Autre lieu, autre temps, le destin à la fois tragique et héroïque de Kimpa Vita rappelle étroitement celui de Jeanne d’Arc.
Au nom de la spiritualité, elles ont toutes deux mené un peuple souffrant aux barricades pour défendre une cause commune – celle de délivrer leur Royaume. Malheureusement, leur influence, trop grandissante aux yeux de leurs opposants, les mènera tout droit au bûcher.
Elle nous raconte.
(Ceci est une mise en récit posthume, qui ne constitue pas les dires de Kimpa Vita)
Mon histoire, et le combat sans relâche qui le caractérise, n’aurait de sens sans vous rendre compte de la situation de mon Kongo.
Un Kongo sur les genoux
Étendu sur l’actuel Angola, le Gabon et sur les deux Congo, mon Kongo avait attisé au XVe siècle les convoitises de colons portugais. Si l’entente entre les chefs côtiers et les négriers portugais ou hollandais était plutôt bonne, les relations s’envenimèrent quelques siècles plus tard.
A la fin du XVIe siècle, les missionnaires avaient converti une partie du territoire au catholicisme. Notre makimongo (chef) avait rejeté son nom congolais « Nzinga a Nkuvu » pour une connotation plus européenne, à savoir Jean Ier du Kongo.
Outre les conflits du Kongo avec l’extérieur, mon peuple connut les douleurs de l’occupation portugaise – en passant du pillage des ressources à la réduction en esclavage.
La religion comme étendard
Kimpa Vita, la Jeanne d’Arc congolaise – © Capture d’écran Youtube
Issue de la noblesse congolaise, d’un peuple appelé Bakongo, j’étais devenue catholique comme bon nombre de mes frères et sœurs des suites du messianisme portugais et capucin.
En plus d’être devenue une parfaite croyante, on m’appelait Nganda Marinda – ce qui signifie – un relais, un lien indéfectible entre Dieu et les hommes. En 1704, un chrétien vénéré par les Portugais du nom d’Antoine de Padoue envahit mon esprit. Il me somma de réunifier le Kongo autour de la capitale oubliée – Mbanza Kongo, renommée São Salvador – et y réinstaller le trône de Pedro IV.
Cet appel à la lutte contre l’occupation portugaise devenait alors l’essence même de mon existence. Aujourd’hui encore, je reste connue comme la fondatrice de l’« antonianisme », un courant religieux de l’Eglise catholique teinté de spiritualité congolaise.
Guidée par ma foi, je rassemblais ainsi des milliers de fidèles du Kongo dans la capitale pour faire entendre nos voix en menant une campagne pacifiste. Face à l’inefficacité de celle-ci, plusieurs de mes frères se préparèrent à l’art de la guérilla.
Face à la ténacité et l’ampleur du mouvement contestataire, le roi Pedro IV s’allie aux Européens pour réagir. A l’issue d’un Conseil royal, Kimpa Vita est condamnée à mort pour hérésie, crime de nature religieuse et mensonges. Déclarée « ennemie de roi » au bout d’un procès monté de toutes pièces par les capucins, elle est conduite sur un bûcher le 2 juillet 1706 à Evolulu, près de Mbanza Congo.
Comme Jeanne d’Arc, Kimpa Vita incarne cette figure populaire de la révolution. En livrant un combat sans relâche et suivie par tant de compagnons d’armes, elle s’était attiré les foudres du pouvoir en place qui, au bout du compte, arrive à ses fins.
En 2016, Ne Kunda Nlaba a consacré à Kimpa Vita un film documentaire intitulé « La mère de la révolution africaine ».
Article à lire sur Kimpa Vita, figure révolutionnaire du Kongo https://www.rtbf.be/culture/article/detail_kimpa-vita-la-jeanne-d-arc-congolaise