La mort inattendue de l’ancien Sous-Chef d’Etat-major FARDC chargé des Renseignements militaires, le Général Major Delphin Kahimbi K. demeure inexpliquée jusqu’à ce jour. Ses obsèques non plus n’ont jamais eu lieu faute d’entente entre sa famille biologique d’un côté, la hiérarchie militaire et le gouvernement de l’autre.
Ecartelé entre sa loyauté à Joseph Kabila dont il fut un proche, l’homme dont on disait avoir des entrées auprès du rwandais Paul Kagame est resté un énigme jusqu’à sa mort, emportant le secret de tout ce qu’il connaissait sur les problèmes de l’Est du pays depuis plus de vingt ans déjà. Plusieurs questions sans réponses dont celle de savoir si cette mort n’était pas carrément une exécution avec la complicité d’une main étrangère ; une hypothèse parmi tant d’autres qui commence à être envisagée.
Si le président de la République Félix Tshisekedi avait dans un premier temps fait état d’une mort par pendaison de l’ex-chef du renseignent militaire, rien n’est venu étayer cette thèse ; les vrais résultats de l’autopsie du corps n’ayant jamais été rendus publics.
Par contre, des sources auraient fait état d’une visite par une personnalité importante de l’armée dont Kahimbi avait été l’objet au soir de sa mort brutale ; des traces de strangulations sur son coup comme s’il avait été étranglé et du déplacement de son corps du vrai endroit où il aurait trouvé la mort de sa maison de Binza.
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La piste rwandaise et une complicité interne…
Dans une lettre Rapport daté du 02 septembre 2019 à l’attention du Conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité François Beya Kasonga, Delphin Kahimbi alerte sur le profil dangereux et d’assassin de l’actuel ambassadeur du Rwanda à Kinshasa Vincent Karega.
Déclaré « persona non grata » en Afrique du Sud en 2014 alors qu’il y était ambassadeur, Vincent Karega « était impliqué dans plusieurs dossiers d’assassinat des opposants refugiés à l’extérieur dont l’ancien chef de Renseignements rwandais, Monsieur Karegeya [retrouvé étranglé dans un hôtel de Johannesburg en RSA NDLR]. Il est aussi réputé dans le noyautage et infiltration des services et Autorités classifiées » note Kahimbi.
Considérant la présence de Karega comme « une menace et un danger pour notre démocratie » à cause de son « expérience dans les activités clandestines » ; le choix de Karega par Kagame pour être accrédité à Kinshasa n’est pas anodin.
Kahimbi souligne le passé de cet homme Karega, lui-même ancien refugié rwandais au Zaïre : « Ayant vécu en RDC pendant des nombreuses années et formé à l’Université de Lubumbashi en économie, cet homme dangereux pourrait avoir un accès facile à toutes les couches de la population congolaises grâce notamment à sa maitrise de nos langues vernaculaires » écrit Delphin Kahimbi.
Kahimbi termine par une recommandation : « De ce qui précède, l’EM Rens estime qu’il ne serait pas de bon augure d’accepter sa nomination comme Ambassadeur en RDC ; Bien plus son accréditation dans notre pays, après avoir été chassé par l’Afrique du Sud, serait perçue par Pretoria comme un acte inamical vis-à-vis d’un Etat avec lequel la RDC entretient des bonnes relations dans le cadre de la SADC ».
De ce qui précède avec les propos de Kahimbi sur Karega, un raccourcis serait vite fait que « la main rwandaise » n’est pas lointaine du sort survenu à l’ancien chef d’Etat major des Renseignements militaires.
Ancien rebelle du régime AFDL de Laurent-Désiré Kabila propulsé par le Rwanda avec qu’il s’est brouillé avant son assassinat le 16 janvier 2001, Delphin Kahimbi qui avait des présumées entrées auprès de Paul Kagame dont on disait qu’il était un proche avec des relations privilégiées depuis le temps de Kabila.
Une chose du reste que François Beya Kasonga, lui-même spécialiste de la sureté et du renseignement ; ne voyait pas d’un bon œil, marquant une réticence contre la politique de rapprochement RDC-Rwanda amorcée par Félix Tshisekedi alors que Joseph Kabila avait fini par s’éloigner de Paul Kagame.
Dans sa démarche, Beya n’était pas d’accord avec le chef du renseignement militaire, un proche de Kabila qu’ils ont tous deux pourtant servi ; car selon lui Kahimbi « induirait le chef de l’Etat en erreur dans l’encouragement pour un rapprochement tout azimut avec le Rwanda ». Toute chose restant égale par ailleurs, n’a-ton pas soupçonné un moment Kahimbi avant sa mort brutale de jouer un double jeu « d’espionner le nouveau président de la République au profit de son prédécesseur Joseph Kabila et qui sait aussi du Rwanda ? ».
Selon des sources vérifiées, François Beya tenterait d’influer sur Félix Tshisekedi en lui conseillant sur « le rôle néfaste » du Rwanda au travers de son armée, les FAR (Forces Armées Rwandaises) ; dans la violation de l’intégrité territoriale de la RDC. Les troupes rwandaises pourchassent et tuent les présumés rebelles hutus du FDLR jusque sur le sol congolais sans que personne n’ose lever son bout de doigt de protestation et ce, malgré la présence des troupes de l’ONU au travers de sa Monusco.
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Et si la RDC à son tour expulser Karega…
Les propos de Kahimbi sur Karega se sont confirmés avec sa sortie sur les réseaux sociaux alors que la RDC entrait dans l’année du 10ème anniversaire des massacres du Sud-Kivu dont le Rapport Mapping de l’ONU fait un large écho quant à la Responsabilité du Rwanda via son bras séculaire de la rébellion du RCD-Goma en
Dans la diplomatie des réseaux sociaux dont le Rwanda est champion, Vincent Karega dans un tweet qu’il a depuis lors supprimé ; répondait à sa manière et en des termes méprisants à Benjamin Babunda W., un Congolais qui évoquait plus d’un millier de morts dans les massacres de Kasika et d’autres villages, les attribuant à des militaires rwandais.
Pour le diplomate rwandais à Kinshasa, tout ceci ne relevait que d’un narratif simpliste, d’une calomnie ou même de la propagande : « Incohérence flagrante entre image et histoire. Narratif simpliste pour des accusations graves. Accuser sans évidence s’appelle calomnie. Villages sans noms, 1100 morts avec deux noms. Circonstances de crimes et identité des criminels non dévoilés. Accusation ou propagande ?? ?» écrivait Karega comme une provocation.
Or l’on sait que selon l’ONU et les témoignages des survivants, vingt-deux après le déclenchement de leur insurrection soit le 24 août 1998 ; les rebelles du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma) soutenus de leurs alliés militaires rwandais ont bel et bien massacré plus d’un millier de civils dans des villages du Sud-Kivu.
A l’époque, ce groupe rebelle était présidé par l’ancien vice-président du pays et l’actuel ministre d’Etat chargé de la Décentralisation Azarias Ruberwa qui vient de créer une nouvelle polémique en installant des autorités administratives dans l’entité de Minembwe devenue une commune rurale.
Il y a dix ans déjà, dans son « Mapping Report », le Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme détaillait le massacre de Kasika : plus d’un millier de civils, dont de nombreuses femmes et enfants, dans ces villages du Sud-Kivu. Sur les 617 évènements qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité recensés entre 1993 et 2003, aucun n’a été jugé à ce jour.
La colère des Congolais qui ne s’était pas fait attendre n’a pas faiblie non plus : des politiques aux mouvements citoyens, tout le monde a condamné avec fermeté les propos de l’ambassadeur du Rwanda à Kinshasa avec une seule exigence, son expulsion du pays. Deux hashtags #ExpulsezKarega ou #Karegaout et une pétition ont été lancés.
Pour l’analyste Jeff Bunduki, « En ce qui concerne l’ambassadeur Karega, il est sans conteste vrai que ses déclarations relatives aux massacres de Kasika sont insultantes pour les Congolais. Autant les rwandais ne supportent pas que l’on conteste la dénomination du génocide tutsi, autant l’ambassadeur Karega doit savoir que ce que les rwandais ressentent pour les leurs, les Congolais le ressentent aussi pour leurs compatriotes lâchement assassinés » .
Et il poursuit « Si on peut comprendre l’attitude congolaise qui veut voir hors de son territoire l’ambassadeur Karega à cause de son rôle présumé dans des décès suspects de sujets rwandais en Afrique du Sud, il faut que des faisceaux d’indices probants de culpabilité d’action néfaste sur le sol congolais soient manifestes. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Si la RDCongo ne voulait pas de Vincent Karega comme ambassadeur, il lui suffisait de refuser son accréditation. Cela n’a pas été fait. Le politique a des raisons que le citoyen lambda n’a pas. Donc, prudence et patience. Karega est-il mêlé à la mort de Kahimbi ? Seuls les résultats des enquêtes menées nous en diront plus. En attendant, comme le disent les anglo-saxons « wait and see » pour ne pas faire des spéculations stériles ».
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A voir les circonstances de la mort mystérieuse de Kahimbi, la main rwandaise assistée d’une complicité intérieure ne serait peut-être pas lointaine, question de se débarrasser de quelqu’un qui en savait trop et qui était prêt à dire certaines choses au nouveau pouvoir ; surtout que ce décès intervenait à la veille d’une nouvelle audition capitale devant le Conseil National de Sécurité (CNS).
La ressemblance étrange aux exécutions par étranglement du chanteur gospel Kizito Mihigo dans une prison-commissariat de Kigali et de l’ancien espion Karegeya dans une chambre d’hôtel en Afrique du Sud. Le seul tort de ces deux victimes étant d’en savoir plus et trop même du régime de Kigali et ses méthodes comme de ses responsabilités dans le drame qui se déroule au Congo depuis plus que longtemps.
La RDC va-t-elle finalement prendre ses responsabilités en expulsant, voir demander le remplacement de Vincent Karega comme ambassadeur à Kinshasa où va-t-elle sacrifier sa souveraineté sur le plateau des relations des bons voisinages avec le Rwanda ? Là demeure toute la question.
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi