L’inspection Générale des Finances (IGF) a révélé depuis peu au grand jour un nouveau scandale politique d’utilisation presque frauduleuse des cartes visas sur le dos du Trésor public depuis la Banque Centrale du Congo. Des cartes de crédit du type visa étaient toujours activées sont en possession des personnes non habilitées, plusieurs hauts dignitaires de l’ancien régime de Joseph Kabila étant cités dans ce dossier.
Dans une lettre adressée le 24 mai au Ministre des Finances Nicolas Kazadi, le patron de l’IGF Jules Alingete Key l’a alerté sur l’existence de cartes de crédits directement liées au compte du Trésor et appartenant, pour la plupart, à d’anciens caciques de Joseph Kabila.
Selon cette correspondance, l’IGF-CS Alingete informait le ministre de ses conclusions où des irrégularités ont été constatées : « La mission de contrôle de gestion de la Banque centrale a relevé que des paiements, de l’ordre de 174 millions de francs congolais, ont été effectués à partir de ces cartes de crédit et imputés au compte « Suspens débiteur État de la BCC ».
Ce même courrier indique que ces cartes ont été octroyées par la Rawbank, l’une des plus grandes banques privées du pays appartenant à une famille d’origine indienne ; octroyées à des hauts cadres des institutions de la RDC. N’ayant pas le relevé des paiements, L’IGF après sa mission de contrôle estime que la BCC « entretient une forte présomption sur le fait que ce montant comprendrait aussi abusivement des cartes de crédit émises au profit des cadres de la Banque centrale ». D’où la demande par l’IGF « d’instruire la Banque centrale d’en demander l’annulation », à la vue que cette situation « n’est pas conforme à la procédure sur les dépenses publiques et viole les textes légaux et réglementaires sur la gestion des finances publiques ».
Selon des informations, la Rawbank aurait depuis désactivé une trentaine de cartes de crédit ; plusieurs d’entre elles avaient déjà expiré. Parmi les 32 personnes figurant sur la liste, on retrouve notamment plusieurs anciens ministres comme Pépin Guillaume Manjolo (Coopération), José Sele Y’Alaghuli (Finances), Marie Tumba Nzeza (Affaires Etrangères), tous membres du gouvernement de Sylvestre Ilunga Ilunkamba.
Plusieurs autres proches collaborateurs de l’ancien président Joseph Kabila en ont aussi bénéficié. C’est le cas du général François Olenga, ex-chef de la maison militaire du raïs – qui aurait été titulaire de l’une de ces cartes entre 2011 et 2019, de l’ancien président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku, de l’ex-ambassadeur itinérant Séraphin Ngwej, ou encore du conseiller diplomatique de l’ex-président, Barnabé Kikaya Bin Karubi.
Réaction du ministre
« Par sa lettre n 585/PR/IGF/IG-CS/JAK/BCO/SMI/2021 du 24 mai 2021, dont vous êtes l’un des ampliataires, Monsieur l’Inspecteur Général des Fiances-Chef de Service me saisit de ce qui est repris en concerné. Y faisant suite, je vous demande de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que soient annulés lesdites cartes » écrit Nicolas Kazadi Kadima Nzuji à Déogratias Mutombo Mwana Nyembo.
Cette lettre du nouveau Ministre des Finances au gouverneur de Gouverneur de la Banque Centrale intervient au lendemain de la dénonciation par l’IGF d’une « utilisation abusive » qui y ressemble à une « fraude en bande organisée » des cartes visa sur le compte général du trésor public par les anciens dignitaires du régime Kabila. « Ce sont leurs femmes et leurs enfants qui continuent d’utiliser ces cartes à l’intérieur comme à l’extérieur du pays au détriment de l’Etat » explique sous anonymat un haut responsable financier.
Une polémique qui enfle...
Face à la polémique qui enfle, des dignitaires de l’ancien régime ont été les premiers à réagir pour tenter de se justifier. D’abord l’ancien président de la chambre basse du parlement Aubin Minaku qui pose un démenti qui n’éclaire en rien les faits reprochés pourtant. Reconnaissant avoir bénéficié des privilèges de ladite carte, il salue la décision du ministre des Finances et contre-attaque à son tour : « cette réaction positive permettra d’asseoir une transparence pour démasquer notamment les nombreux détenteurs de cartes visa sans titre ni droits particuliers depuis 2019 », date qui coïncide avec l’’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi.
Puis vint Kikaya Bin Karubi qui livrait sa version des faits sans aussi vraiment convaincre :« De par mes fonctions, j’ai eu accès à une carte de crédit qui me permettait d’engager des dépenses urgentes pour la République. J’ai été secrétaire particulier du président Kabila et conseiller principal au collège diplomatique. Ces fonctions nécessitent un accès d’extrême urgence à des fonds. Mais tout a été désactivé en 2019 ».
José Sele Yalaghuli, l’ex-ministre des Finances du gouvernement Ilunga Ilunkamba sous Félix Tshisekedi, a également répondu à la polémique en portant une nuance peu convaincante et précisant les montants : « Ces cartes de crédit sont données, comme dans tous les pays du monde, aux ministres des Affaires étrangères, de la Coopération, des Finances et au gouverneur de la BCC, qui sont appelés à effectuer des déplacements réguliers et fréquents à l’étranger pour des missions officielles. Et cela, dans le but de parer au plus pressé. Ces cartes avec des montants précis oscillant entre 20 et 40 000 dollars américains mensuels sont prépayées par la BCC et ne sont pas liées au compte général du Trésor, comme certains l’arguent. Elles sont acquises par la BCC, en laissant des provisions auprès de la Rawbank ».
Face aux difficultés du quotidien endurées par la population et les privilèges d’une caste des individus, la clameur de l’opinion exigerait aujourd’hui que les bénéficiaires non habiletés de ces cartes dont l’annulation est sollicitée soient entendus par la justice. En ce, y compris le Gouverneur de la Banque centrale afin que l’Etat et le Trésor Public soient rétablis dans leurs droits par le remboursement des sommes détournées.
Pour rappel, c’est en 2013 que la pratique des cartes visa tirées sur le compte général du trésor et attribuées aux dignitaires du régime avait été instaurer sous le gouvernement du premier ministre Matata Ponyo Mapon.
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi