Des entrepreneurs nord-coréens enfreignent des sanctions internationales en République démocratique du Congo
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En 2018, deux hommes d’affaires nord-coréens ont créé une entreprise de construction en République démocratique du Congo (RDC). Ils ont participé à des opérations qui iraient à l’encontre des sanctions de l’Union européenne, de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et des États-Unis. Malgré de strictes interdictions internationales, ces personnes ont réussi à ouvrir un compte bancaire pour leur société, Congo Aconde, et ont mené des travaux dans le pays. Parmi ces projets, Congo Aconde a décroché un contrat pour ériger des statues dans une capitale de province isolée, une activité interdite de manière explicite par des sanctions onusiennes adoptées en 2016. Des fonds publics congolais auraient financé les statues, ce qui est également contraire aux sanctions onusiennes. L’activité de Congo Aconde a notamment attiré l’attention de plusieurs éminents hommes politiques congolais membres du parti politique de l’ancien président Joseph Kabila, et certains d’entre eux se sont même entretenus avec les hommes d’affaires nord-coréens.
Au travers de son enquête, The Sentry soulève des questions importantes concernant l’application des sanctions sur la Corée du Nord, tout en démontrant comment de nombreux niveaux du gouvernement congolais et plusieurs banques ont manqué à leur devoir de vigilance en ce qui concerne Congo Aconde. Ces mêmes erreurs ont permis à l’entreprise de mener des opérations interdites en RDC et ont exposé le système financier international à des risques importants. En termes spécifiques, Congo Aconde a obtenu un compte libellé en dollars américains auprès de la filiale congolaise d’Afriland First Bank, une institution siégeant elle-même au Cameroun. Le compte a permis à l’entreprise de déplacer ses fonds au plan international par le biais de la BMCE Bank International, identifiée dans des documents consultés par The Sentry comme le partenaire bancaire désigné pour traiter des transactions en dollars et en euros pour le compte de Congo Aconde en RDC. Les programmes de sanctions visant la Corée du Nord tentent principalement d’interrompre son accès au système financier international car les revenus générés à l’étranger peuvent à terme servir à financer son programme d’armes de destruction massive. L’accès aux services bancaires obtenu par Congo Aconde pourrait donc constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales plutôt qu’une simple inattention.
Le dossier Congo Aconde est un appel lancé aux banques, aux gouvernements et aux institutions multilatérales pour empêcher les violations de sanctions en RDC. La faiblesse des systèmes internes de contrôle et des mécanismes de surveillance en RDC y attirent des personnes tentant d’échapper aux sanctions. Le secteur bancaire congolais et l’économie nationale sont ainsi exposés à des risques importants.
Lettre de l’Association congolaise des banques concernant le rapport et l’atténuation des risques.
Recommandations principales
Suite à son enquête, The Sentry émet les recommandations suivantes, dont le texte intégral figure à la fin du rapport.
Les États-Unis :
Modifier l’avertissement sur les risques. Le Financial Crimes Enforcement Network (Réseau pour faire respecter les règlements sur les crimes financiers, ou FinCEN) du Département du Trésor américain devrait modifier son avertissement concernant tout financement illicite potentiel provenant de la Corée du Nord, y compris les risques de faire des affaires avec certaines parties du secteur bancaire congolais.
La communauté internationale :
Intervenir afin d’appliquer des mesures pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et de combler les lacunes à cet égard. Le Trésor américain, le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque mondiale et d’autres partenaires internationaux devraient inciter la banque centrale congolaise à remédier aux lacunes des lois concernant le blanchiment d’argent et aider les banques en RDC à mettre en œuvre des normes pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le Bureau d’assistance technique (Office of Technical Assistance) du Trésor américain et le FMI devraient collaborer avec le ministère de la Finance congolais pour remédier aux lacunes dans les lois et la mise en œuvre des politiques. Les partenaires internationaux devraient faire pression sur leurs interlocuteurs au sein du gouvernement congolais pour qu’ils financent la cellule des renseignements financiers et pour qu’ils envisagent de lui apporter le soutien technique nécessaire.
Les banques internationales et autres institutions financières pertinentes :
Appliquer un devoir de vigilance renforcée. Les banques internationales devraient appliquer leur devoir de vigilance renforcée par rapport aux transactions de certaines banques actives en RDC. Afriland First Bank, BMCE Bank International et toute autre banque correspondante qui aurait pu traiter des transactions pour Congo Aconde devraient se conformer aux sanctions onusiennes et américaines, et geler les comptes contrôlés par Congo Aconde et ses propriétaires nord-coréens.
Le gouvernement congolais :
Habiliter la cellule congolaise de renseignements financiers. Le gouvernement congolais doit habiliter sa Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) afin de mener des enquêtes indépendantes et rigoureuses portant sur des opérations financières douteuses. Le gouvernement congolais devrait également adhérer au Groupe Egmont, un forum international des cellules de renseignements financiers qui vise à promouvoir le partage d’informations.
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