Par Benoît Feyt
Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila, président de la République démocratique du Congo (RDC), est assassiné dans sa résidence de Kinshasa par un de ses gardes du corps. Rashidi Mizele Kasereka, l’auteur des coups de feu, sera abattu dans sa fuite par Eddy Kapend, l’aide de camp du président Kabila.
En 2003, une cour militaire condamnera une vingtaine de personnes à mort, dont Eddy Kapend, pour « négligence » dans la protection du président. Leur peine sera finalement commuée en une condamnation à la prison à vie. Mais ce procès expéditif n’a pas répondu à toutes les questions et, vingt ans après les faits, on ignore toujours qui sont les véritables commanditaires de cet assassinat.
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RDC : libération de l’ex-aide de camp de Kabila père, Eddy Kapend, et de ses co-accusés © CNN – BELGAIMAGE
La piste des « kadogos »
Début 2001, les kadogos, ces enfants-soldats qui avaient accompagné Laurent-Désiré Kabila dans sa marche victorieuse sur Kinshasa quatre ans plus tôt, pleuraient la disparition de leur mentor, Anselme Masasu, que le président venait de faire exécuter. Rashidi et ses comparses, qui faisaient partie de ces kadogos, auraient ainsi voulu venger Masasu en assassinant Kabila. C’est la thèse officielle.
La piste « libanaise »
D’autres évoquent la vengeance d’un homme d’affaires libanais, Bilal Héritier, écarté du marché des diamants par Kabila. Selon le journaliste Arnaud Zajtman, qui a réalisé un film documentaire sur l’assassinat du président congolais, Héritier aurait fourni aux kadogos la logistique de l’assassinat avant de se réfugier à l’est du pays, en zone rebelle.
La piste « rwandaise »
A l’époque, la République démocratique du Congo était divisée par une ligne de front qui la séparait d’Est en Ouest. L’Est était occupé par des rébellions soutenues par le Rwanda et l’Ouganda, les deux alliés qui avaient aidé Laurent-Désiré Kabila à renverser le Maréchal Mobutu et qui se sont ensuite retournés contre lui. L’Ouest était dirigé par Kabila et ses nouveaux alliés angolais et zimbabwéens. C’est auprès d’un groupe rebelle pro-rwandais, le RCD-Goma, que Bilal Héritier ira se réfugier au lendemain de l’assassinat de Kabila.
Faut-il pour autant voir la main de Kigali dans la mort du président congolais ? Aucune preuve ne permet de l’affirmer. Mais dans son enquête, Arnaud Zajtman révèle que le soir de l’assassinat, un des responsables de la sécurité du Rwanda aurait déclaré à un diplomate britannique « ce sont nos hommes qui ont fait le coup ».
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La piste « occidentale »
Rien ne démontre non plus, jusqu’ici, une implication occidentale dans l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila. « Mais pour les Occidentaux, il était clair que Kabila n’était pas la bonne personne à la bonne place, rappelle Colette Braeckman, spécialiste de l’Afrique centrale au journal Le Soir. Il était jugé arrogant et surtout trop indépendant. Le sentiment général au lendemain de sa mort, c’était « bon débarras ! ».
L’homme qui devait mourir
Les funérailles de Laurent-Désiré Kabila, le 23 janvier 2001. © Belga
Laurent-Désiré Kabila se présentait comme un héritier idéologique de Patrice Lumumba, un nationaliste bien décidé à mettre les richesses du Congo au service de la population congolaise. Mais ce projet s’opposait de front à la volonté de ceux qui l’avaient amené au pouvoir, le Rwanda, l’Ouganda et tous les opérateurs économiques internationaux qui lorgnaient sur l’immense potentiel minier du pays. « On ne savait pas quand la foudre allait tomber, se souvient Colette Braeckman, mais c’était écrit qu’elle allait tomber. Il devait mourir ».
Le jour des funérailles de Laurent-Désiré Kabila, près de 2 millions de Congolais viendront lui rendre un dernier hommage à Kinshasa. Dans la foule, on verra peu de personnalités occidentales de haut rang, à part Louis Michel, le ministre belge des Affaires étrangères. Des absences remarquées, qui alimenteront de nombreuses spéculations à Kinshasa sur le rôle exact de la communauté internationale dans l’assassinat du président.
Louis Michel et Laurent Kabila © Belga
L’hommage à Laurent-Désiré Kabila le jour de ses funérailles. © Belga
Libération des condamnés
Au lendemain de la mort de Laurent-Désiré Kabila, son entourage proche choisit de confier les rênes du pays à son fils, Joseph Kabila. Il restera au pouvoir jusqu’à la victoire de Félix Tshisekedi aux élections du 30 décembre 2018. Pendant 18 ans, Joseph Kabila maintiendra en détention les vingt condamnés dans le procès de l’assassinat de son père. Mais le 30 décembre 2020, coup de théâtre ! Après 20 ans de détention, Félix Tshisekedi décide d’accorder la grâce présidentielle aux condamnés.
Eddy Kapend et ses co-accusés, qui ont toujours clamé leur innocence dans l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, sont désormais libres de leurs mouvements. Reste à voir maintenant s’ils seront assez libres de parole pour éclairer, enfin, les nombreuses zones d’ombre qui entourent toujours la disparition du troisième président de l’histoire du Congo.
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