Plusieurs soldats mutins des forces spéciales guinéennes ont annoncé, dimanche, en Guinée, à la télévision nationale, la dissolution de la Constitution et du gouvernement dans ce qui s’apparente à un putsch. Mais le ministère de la Défense guinéen a déclaré que les forces de sécurité étaient en train de rétablir l’ordre.
En Guinée, des officiers des forces spéciales ont affirmé, dimanche 5 septembre, avoir capturé le chef de l’État Alpha Condé et avoir dissous les institutions, mais une grande confusion régnait à Conakry sur qui était maître de la situation.
Le ministère de la Défense a ainsi assuré avoir repoussé l’attaque des forces spéciales contre la présidence, malgré la diffusion d’une vidéo montrant le président Condé entre les mains des putschistes.
« Nous avons décidé après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous (…) de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions ; nous avons décidé aussi de dissoudre le gouvernement et la fermeture des frontières terrestres et aériennes », a déclaré le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, au côté de putschistes en uniforme et en armes, dans une vidéo adressée à un correspondant de l’AFP.
Les putschistes guinéens des forces spéciales ont pris le pouvoir à Conakry après avoir renverser le vieux Alpha Condé…cette nième épisode d'un coup d'Etat militaire rappelle un certain colonel Dadis Camara dans le même pays il y a quelques années déjà… pic.twitter.com/JqXT3Zm8KB
— Roger DIKU (@Cwambuyi) September 5, 2021
Dans une interview exclusive accordée à France 24, Mamady Doumbouya a également affirmé que ses hommes détenaient Alpha Condé. « Le président est avec nous. Il est dans un lieu sûr. Il a déjà vu un médecin », a-t-il déclaré. Dénonçant la « gabegie », le lieutenant-colonel Doumbouya, drapé dans un drapeau guinéen, a ensuite réitéré cette déclaration à la télévision nationale peu après 14 h GMT, interrompant les programmes habituels.
Les putschistes ont également diffusé une vidéo, non authentifiée, du président Condé entre leurs mains. Ils lui demandent s’il a été maltraité, et Alpha Condé, en jeans et chemise froissée dans un canapé, refuse de leur répondre.
« Les forces de l’ordre affirment que les frontières sont fermées, que la Constitution est dissoute. Dans quelques heures, ils mettront un gouvernement de transition en place. [Mamady Doumbouya] a exigé qu’on signale qu’ils ne sont pas là pour s’éterniser au pouvoir mais pour planifier une transition », a expliqué, dimanche, Malick Diakité, correspondant de France 24 à Conakry.
Des tirs soutenus et des militaires dans les rues
De son côté, le ministère de la Défense a affirmé dans un communiqué que « les insurgés (avaient) semé la peur » à Conakry avant de prendre la direction du palais présidentiel, mais que « la garde présidentielle, appuyée par les forces de défense et de sécurité, loyalistes et républicaines, ont contenu la menace et repoussé le groupe d’assaillants ».
Tôt dans la matinée, des tirs nourris d’armes automatiques avaient retenti sur la presqu’île de Kaloum, centre névralgique de Conakry, où siègent la présidence, les institutions et les bureaux d’affaires de ce pays d’Afrique de l’Ouest en proie depuis des mois à une grave crise économique et politique.
La présence des forces armées dans les rues, a été confirmée par Malick Diakité notre correspondant. « La population est massivement sortie dans la rue. Les forces de l’ordre sont en train de se promener dans la rue avec des blindés et ils sont applaudis par la population », rapporte-il.
« J’ai vu une colonne de véhicules militaires à bord desquels des soldats surexcités tiraient en l’air et entonnaient des slogans militaires », a déclaré à l’AFP une habitante du quartier de Tombo, proche du centre de la capitale. « Les soldats étaient tous cagoulés » et se dirigeaient vers Kaloum, a-t-elle précisé sous le couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité.
Au moins deux blessés, selon des témoins
Un habitant de la banlieue de Coléah a indiqué à l’AFP avoir « entendu des tirs » tôt dans la matinée. « Je me suis précipité vers la fenêtre, j’ai vu des jeeps militaires qui roulaient à vive allure vers le centre de Kaloum », a-t-il dit.
Les tensions pourraient avoir été provoquées par une tentative de mise à l’écart du commandant des forces spéciales, sur fond de jalousies au sein des forces armées envers cette unité bénéficiant de moyens supérieurs aux autres forces de sécurité, a expliqué un diplomate occidental s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Des habitants joints au téléphone à Kaloum ont fait état de tirs soutenus, disant avoir vu de nombreux soldats intimant aux résidents de rentrer chez eux et de ne pas en sortir. Selon des témoins contactés par Reuters, deux civils au moins ont été blessés par balles.
Alpha Condé, qui est âgé de 83 ans, a été réélu en octobre dernier pour un troisième mandat de cinq ans à la suite d’une réforme de la Constitution vivement critiquée par l’opposition. Plusieurs dizaines de personnes sont mortes dans des violences liées au scrutin.
Avec AFP et Reuters
Article à lire sur Guinée : les forces spéciales affirment détenir le président Alpha Condé https://www.france24.com/fr/afrique/20210905-guinee-tirs-nourris-dans-le-centre-de-conakry-pres-du-palais-presidentiel