RDC : Marche du Bloc Patriotique, ni Apocalypse, ni Tremblement de terre à Kinshasa…

Annoncée comme le grand évènement politique de la fin de semaine dernière après un premier report, la « grande » marche des forces dites « Bloc patriotique » aura vécu le samedi 13 novembre 2021.

Ni Apocalypse, ni tremblement de terre ; rien de tout cela, hormis les fleurs aux forces de sécurité de la Police Nationale Congolaise (PNC) qui s’est encore une fois distinguée dans un encadrement professionnel des protestateurs sans casse ni interpellations. Et depuis lors, la vie a repris son cours normal et personne n’en parle. Quelques villes de l’intérieur du pays ayant connu la même situation.

Lancée sur trois itinéraires différents symbolisant les trois districts de la capitale Kinshasa à savoir Lukunga, Mont Amba et Tshangu sous une pluie fine, cette marche s’est terminée comme elle avait commencée aux environs de midi dans une ambiance générale presque bon enfant ; sans compter quelques dérapages verbaux, des injures et autres quolibets contre le régime en place.

L’on a pu par exemple entendre l’actuel Secrétaire permanent du PPRD, l’ancien ministre de l’Intérieur et dauphin de Kabila aux élections de 2018 ; Emmanuel Ramazani Shadary excellant en traitant les autres « des microbes politiques » avant de conclure « Nous allons continuer jusqu’à ce que les incompétents comprennent que le peuple veut se prendre en charge. La dictature que nous n’avons jamais connue, une dictature qui dépasse celle de Mobutu ».

Les forces en présence et leurs revendications

Dans ce bloc aux relations presqu’incestueuses récemment né, l’on a pu retrouver d’un côté les anciens bourreaux d’hier et caciques du régime PPRD-FCC qui ont découvert pour une fois le « plaisir » de la contestation dans la rue sans que la police ne charge brutalement les manifestants.

Ainsi, plusieurs cadres et anciens hauts responsables du régime Kabila ont été aperçus notamment l’ancien président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku, tout comme l’ancien Premier ministre Bruno Tshibala ou encore d’anciens ministres à l’instar de Félix Kabange Numbi.

De l’autre, les ex-victimes carrément frappés du syndrome de Stockholm qui défilaient aux cotés de leurs anciens bourreaux. Malgré les contestations de la CENCO et de l’ECC contre la désignation du président de la C ENI, les plateformes du Conseil de l’Apostolat des Laïcs Catholiques (CALCC) et leurs amis du Ministère des Laïcs Protestants (MILAPRO) sont demeurés plus que discrètes.  

Les militants de Lamuka aile Fayulu-Muzito sont restés orphelins de leurs deux leaders  politiques qui ont brillés par leur absence à la manifestation pour des raisons non éclaircies alors qu’ils avaient pourtant relayer l’appel à la mobilisation. Certains propos entendus et calicots vus expliquant peut-être cela…

L’ancien premier ministre transfuge de l’UDPS Bruno Tshibala comme son ancien ministre de relations avec le Parlement Lisanga Bonganga réclamant même une nième « concertation » entre pouvoir et opposition soi-disant pour trouver une solution d’ensemble aux problèmes du pays. « Une option loin d’entre entendu du côté du régime qui ne veut plus de partage de pouvoir entre politiques avant les élections de 2023 » selon des sources confirmées.

Du mécontentement face à la situation sociale de la population comme avec cette miche de pain brandie par certains protestateurs, tous avaient une seule exigence à la bouche : la dépolitisation de la CENI et par-delà la récusation de son président désigné Denis Kadima. Une demande loin d’être satisfaite, Denis Kadima ayant pris ses fonctions à la tête de al centrale nationale des élections et le processus pour 2023 depuis lors mis en marche.   

Entre autres slogans scandaient par les manifestants étaient en faveur de l’éducation des enfants « nous voulons que les enfants étudient comme il faut », « nous voulons que les enseignants soient payés », pouvait-on lire sur des banderoles et autres pancartes. D’autres groupes de manifestants en appelaient même au retour au pouvoir de l’ancien président Joseph Kabila qui a gouverné le pays de janvier 2001 à janvier 2019.

La guerre des chiffres

Si les organisateurs revendiquaient des centaines des milliers des participants, la police n’en aurait évalué que près de 4000 manifestants. Et comme dans pareille circonstance, y compris dans des pays à traditions contestataire ; la guerre des chiffres a eu lieu entre la police et les organisateurs.

Pour l’analyste Jeff Bunduki Kabeya, plusieurs choses à retenir de ces 3 marches en une de Kinshasa :

« La première chose est que ceux qui jadis au pouvoir refusaient ce droit de manifester à l’opposition, ont eu la chance et l’opportunité de marcher sans aucune entrave. Ni la police ni les sympathisants des partis au pouvoir ne les ont entravés. La seconde, c’est que les ex-tenants du pouvoir sont gonflés. Ils ne se gênent même pas en vociférant des slogans qui rappellent leurs propres comportements quand ils étaient au pouvoir. Heureusement qu’ils bénéficient de la liberté d’expression qui leur permet de crier haut et fort des inepties ».

Et de poursuivre « Cette marche a montré les fissures au sein de cette coalition car ni Fayulu ni Muzito n’ont été visibles. C’est un indicateur de désaccord interne. On peut poser que le FCC n’a pas voulu jouer les seconds couteaux et a voulu tirer la couverture de son côté pour avoir tous les honneurs. Ce n’est qu’une hypothèse. Cette marche montre que l’actuelle opposition est vraiment faible. Outre les cris, les injures et autres revendications faites, quel cahier de charge ou propositions concrètes ont-ils déposé auprès des gouvernants pour un débat sur la pertinence de leurs revendications ? Ces revendications vont-elles dans le sens du développement de la RDCongo ? Comment penser que cette opposition soit structurée quand leurs desiderata sont à ce point différents ? ».

Jeff Bunduki conclut « Qu’il y a de la marge entre la coupe et les lèvres. La nouvelle opposition se retrouve face à un parti politique qui a une longue expérience de l’opposition, de ses joues et de ses désillusions. Ce parti est aguerri. Lors des négociations FCC-Cach, la nouvelle opposition a eu à goûter à l’intransigeance et à la fermeté de l’UDPS. Il faudra plus qu’une marche faite en ordre dispersé pour faire plier l’UDPS et Alliés surtout qu’ils n’ont rien reçu comme revendications écrites. Le FCC et alliés vont aussi apprendre ce qu’est faire de l’opposition mais à leur avantage ce n’est dans un contexte de reconnaissance des droits et libertés des uns et des autres ».

Toute choses restant égale par ailleurs, certes la solution aux problèmes du pays réside dans la recherche du consensus. Car, sans compromis entre forces politiques et sociales en présence, le bras de fer persistera même si la force restera du côté de la loi c’est-à-dire de tenant du pouvoir.

Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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Rédaction

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