En marge du sommet de Paris sur le financement des économies africaines tenu du 18 au 20 mai 2021, le président rwandais Paul Kagame a déclaré lors d’une interview accordée à deux médias français qu’après 24 ans de présence en République Démocratique du Congo, la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation au Congo était un échec.
« Mais il y a aussi les forces des Nations Unies qui sont venues de l’extérieur et sont là depuis 24 ans. Il y a toujours ces responsabilités du monde qui sont passées sous silence. Et personne ne dit qu’avez-vous fait pendant 24 ans. Vous y êtes allées pour résoudre un problème. Qu’est-ce qui s’est passé ? Je pense que c’est un énorme échec » ainsi déclarait de Paul Kagame devant la presse. Ces propos ont été largement commentés comme relayés sur la toile, même si jusque-là ils n’ont pas été commenté par la MONUSCO.
Selon des données en notre possession, en termes de troupe et personnel de police, le Rwanda contribue aujourd’hui (données de mars 2021) à hauteur de 6335 personnes dans les missions de paix des Nations Unies à travers le monde. Il s’agit ainsi de 31 experts en mission, 975 pour les unités de police (les FPUs), 58 policiers (Civilian Police), 66 officiers d’état-major (staff Officers) et 5205 hommes de troupe (Soldats).
Pour la petite histoire, c’est en mai 2005 que le Rwanda a commencé par une modeste contribution avec le déploiement d’un (01) observateur militaire auprès de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS). Puis vint octobre 2010, avec le déploiement de 89 femmes policières rwandaises dans la région du Darfour au Soudan pour servir avec la Mission de Nations Unies au Darfour – MINUAD.
Une stratégie qui rejoignait les efforts en genre notamment dans la représentativité des femmes au sein des missions de paix des Nations Unies avec un contingent exclusivement composé des femmes. Une stratégie que l’organisation des Nations-Unies entend augmenter la présence et la participation des femmes à hauteur de près de 27 % d’ici 2030.
De 2009 à 2013, c’est un officier supérieur de l’armée rwandaise (RDF) en la personne de Patrick Nyamvumbwa (que j’ai personnellement rencontré en 2012) qui a assumé les très hautes charges de Commandant de la Force (Force Commander) au sein de la Mission de Nations-Unies au Darfour (MINUAD).
On serait dès lors en droit de se poser certaines questions notamment celles relatives aux critères qui entrent en compte pour qu’un pays soit reconnu comme contributeur des troupes dans une mission de la paix des Nations-Unies. Pour faire court, la réponse à cette première question est l’exemplarité et le respect des standards de bonne conduite des Nations-Unies.
On ne parlerait nullement des missions de la paix à travers le monde sans la contribution des Etats membres en termes de troupes. Au-delà des accords entre le pays contributeur et les Nations-Unies, il importe de préciser que ces troupes dépendantes directement de leur pays d’origine.
L’exemplarité et le respect des standards de bonne conduite, de même qu’une coopération soutenue avec le Secrétariat Général des Nations unies, deviennent de fait des conditions du remboursement aux États contributeurs de troupes et d’unités de police préconstituées.
Géostratégies et rapport entre Etat
La République Démocratique du Congo partage ses frontières avec 9 pays différents. Au Nord, c’est la République Centrafricaine et le Soudan du Sud. À l’Ouest, la République du Congo et l’Angola. Au Sud du pays, une frontière est partagée avec la Zambie. À l’Est, la République démocratique du Congo partage une frontière avec 4 Etats à savoir l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie.
Serait-ce un hasard que de ces neufs pays, le Rwanda participe à deux grandes missions de maintien de la paix des Nations-Unies en l’occurrence, en République centrafricaine et au Soudan du Sud ? Cette participation ne serait pas sans incidence sur le plan sécuritaire en RDC.
Il est de notoriété publique que chaque contingent déployé sur terrain dans une mission de paix ne travaille pas que pour l’intérêt des Nations-Unies mais aussi pour l’intérêt de son propre pays. Via des services spécialisés, elle collecte des données qui lui sont donc vitales et avantageuses.
Quid de la participation de ces autres états frontaliers dans les missions de maintien de la paix de l’ONU ? A ces jours, 6 pays sur 9 sont déployés dans les missions de maintien de la paix. Il s’agit de la Tanzanie avec 1481 personnes dont 6 experts militaires, 43 officiers d’état-major et 1405 soldats (dont ceux en RDC). La Zambie avec 990 personnes, dont 15 experts militaires 27 officiers d’état-major, 910 soldats. Le Burundi avec 769 personnes dont 11 experts militaires, 13 officiers d’état-major et 745 soldats.
L’Ouganda a quant à lui 650 membres, 3 experts militaires, 21 policiers, 1 officier d’état-major ainsi que 625 soldats. Sur un total de 150 personnes, le Congo-Brazza a déployé 4 experts militaires et 8 officiers d’état-major. Seul la République Centrafricaine, l’Angola et le Soudan du Sud ne sont pas impliqué en qualité de pays contributeurs en termes des troupes aux missions de maintien de la paix des Nations-Unies.
Affaibli par un embargo sur les armes depuis près de 18 ans, la RDC depuis l’accession à la magistrature suprême de Félix-Antoine Tshisekedi a signé plusieurs accords de coopération militaires avec plusieurs pays. C’est le cas des USA, de l’Egypte, de l’Angola et de l’Afrique du Sud. Et tout récemment avec le Kenya.
Après analyse, il transparait clairement que la RDC qui garde sa coopération militaire avec l’Angola aie fait un choix stratégique avec la Tanzanie comme contre poids dans la montée en puissance militaire du Rwanda dans la région.
Qu’est-ce qui se cacherait derrière cette déclaration crue de Kagame à l’égard de la plus grande mission de paix qu’est la MONUSCO ? Cette déclaration n’a pas laissé indifférent le vice-président de l’Assemblée Nationale, Jean-Marc Kabund qui a immédiatement réagit : « La posture négationniste du Président Rwandais face aux crimes commis en RDC est une attitude d’un accusé plaidant non coupable ».
Jean-Marc Kabund espère comme la majeure partie des congolais « l’institution sur base du Rapport Mapping, d’un Tribunal Pénal International /RDC afin que les auteurs… qui qu’ils soient et où qu’ils se trouvent répondent… », a poursuivi le vice-président de l’Assemblée Nationale congolaise…
Avec le temps, estime certains observateurs, la politique de Félix Tshisekedi est telle une machine qui balaie la poisse accumulée depuis les 24 dernières années. Et ça, Kagame l’aurait vu et compris. D’où toute son agitation.
Franck Tatu
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