A l’issue d’une semaine marquée par des invectives sur fond du tribalisme exacerbé à travers les réseaux sociaux concernant des vraisemblables dérapages verbales condamnables sur sa personne par des militants de l’UDPS, la présidente de l’Assemblée nationale a fait sa rentrée médiatique comme invitée d’une émission phare sur une radio FM de Kinshasa.
Pendant plus d’une heure, Jeanine Mabunda Lioko Mudiayi dans un exercice d’équilibriste mais qui visiblement l’a mis mal à l’aise pourtant s’est exprimé sur plusieurs sujets. Outre la matière politique abondante à traiter, c’est l’examen et le contrôle du budget 2021 qui sera celle principale de la session parlementaire de septembre 2020. Mais aussi le quotidien du peuple dont elle n’a cessé de parler sans résultat tangible depuis qu’elle est speaker de la chambre basse du parlement.
De la politique, Mme la présidente s’est distinguée dans une véritable langue de bois, un brin d’arrogance moqueur sur son visage et de la malignité lorsqu’il s’est assagi de donner des précisions sur combien gagne au nom de la redevabilité un député national, partie visible et invisible y compris interroge le journaliste ?
« Un député national gagne le salaire qui lui ait prévu par le budget 2020…Je ne sais pas si je voudrais donner le salaire du député de façon détaillée, mais en tout cas le député national gagne certainement bien moins que certains Hauts Fonctionnaires de la République ».
Au journaliste de poursuivre : …J’ai l’impression que vous n’avez pas envie d’en dire plus sur le sujet, un député national c’est un élu du peuple et le budget nous concerne ; nous ne sommes pas en droit de savoir aujourd’hui parce que nous avons affaire à la numéro un combien gagne un député national ?
Mme Mabunda botte en touche : « Non je ne crois pas que ce soit un secret, vous avez suivi des débats sur le salaire des députés ; il y a eu un débat où l’on nous a dit que c’est scandaleux, le député ou la présidente de l’Assemblée nationale a demandé 2000 dollars de plus pour le salaire de députés. Je crois et je suis d’accord avec vous qu’il faut peut-être donner quelques explications pédagogiques : d’abords il y a 500 députés à l’Assemblée nationale, plus 1500 administratifs ; donc en réalité en termes de personnel qu’on gère à l’Assemblée nationale, c’est 2000 personnes dont seulement 500 députés. Les députés comme tout le monde ont leur traitement qui est fixé dans le budget, j’y arrive, j’y arrive, j’y arrive. En 2020, il avait été prévu que le salaire ou le traitement des députés soit revu ou adapté à la hausse ; ça n’a pas été le cas. Vous avez raison quand vous dites que le député a un salaire plus invisible, mais en réalité tout ça ce sont des rubriques qui misent ensemble forment sa rémunération. Elle est composée d’un montant de base classique auquel on ajoute ce que vous appelez la partie invisible qui sont comme des primes d’activités parlementaires. Il faut savoir que les primes d’activités parlementaires sont payés sur les frais de fonctionnement du budget de l’Assemblée nationale. Savez-vous par exemple que les frais de fonctionnement de l’Assemblée nationale n’ont pas été payés depuis quatre mois, et ça c’est une réalité ; ça veut dire que ces députés-là n’ont pas perçu une partie de la quotité de leur salaire parce qu’il y a quatre mois d’arriérés des frais de fonctionnement. Je ne devrais pas le dire parce que je crois que toutes les personnes qui sont dans le secteur public avec l’impact du Covid ont vu quand même les finances de l’Etat être fortement secoués. Mais nous au niveau des députés, on a accepté cette difficulté là et on n’en a pas fait un étalage excessif. Ca montre aussi en fait de manière beaucoup plus globale que la question de rémunération pas seulement que des députés, mais de tous ceux qui sont dans le secteur public est effectivement une question qui mérite d’être discuté et revu. D’un côté vous avez des policiers qui ont un salaire très limité…dont on connait le salaire, mais de l’autre vous parlez beaucoup des députés ; mais on parle un peu moins de ceux qui sont dans l’espace public de l’Exécutif et qui gagnent beaucoup plus que les députés ».
Lire aussi : RDC : Assemblée nationale, Mabunda et sa demande d’augmentation de rémunération qui dérange https://www.afriwave.com/2020/06/12/rdc-assemblee-nationale-mabunda-et-sa-demande-daugmentation-de-remuneration-qui-derange/
Journaliste : J’ai juste posé une question et j’ai l’impression qu’elle vous met mal à l’aise…alors qu’il y en une autre qui vous concerne vous, combien gagne la présidente de l’Assemblée nationale ?
Dans son style d’esquive et très visiblement mal à l’aise, Mme Mabunda retorque : « Elle ne met pas du tout mal à l’aise, mais je penses que je vous ai donné l’ordre de grandeur ». Des chiffres concrets que voulait le journaliste, la présidente de l’Assemblée nationale répond : « …Je crois que je n’en veux pas, mais je crois aussi que par respect pour les députés, est-ce que je peux vraiment de moi-même donner le chiffre du salaire du député. Je crois qu’il y a quand même une certaine…Je pense que par respect pour ceux avec qui je travaille qui sont les députés, ce ne serait pas tout à fait indiqué de balancer leur salaire ».
Le journaliste perspicace la reprend : Même de me dire combien gagne la présidente de l’Assemblée nationale, certains parlent de plus de 100.000 dollars par mois ?
La réponse de la présidente de l’Assemblée nationale reste la meilleure de sa pédagogie en brouillant encore davantage les cartes par rapport aux autres institutions faisant l’air d’être étonnée : « …Ah ça c’est une information que j’apprends avec vous, alors moi je serais pour un exercice qui soit complet. Dès lors que vous parles des députés, donnez-moi aussi les salaires de ceux qui travaillent au gouvernement, de ceux qui travaillent dans d’autres institutions de la République ».
Et au journaliste de pointer le problème, cette opacité du système dont les dirigeants ne communique jamais leurs salaires, le Congolais lambda connaissant pas combien gagne Madame Mabunda alors qu’il sait combien gagne votre collègue président de l’Assemblée nationale en France ou dans d’autres pays. Pourquoi un secret autour de tout cela s’interroge-t-il agacé ?
La chute de Mme Mabunda révèle enfin où elle voulait en venir et particulièrement en parlant de sa « bête noire » le président de la République : « Non c’est une question pertinente et je suis d’accord avec vous que nous devrions l’évoquer mais de façon globale ; au jour d’aujourd’hui, vous ne savez pas combien gagne le président de la République et je trouverais tout à fait malsain qu’on puisse discuter du salaire du président de la République ».
De son salaire, celui du premier ministre et des ministres, Mme Mabunda rétorque que « Voilà c’est une question tout à fait globale, moi je crois qu’à l’occasion du budget ; on est tout-à-fait disposé à en discuter. Mais s’agissant de mes collègues députés, parce que je peux être leur patron, mais je suis d’abord leur collègue ; j’aimerais quand même, ils ont déjà été beaucoup brocardés pour leur salaire et on s’est rendu compte en faisant certains examens que leur salaire n’est pas le plus élevé dans cette République ». Au journaliste de conclure ce chapitre « qu’il retient juste qu’il a eu des explications mais pas des chiffres ».
IMAGES TIERCES TOP CONGO FM
Pour notre analyste Jeff Bunduki, « Il est quand même étonnant que Mme Mabunda ait eu honte de divulguer le salaire des députés qui sont élus par les Congolais. Est-ce vraiment un secret d’Etat ou c’est la peur d’avouer ce que tout le monde murmure à savoir que les députés et sénateurs sont financièrement nantis dans un océan de misère sociale. L’on peux dès lors comprendre que lorsque Jean-Marc Kabund a dévoilé publiquement le coût du Congrès que voulait tenir Alexis Thambwe Mwamba et Mme Mabunda, aucun des deux n’a osé contredire Kabund en donnant le chiffre réel du fameux Congrès. La langue de bois et l’opacité ne sont pas les bienvenues dans une société démocratique qui se veut transparente pour tous. Il serait grand temps que tous les salaires des serviteurs de l’Etat à tous les niveaux soient enfin publiés pour le plus grand bien de tous ».
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi