoufflées, et peu productives devant le grondement sociopolitique grandissant des masses populaires, et de leurs partis politiques et forces organisées. Les effets escomptés de la corruption politique et de la répression ne donnaient plus les résultats politiques attendus.

Le régime montrait toujours que ses origines sont militaires ou militarisées, que la détention du pouvoir se fait par la légitimité des armes et des connexions avec les forces extérieures qui le légitiment, et non celle du peuple. C’est pourquoi il n’a pas réellement fait des efforts pour convertir sa victoire militaire en victoire politique. Il n’en avait pas vraiment besoin. Pour la dynastie péperdienne, s’il y a démocratie à installer, ce sera une « autocratie démocratique » ou une « démocratie autocratique ».

 Face à la légitimité extérieure et du fusil, faite de pillage privatisé des ressources de la nation, de la paupérisation grandissante des masses, et de l’exhibition ostentatoire des richesses par l’oligarchie kabiliste et sa dynastie, des inégalités socioéconomiques et politiques scandaleuses et croissantes (PNUD), s’affirmait avec force une toute autre légitimité : celle du peuple congolais, faite de démocratie et de liberté. La crise des institutions politiques naissait de ce choc et y trouvait son fondement. Elle s’exprimait par l’incapacité de dépassement du système de la dynastie péperdienne par lui-même. Ni tentatives de réformes plus cosmétiques que réelles, ni manœuvres dilatoires des dialogues, concertations, consultations, négociations, etc. ne pouvaient être des solutions de dépassement de la crise. Parce que cette dernière n’était pas réductible à une crise ou conflit sur le partage des morceaux du gâteau du pouvoir, ce à quoi les stratèges internes et externes de la dynastie péperdienne ont voulu la réduire.

 Les pressions internes (les forces de la démocratie et de la liberté avec leurs opportunistes aussi, et les pressions externes (les commanditaires extérieurs dont les principaux acteurs se trouvaient fatigués par un cercle interminable d’inconscience politique, de crises et conflits armés, de perspectives peu sécurisées de leurs intérêts économiques, de compétitivité sur les marchés et notamment sur les marchés des «ressources de positionnement» stratégique, ont fini par se trouver un terrain de communion.

Car sur le plan extérieur, il faut dire que le système et sa dynastie ne s’étaient pas fait que des amis. Il avait même trahi certaines de ses amitiés du fait des actes politiques, économiques et même militaires de sa prédatocratie. Il avait réveillé et alimenté certains antagonismes de puissance sur ces différents plans. Le système et sa dynastie avaient fini par coaliser certaines forces contre lui, et ainsi creuser sa propre tombe.   

 Dans sa lutte pour se maintenir, le système péperdien a tout essayé et déployé des énergies politiques, juridiques, financières et des instruments militaires et militarisés pour son institutionnalisation et sa pérennisation, malgré le contexte national et international de plus en plus hostile. Il comptait sur les fissurations dans le camp de ses adversaires internes et externes, sur ses stratégies de débauchage ouvert et voilé, sur les conflits d’intérêts de ses commanditaires, et surtout sur ses capacités économiques et financières d’achat des appuis et de corruption.

 Comme tout condamné à mort, il s’accroche avec force à toute bouée de sauvetage et la valorise. Le système se mit alors à se construire une base sociopolitique large sur le plan interne. Il mit en place une dynamique de création de partis et regroupements politiques, généralement fondés par ses propres barons, lieutenants et griots, et la création des mouvements péperdiens ou kabilistes satellites, bien que d’autres aient vu leur naissance bien avant la période de crise institutionnelle aiguë.

Tout un processus de création illégale des partis doublons, de mise en place d’acteurs et organisations politiques satellites sans aucune affinité idéologique réelle, à l’exception de l’aventurisme politique, la philosophie de la gouvernance de jouissance facile et de prédation et la corruption institutionnalisées, et la foi hypocrite dans l’avenir de la dynastie, tout ce processus fut mis en œuvre.

 Le processus de satellisation autour du PPRD va jusqu’aux acteurs non politiques dont en particulier les forces de sécurité instrumentalisées et gérées de manière privative, et jouant essentiellement la fonction de milice politique de la dynastie et de son système. Il s’étend également aux forces religieuses et spirituelles qui avaient une base et une certaine assise influente dans l’opinion. Des leaders sociaux d’opinion, des artistes et journalistes constituent des terrains de recrutement, avec tout un bataillon de tenanciers des médias en ligne qui diffusent à longueur de journées en faveur du système. L’attelage direct et indirect à la machine PPRD s’étend aussi aux acteurs politiques opérant dans les partis politiques et cercles officiellement adversaires, y compris les mouvements des femmes et des jeunes. 

 Et tout ce dispositif est cimenté, non par une idéologie et des principes politiques partagés pour la construction d’un Congo meilleur et des lendemains porteurs pour ses populations, mais uniquement par le dieu argent, que la dynastie et son système puisaient sans honte dans les caisses de l’État. Les corrompus et serviteurs de la dynastie péperdienne vivaient des ressources que le système volait au peuple et leur redistribuait suivant les rouages stratégiques de leur positionnement, après avoir servi les commanditaires extérieurs du système et la dynastie elle-même. Cette dernière compte aujourd’hui parmi les fortunes les plus riches non pas seulement de la RDC, mais aussi de l’Afrique et même du monde.  La nature du conglomérat d’aventuriers et d’opportunistes avec ses rebus de différents niveaux et chapelles, s’est encore affirmée.

Naissance du Front Commun pour le Congo (FCC)

 C’est dans cette dynamique que le FCC a vu le jour, comme culmination du processus de satellisation, d’attelage, d’affiliation et de fidélisation autour de la dynastie kabilienne. Ceci se justifiait en particulier pour des raisons et calculs électoralistes. Le FCC dans son essence est un dispositif d’attelage et de satellisation dans la perspective d’allégeance à la dynastie et surtout à son chef, en qui on continue à croire, et dont on nourrit l’espoir de retour.

Il cherche à s’institutionnaliser sur des bases malheureusement aussi viles, basses que fragiles :  le ciment argent et la peur partagée des capacités de nuisance du chef pour tous ceux qui ont mangé dans sa main. Il y a aussi le manque de perspectives politiques personnelles et de beaucoup de ces partis politiques satellisés.

 Le FCC est ainsi, non pas une organisation politique qui voudrait s’afficher comme la première force politique du pays tel qu’il le prétend, mais plutôt un vrai conglomérat d’aventuriers et d’opportunistes, d’électrons fabriqués dans le giron de la dynastie kabilienne. C’est une galaxie autour du PPRD qui en constitue le noyau politique, et qui a monté le système de satellisation et de fidélisation. C’est même plus une nébuleuse qu’une véritable galaxie.

 Dans sa lutte électorale, puisqu’il devait jouer à la démocratie du peuple à laquelle il était contraint malgré lui, par opposition à sa légitimité extérieure et des armes, il visait deux objectifs ou jouait sur deux tableaux. Le premier consistait à maintenir et pérenniser la dynastie sur le mode de la transition russe. Le PPRD allait placer un acteur provisoire pour réchauffer le siège « royal » durant les vacances du « roi », en ce qui concerne le pouvoir suprême. Pour faciliter cela et jeter les fondations des futures réformes constitutionnelles envisagées ou plutôt planifiées, l’autre objectif consistait à s’assurer que le PPRD et sa galaxie allaient contrôler et avoir la mainmise sur les autres institutions politiques de gouvernance : l’Exécutif, le Législatif, et le Judiciaire, aussi bien au niveau national que provincial.

Les forces de sécurité et la machine de gouvernance administrative étaient déjà ses acquis et instruments gérés de manière privative ou même privatisée. La galaxie autour du PPRD avait sérieusement misé sur ce scénario politique, bien que sans se faire trop d’illusions sur les chances de la première composante du scénario.  

Dans l’autre scénario de ses calculs politiques, le PPRD misait sur une galaxie large faite de satellites avoués œuvrant publiquement, et des non avoués, œuvrant dans l’ombre des institutions d’appui à la démocratie, et à travers les acteurs taupes et torpilleurs dans les partis et groupements politiques officiellement d’opposition.

Cela lui permettait de rafler le plus de voix électorales possible, et donc de disposer des majorités parlementaires aux niveaux national et provincial. Ce qui lui garantissait de maintenir son contrôle sur les Exécutifs national et provinciaux, sur les Assemblées nationale et provinciales, et enfin sur le Sénat. De sorte que même si le PPRD perdait l’élection présidentielle (le pouvoir suprême), il allait maintenir son contrôle sur les autres institutions politiques grâce à sa galaxie FCC.

 Dans ce cas de figure, le PPRD et sa galaxie comptaient mettre en place une stratégie de retour au pouvoir en récupérant toutes les institutions ou au moins, jouer pour phagocyter l’institution présidentielle et en faire une institution sous son contrôle.

Se sachant suffisamment forte avec son contrôle sur les Exécutifs national et provinciaux, sur les Législatifs national et provinciaux, et sur le Judiciaire qu’il ne croyait pas pouvoir changer durant ce que la dynastie péperdienne et sa galaxie considéraient, et peut-être considèrent encore comme leur intérim présidentiel, la dynastie et sa galaxie s’affichaient démocrates, géniteurs de la transition démocratique pacifique, et s’en vantaient même, pour regagner en marketing politique. C’est dans cette perspective qu’elle s’est inscrite dans le schéma de la coalition politique pour une gestion coalisée du pays avec l’alliance CACH.

La coalition de pouvoir : raisons d’être et fonctionnalité

  • Nature et fonctionnalité de la coalition

Les résultats des élections de fin 2018 donnent naissance au tableau politique du deuxième scénario ci-dessus. Le PPRD et sa galaxie FCC entrent en coalition de gouvernance du pays avec le CACH, qui est l’alliance dite des forces politiques qui mettent le cap pour le changement. Dans le cas d’espèce il s’agit de l’UDPS et de l’UNC avec leurs alliés respectifs.  La kabilie en tant que système mobuto-kabiliste est remplacée par un système mixte CACH-FCC. 

 Je l’ai déjà affirmé, ce mariage politique est antinomique, boiteux, bancal et marche avec difficultés du fait de la différence des idéologies de gouvernance du pays entre coalisés. Mais on s’en accommode dans le fonctionnement des institutions, quitte à voir quand le divorce devient nécessaire et inévitable.

 Par ces élections, le peuple congolais a doté le pays d’une nouvelle locomotive pour piloter sa marche victorieuse dans la construction du pays de demain. La portée politique et la signification profonde de cela est l’espoir et l’aspiration légitimes de ce peuple, de voir se réaliser un changement de cap, changement de vision du devenir de son pays et de son propre présent et de son futur.

Le peuple et ses différentes forces organisées et non organisées, ont fait ainsi un exercice d’auto-projection dans le futur auquel ils aspirent pour leur pays. Ce qui impliquait en plus, le changement de la nature et de modes de gouvernance, aussi bien de gouvernance politique que de gouvernance du développement économique et social. Car ce sont à la fois l’espoir et le rêve fondamentaux et légitimes des populations congolaises, attendant en cela le couronnement de leurs luttes sociopolitiques, et surtout attendant avec empressement, de bénéficier des dividendes de la démocratie et de la paix.

 Peut-être que le terme changement est faible par rapport à la portée réelle des espoirs et attentes de la population. Il ne s’agit pas d’un changement de modes, d’un colmatage réformiste du même système, mais d’une rupture avec la nature et les mécanismes du mode de gouvernance de la dynastie kabiliste, de son système PPRD et de sa galaxie FCC.

Dans un pays et un contexte politique marqués par une expansion et une renaissance de la vie spirituelle populaire, il s’agit de rompre avec le mal pour le peuple. Il faut rompre avec le système, ses pratiques de gouvernance, sa culture de pouvoir et ses valeurs porteuses. Il faut les casser pour affronter avec chances de succès, et gérer autrement, les défis structurels du développement politique, économique et socioculturel de la RDC. Il faut construire un pays de fierté pour les populations congolaises, dans un style de service au peuple et à la Nation, de gestion responsable avec résultats tangibles, de démocratisation de la vie sociopolitique, et de développement aux bénéfices partagés par le peuple et avec lui.

 Il faut donc refonder complètement la gouvernance du pays sur des valeurs opposées à celles du système de la dynastie kabiliste, pour ne pas dire qu’il faut tout refaire avec une toute autre gouvernance. Mais il n’y a pas eu de révolution populaire victorieuse en décembre 2018. La victoire est partagée. Les deux lignes idéologiques opposées sont forcées à former une coalition pour gouverner le pays. Des tiraillements, des jalousies de voir l’autre réussir et collecter des dividendes politiques dans l’opinion là où on n’a rien fait ou, là où on a fait des choses uniquement pour la confrérie régnante, mais contre le peuple.

 Les coalitions de pouvoir se fondent sur la communion des valeurs, des idéologies et des programmes de mise en œuvre ou de matérialisation de ces idéologies. La communion peut ne pas être forcément parfaite ou totale au départ, sinon on formerait un même parti ou regroupement politique. Mais il faut un minimum de valeurs fondamentales partagées, qui rapprochent les coalisés potentiels, quitte à négocier pour arrondir les angles de divergence, et se définir une stratégie et un programme opérationnel communs. Ce qui n’est pas le cas dans le cas de la coalition CACH-FCC.

 Compte tenu des conditions particulières du changement de locomotive intervenu, le nouveau leadership est contraint de gouverner dans un cadre partagé, ou un contexte d’une coalition fragile de forces politiques. Les idéologies politiques en coalition sont celles qui se combattaient sérieusement hier.

Pour construire une société en ruines sur tous les plans -politique, économique, social, culturel, environnemental-, il faut des forces porteuses de ce changement, et qui l’assument. L’histoire et l’expérience montrent qu’on ne reconstruit pas, ou ne construit pas du nouveau avec ceux qui ont détruit l’édifice en ruines. Réussir le changement pour le meilleur du pays et des populations devient ainsi un défi de gouvernance politique important. Et ceci affecte la dynamique politique de la gouvernance du pays.

 Une coalition de gouvernance entre les forces du changement et celles du statu quo peut au mieux faire du surplace. Car quand les forces du changement veulent aller de l’avant, opérer les transformations structurelles nécessaires, y compris le système de valeurs, pour le bien-être politique, sécuritaire, économique et social des populations, remettre la RDC dans le chemin de la construction de son futur et de son devenir, la repositionner autrement dans sa vocation régionale, continentale et mondiale, celles du statu quo, c’est-à-dire de la dynastie du système PPRD/FCC, pagaient dans le sens contraire, font des crocs-en-jambe, résistent au changement et souvent le combattent, malgré les apparences de l’harmonie proclamée, et les marches de soutien aux institutions.

Parfois elles manifestent leur opposition au changement attendu par le peuple de manière très ouverte. Car tout changement réussi apporte du crédit politique au nouveau leadership et non à la coalition, et encore moins aux forces du statu quo. De ce fait, l’alliance de gouvernance au pouvoir est entachée d’une faible stabilité institutionnelle. Et cela peut conduire à une incohérence gouvernementale, avec des actions voilées ou ouvertes de sabotage ou même à une crise gouvernementale.

En outre, la gouvernance politique repose sur une gouvernance administrative politisée depuis des années. Cette dernière fonctionne sans boussole ni engagement, ni capacités pour gérer un processus de changement, et encore moins de développement. Elle n’en a pas l’expérience. Car l’État en RDC est historiquement ancré dans la logique « bulamatarienne » d’un État casseur des pierres, c’est-à-dire des résistances à sa logique de domination, un État qui met les populations à son service et non l’inverse. C’est là la logique de pouvoir et de gouvernance de la dynastie kabiliste et de son système FCC.

(A suivre)

Prof KANKWENDA MBAYA

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