Légèreté déconcertante ou fausse sincérité de dernière heure sans remords ni excuses, Albert Yuma Mulimbi, Président du Conseil d’Administration (PCA) de la Gécamines mais aussi de la Fédération des Entreprisses du Congo (FEC) ; s’est livré à un difficile exercice d’équilibriste chez un confrère africain basé à Paris en France. C’était au cours d’un entretien aux révélations troublantes, toutefois graves qui laissent pantois à propos des richesses du pays qui ne profitent pas aux Congolais.
Cuivre, zinc, diamants et surtout cobalt, dont elle est le premier producteur mondial : comment la République démocratique du Congo, dotée d’autant de richesses, peut-elle voir autant de ses habitants vivre avec moins d’un dollar par jour ? Cette question demeure depuis la deuxième République sous Mobutu en passant par les Kabila et aujourd’hui sous Tshisekedi.
Pour l’ancien Directeur Général de la Gécamines sous Joseph Kabila dont il ne cite pas le nom, la situation actuelle est un « une conséquence de mauvais choix ou des orientations pris vers la fin des années 1990 début 2000 » ; la période de bradage du patrimoine économique du pays.
A cette époque dit-il, « A la suite de l’environnement politico-social que l’on connait, l’État congolais avait été contraint sous les conseils de ses partenaires multilatéraux, voir bilatéraux de céder la majorité de ses actifs miniers à des partenaires étrangers techniques, spécialisés et qui ont des moyens financiers sous l’espoir que ça générerait des revenus pour le peuple Congolais qui n’est jamais arrivé ».
La Banque Mondiale et le Fond Monétaire Internationale (FMI) sur le banc des accusés dans cette « erreur fatale à ne jam ais refaire pour le pays comme pour les africains » selon Yuma. Pour lui, « Les exportations du cuivre comme du cobalt du pays appartiennent à 5 ou 6 entreprises étrangères dans lesquelles la Gécamines n’est qu’un actionnaire minoritaire qui n’a quasiment rien à dire ; ces entreprises ne contribuant en rien aux recettes de l’Etat ».
La RD Congo face aux défis économiques, les richesses ne profitent pas aux Congolais ; « Pendant 15-20 ans alors qu’on nous avait promis des dividendes pour la Gécamines, des impôts pour l’Etat ; rien n’est venu. Et pour cause, ces entreprises ont donné en garantie les gisements du Congo à des banques estrangères. Au lieu d’amener les capitaux promis, ce sont des prêts qu’on nous a amené à des taux dépassant 10 % alors que nous savons qu’ils les ont acquis à 2 ou 3 %. TFM, Kasese, Rwashi, Sicomines…toutes des entreprises si pas occidentales, chinoises aussi désormais qui tiennent les richesses du Congo ; les richesses profitant à ces entreprises ; leurs filiales et maisons-mères qui commercialisent les productions ».
Albert Yuma attribue cette situation « à notre incapacité à gérer nos ressources nous-mêmes mais aussi par une certaine gabegie de l’Etat » sans pour autant mentionner la corruption et les détournements des deniers publics sous le régime Kabila qui a bradé ce patrimoine.
Il mentionne néanmoins la révision en 2018 du « Code minier de 2002 » avantageux malgré la « résistance farouche de ces entreprises » étrangères. Comme dans un rêve, Yuma se dit « choqué » à propos des exportations du cobalt congolais par des groupes comme Glencore ou BFM sans faire référence au pays et son entreprise nationale qui ont cédé les gisements.
A Tshisekedi de réparer les dégâts des autres …
La décision du nouveau Président de la République Félix Tshisekedi de mettre de l’ordre et des règles dans la gestion du « cobalt artisanal » représentant entre 25 et 30 % de tout le cobalt produit mais exporté « illicitement ».
La nouvelle structure voulue par le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi, « l’Entreprisse Générale du Cobalt » est une filiale à 95 % de la Gécamines et 5% à l’Etat par son ministère du Portefeuille sera accompagnée par Trafigura comme partenaire financier et commercial.
Et ce, pour la règlementation de cette exploitation artisanale sous des conditions strictes à savoir l’interdiction du travail des enfants, des femmes enceintes et mineures, l’exigence de préparation du site de travail avec sécurisation des travailleurs artisanaux en leur fournissant des équipements. Ce partenariat pouvant aider à la « création d’un fond souverain » pour le pays que de compter sur l’extérieur qui ne développera jamais notre pays et qui ne financera jamais nos infrastructures.
Avec l’Arescom pour la régulation, « l’Etat veillera à ce que toutes les entreprises du secteur industriel se conforment aux règles édictées pour produire et exporter et à terme contrôler entant qu’Etat congolais le volume industriel et déterminer le prix de vente final sur le marché mondial » soupire Yuma.
Cette nouvelle donne tombe à pic avec la nomination de Sama Lukonde Kyenge comme nouveau Premier ministre du pays ; lui qui a été Directeur Général de la Gécamines à côté d’Albert Yuma.
Dans cette confession solennelle, Albert Yuma en fait une sur ce qu’est la liquéfaction même de la Gécamines par le régime Kabila qu’il ne cite aucune fois dans cet entretien qui glace le sang autant qu’elle enrage. Surtout lorsqu’on voit l’insolence de la richesse dans laquelle baigne la famille Kabila et tous ses courtisans en rapport avec la pauvreté ambiante de la population congolaise.
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Réaction de la présidence
Face à l’exercice d’équilibriste d’Albert Yuma comme pour se dédouaner, la réplique de la nouvelle présidence de la République n’a pas tardée. Et c’est André Wameso, nouveau Directeur adjoint au cabinet du Chef de l’État chargé des questions économiques qui a réagi sur un autre média de la capitale congolaise.
Celui qui semble maitriser la question n’a pas sa langue en poche : « C’est factuel, nos richesses profitent en majorité à des entreprises minières qui sont venues les exploiter. A l’époque, le pays avait préféré non pas gager, mais vendre à vil prix les actifs des entreprises minières à des intermédiaires. Ce sont ces intermédiaires qui les ont à leur tour vendus à des sociétés multinationales » déplore t’il.
Et il dénonce cette corruption à laquelle Albert Yuma n’a pas fait allusion : « La plus-value de cette vente a profité à la classe politique de l’époque et à ces intermédiaires. C’était pour s’enrichir rapidement, alors que si nous avions négocié directement avec ces multinationales, on aurait levé ces capitaux ensemble parce que nous aurions gagé les actifs communs de la RDC et de ces entreprises-là ».
Pour remédier à cette situation déplorable pour le pays, Wameso propose de faire les choses autrement : « Asseyons-nous (présidence, gouvernement, patronat et entreprises publiques impliquées) et voyons comment entamer ce débat » explique-t-il.
Il se dit convaincu que « le pays ne s’en sortira pas en se plaignant, au lieu de nous lamenter : donnons-nous les moyens et l’expertise nécessaires pour valoriser à juste titre nos actifs, les certifier et être dans un processus de total transparence et nous allons créer beaucoup plus de milliardaires dans ce pays ».
Car « C’est une aberration que l’État Congolais ne soit pas actionnaire de Glencore, par exemple.
Comment pouvez-vous vous expliquer qu’une dame lambda qui détient quelques actions de Barrick Gold, Glencore ou autres a le droit d’aller à l’Assemblée Générale et de poser la question aux dirigeants de ces sociétés et que la RDC, pourvoyeuse d’actifs, c’est-à-dire or, cobalt, diamant… cuivre, n’a rien à dire à ces sociétés » se demande-t-il.
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Pour un confrère journaliste d’investigation basé dans l’Est du pays et auteur d’un livre dénonçant cette mafia des multinationales anglo-saxonnes paru en 2016, « Sans entrer dans le fond du débat, les révélations de Yuma Albert sont fondées. La Banque Mondiale à travers sa filiale SFI a rendu opérationnelle le pillage et la spoliation des ressources congolaises. Par contre ce que Yuma cache, c’est effectivement le partage du butin avec l’argent du pillage. Dans le cas de Kilo-Moto, le pays est passé du propriétaire au locataire. Sur les carrés miniers qui lui restaient, l’État congolais a vendu ses parts à Randgold devenue Kibali Goldmines. Pour un montant de 112 millions de dollars touché par l’État congolais, Kilo-Moto n’a eu que 8 millions de dollars. Le reste, officiellement, aurait servi aux festivités des 50 ans d’indépendance. Voilà un exemple ».
Et il poursuit : « Dans Kibali Goldmines, des personnes comme l’ancien ministre du Portefeuille, très proche de Joseph Kabila, en est Administrateur. En deux mots. Moto Gold achète des parts en joint-venture avec Kilo-Moto, puis vend ses parts à Randgold, une filiale de Anglo Gold bien cotée en bourse. Randgold dépossède petit à petit Kilo-Moto dans une sorte de ce qu’on appelle AMODIATION jusqu’à lui prendre toutes les carrières. Actuellement, Kilo-Moto devenue Sokimo n’a que 10% des parts dans ce qui fut jadis sa propriété et réclame à Kibali Goldmines la redevance. Kibali Goldmines avec son patron Mark Bristow organise des visites guidées sur le site avec tous les grands médias de Kinshasa qu’il rémunère juteusement et de la sorte, personne ne peut l’attaquer ».
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi