Il était jusqu’en ce matin du 31 mai 2021 le Haut Représentant et l’Envoyé spécial du Chef de l’Etat, lui c’est Kitenge Yesu ; notable de la communauté Songye originaire de Kabinda dans le Lomami qui a tiré sa révérence, laissant inconsolable Félix Tshisekedi dont il était devenu un mentor attitré et l’homme le plus écouté. Les hommages qui viennent de partout témoignent de ce qu’était l’importance de l’homme aux côtés du Président de la République.
Des sources expliquent que c’est à la suite d’une crise piquée en pleine nuit que le septuagénaire déjà affaiblie par une santé précaire et qui s’appuyait sur sa canne noire à la tête de léopard doré (tout un symbole) pour tenir debout n’a pas survécu malgré son évacuation rapide dans un centre hospitalier de la capitale congolaise. Deux ans plus tôt en juillet 2019), c’était son épouse, Bibi Bateme Sophie, qui décédait à Bruxelles, en Belgique ; le laissant inconsolable après plusieurs années d’une vie commune comblée.
Ancien mobutiste engagé qui ne se gênait pas de clamer haut et fort « avoir manger de la tomate-salade avant l’indépendance » d’où le surnom de « tomatier » lui attribuait par la presse des années 1990 lors de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), Kitenge Yesu laisse près d’une soixantaine de vie politique derrière lui.
Marxiste-léniniste assumé, agonistique déclaré ; Kitenge Yesu était un grand personnage de la loge de l’ordre de la Rose croix Armorique d’obédience française pour la RDC avant de passer à la franc-maçonnerie. De l’époque de la Rose croix dans les années 1990, à ses côtés: des illustres « frères » aujourd’hui tous disparus avant lui comme Léon Kazumba Luaula, ancien Inspecteur Général des Finances et Léon-Robert Moukanda Lunyama d’heureuse mémoire, magnant de la presse avec ses journaux UMOJA et la Renaissance.
Dans son rang de « mystique » accompli et avec son style de communication déconcertant, l’ancien ministre de l’Information du gouvernement Nguz en 1990 s’était distingué via les réseaux sociaux au travers de ses Twittes énigmatiques dont raffolaient les médias.
Une chose déjà prévisible dans un message codé lui adressait à sa nomination en 2020 par un autre notable Songye et membre de la « fraternité », Me Jean Placide Yoko Yakembe : « Nous vous invitons fraternellement à ouvrir le coffre-fort de notre trésor culturel pour y puiser le maximum d’énergie, de sagesse et de toutes autres valeurs morales pour apporter à Son Excellence Monsieur le Président, le soutien qu’il attend de vous dans l’accomplissement de votre mandat auprès de lui ».
Il y a encore quelques mois, le patriarche Kitenge Yesu bien que diminué ; executait encore un pas de danse devant les membres de sa communauté Songye de Kinshasa. pic.twitter.com/2KrJfhOdPD
— Roger DIKU (@Cwambuyi) May 31, 2021
Un parcours exceptionnel
De mobutiste à tshisekediste, l’homme politique Kitenge Yesu comme un félin aura traversé tous les régimes qui se sont succédés depuis lors. Il était également passé au Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RDC-Goma) avant de diriger son propre parti politique la Convention des Républicains, jusqu’en 2018, année de sa retraite de la scène publique, après 59 ans de vie politique.
Avec son « autre frère d’obédience », Tony Carbure Mandungu Bula Nyati ; le feu le ministre de l’Intérieur de Jean Nguz, Kitenge Yesu est à la base de la création du Front Commun des Nationalistes (FCN) en 1990 au semblant de l’ouverture démocratique sous Mobutu. A leur divorce politique, il créée son Front Commun des Nationalistes Rénové (FCN-R) et poursuit son combat politique.
Avec l’arrivée du régime de l’AFDL et 1997 et celui de Joseph Kabila en 2001, en succession de son père assassiné, Kitenge Yesu comme tous les anciens mobutistes ; prend le chemin de l’exil politique à Bruxelles avant de revenir au pays et se mettre dans l’opposition dite républicaine. Puis vint la Convention des Républicains (CR), plate-forme qu’il dirigera en s’alliant à l’UDPS Tshisekedi jusqu’à l’avènement au pouvoir du fils.
Après les turbulences des années de règne de deux Kabila passées dans l’opposition, c’est en juin 2016 que Kitenge Yesu fait sa réapparition au Conclave de l’opposition de Genval en Belgique aux cotés de feu Etienne Tshisekedi Wa Mulumba, le père de l’actuel Chef de l’Etat. Il est parmi les signataires de l’acte fondateur du Rassemblement de l’Opposition initié par le leader de l’opposition en vue des élections générales et présidentielle de 2018.
Le choix porté sur lui le mercredi 6 mars 2019 par Félix Tshisekedi comme le Haut Représentant du Chef de l’Etat ne surprend personne. Un message fort adressé à la classe politique volage par le titre même qu’il portait. Dans son style en combattant aguerri et véritable snipper, Kitenge Yesu savait provoquer tirer pour atteindre sa cible ; causant des dégâts directs et collatéraux assurés.
Annoncé pour mort il y a quelques mois, il ironisait sur ses détracteurs tout assurant que le jour venu, il s’en ira en paix. Son dernier twitte remonte « assassin » remonte au 29 avril 2021 lorsqu’il écrivait :
J’ai vu l’autre jour un fabriquant de l’ignorance quitter l’hémicycle gesticulant tel un sémaphore, Charlot ou de Funès. Se mettre en travers le Soleil ne l’empêche pas de briller de tous ses éclats. « Rien n’est plus beau que le vrai, il doit régner partout et en toutes choses ».
— KITENGE YESU (@KitengeYesu) April 29, 2021
Avec sa mort, c’est toute une page de l’histoire politique du pays qui se renferme. Qui le replacera auprès du Président de la République est une autre question…
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi
