vendredi, novembre 22, 2024
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RDC : Disgrâce ou tentative d’une révolution de palais [DECRYPTAGE]

Disgrâce politique ou tentative d’une révolution de palais, comment expliquer la soudaine démission de Jean Marc Kabund de son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale trois jours après l’agression de sa garde policière contre un élément de la Garde Républicaine (GR).

La descente punitive de ce corps d’élite de l’armée chargée de la protection du Chef de l’État, ses biens, sa familles et ses hôtes de marque contre son domicile ; n’a pas non plus arranger les choses, poussant le président ad intérim de l’UDPS vers la porte de sortie qui risque d’avoir des conséquences inattendues pour son avenir politique.

« En ce jour je prends la décision de démissionner de mes fonctions de 1er VP de l’AN. Ainsi s’ouvre une nouvelle page de l’histoire, qui sera écrite avec la sueur de notre front, qui coulera chaque jour qu’on affrontera les brimades, humiliations et tortures… » annonce-t-il laconiquement sur son compte Twitter.

Réelle démission volontaire ou défenestration obligée ou encore un montage politique pour se dédouaner de l’acte posé par sa garde policière rapprochée sur un militaire de la GR en pleine journée même si en faute en matière de circulation routière existait.

Sans toutefois en avoir avisé qui que ce soit vu la descente de son collègue Président de l’Assemblée nationale Mboso Nkodia Mpuanga à son domicile de Kingabwa, on ne sait exactement ce qui se trame dans la tête de Kabund.

Du Président de la République dont il assumait l’intérim à la tête de l’UDPS aux instances du parti, ce serait une décision personnelle avec une promesse aux combattants venus pleurer à sa résidence qu’il l’a fait pour « votre intérêt, sachez que je ne vous trahirai jamais » a-t-il dit.

Démissionnerait-il aussi de la présidence ad intérim de l’UDPS par laquelle il était 1er Vice-président du parlement et quitterait-il enfin le parti présidentiel pour en créer le tien propre s’interroge l’opinion. Même si tout y laisse ainsi penser, autant des questions restent encore sans réponse même si certains indices étaient prévisibles depuis un temps.

« Kabund se retrouve obligé d’aller jusqu’au bout de sa logique, car s’il recule selon la demande de Mboso et ceux qui crient devant sa maison om il s’est enferme ; ce qu’il n’a pas de caractère, la relation entre lui et Tshisekedi étant déjà entachée » explique un cadre de l’Union Sacrée de la Nation (USN).

Pour Mboso par contre et qui espère encore pouvoir convaincre Kabund de ne pas mettre en exécution sa décision, « Il ne souhaite pas voir (son) vice-président démissionner, nous avons besoin de cheminer ensemble jusqu’aux élections ». La valse des politiques à son domicile témoigne de la bourde commise par lui qu’il souffle le chaud et le froid en disant réserver à ses supporters une réponse adéquate dans les jours à venir.

Pendant ce temps à l’UDPS, la page Kabund semble fermée qu’on reparle de Patricia Nseya pour son retour au parlement au poste de 1ère vice-présidente de l’Assemblée nationale alors qu’elle est partie à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).  C’est la même députée nationale élue de Likasi qui fut choisi pour remplacer Kabund après sa destitution par l’ancienne majorité kabiliste en mai 2020.

Grandeur et décadence

La révolution comme la politique ne mangent que leurs propres enfants. Et Jean-Marc Kabund le réalise peut-être à ses dépens alors qu’il n’avait pas vu venir sa descente aux enfers, lui encore sous peu considéré comme un puissant homme de pouvoir ; l’un des hommes politiques les plus en vue du pays.

Pourtant depuis qu’il était devenu le n° 2 du parlement, avec les gardes de sa sécurité ; ils n’en étaient pas à leur première. Se substituant aux agents de la police de circulation routière (PCR), plus d’une fois ils ont réglementés la circulation en crevant les pneus des véhicules d’autrui parfois roulant à contre sens comme on en voit dans Kinshasa.

L’incident du mardi 11 janvier à la suite d’un accrochage avec un véhicule privé de marque Range Rover sur l’avenue Congo-Japon, dans la commune de Limete et la descente punitive de la Garde Républicaine (GR) à son domicile dans la soirée du mercredi 12 janvier 2021 en début de soirée sont la goutte qui a fait débordé la vase de sa toute-puissance.

Loin d’être anodin, cet incident avec l’assaut de l’unité affiliée à la protection du Chef de l’État contre le domicile de l’un des hommes forts du pays l’a été en réponse à l’humiliation suivie de l’arrestation et du désarmement d’un élément de la Garde Républicaine en mission officielle par des agents de sécurité affectés à la sécurité de Jean-Marc Kabund.

Pour rappel, c’est au lendemain de la signature de l’Accord de Genève avec la création de la coalition Lamuka le 11 novembre 2018 et la duperie de Martin Fayulu contre Félix Tshisekedi, qu’un discours enflammé de Kabund haranguant les militants et exigeant de Tshisekedi son retrait dudit accord pour être candidat de son propre parti. La suite est connue : Tshisekedi et Kamerhe se retirent, créent à Nairobi au Kenya la plateforme « Cap pour le Changement » (CACH), Felix est élu Président de la République et prête serment le 19 janvier 2019.

Kabund prenait ainsi de « galon » que personne à l’UDPS ne pouvait plus le contredire. Nommé président ad intérim de l’UDPS par Félix, il devient 1er Vice-président de l’Assemblée nationale dans le cadre de la coalition Front Commun pour le Changement (FCC) de Kabila et CACH de Tshisekedi avant que les kabilistes ne le destitue pour une affaire de mensonge qui n’avait pas été prouvée. Il prendra sa revanche lors de la destitution du PPRD Jeannine Mabunda comme présidente de l’Assemblée nationale et le renversement de la majorité parlementaire en faveur de l’Union Sacrée de la Nation voulue par le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi.

Depuis cette date, considéré comme l’homme-orchestre dans les négociations qui ont vu disparaitre l’ancienne majorité kabiliste, Kabund revenu au perchoir du parlement comme premier vice-président n’avait cessé de se donner de l’importance. Ce qui n’était plus bien vu de la plupart des cadres du parti de Limete, Kabund et Kabuya se prenant pour des « chefs » sans plus toujours s’en référer à celui qui les avaient positionnés.

Un signe qui ne trompe pas de l’agacement au sein du parti, le Président de la République n’avait pas associé ces deux personnalités écartés de la délégation officielle qui l’a accompagné durant ses deux semaines dans l’Espace Kasaï dont ils sont pourtant originaires. Pendant ce temps, des anciens proches pure sucre de Kabila du PPRD son parti comme sa plateforme électorale du FCC étaient à coté de Félix Tshisekedi dans les provinces visitées.

Pour Kabund, même son visiteur d’un jour en la personne de l’ancien gouverneur du Kasaï Oriental Ngoyi Kasanji a fait un constat après son annonce de démission :

Des soupçons lointains faisaient déjà état des préparatifs de Kabund qui au vu d’une « présumée popularité » auprès d’une frange des militants, de quitter le parti pour en créer le tien propre. Du reste à ce sujet, les termes de son tweet en disent long : « … Ainsi s’ouvre une nouvelle page de l’histoire, qui sera écrite avec la sueur de notre front, qui coulera chaque jour qu’on affrontera les brimades, humiliations et tortures… ».

L’objectif final étant de se positionner comme potentiel candidat à la présidentielle de 2023 face à Félix Tshisekedi dont il compte devenir premier opposant tout en travaillant pour 2028 s’il échouait. Un long chemin à parcourir tout comme un pari difficile face aux réalités politiques sur terrain même si l’on connait la classe politique congolaise corrompue et versatile.

« Avec son comportement aussi irrationnel de ces derniers temps, Kabund s’y préparait et cherchait la porte. Il vient de la trouver pour faire son chemin avec son nouveau parti politique qu’il créerait, une chose qu’on espère qu’il laisserai enfin l’UDPS tranquille s’il veut être cohérent avec lui-même » ajoute une source autorisée du parti de Limete. 

Une autre source qui n’est pas de l’UDPS reste sceptique par rapport aux capacités de Kabund d’émerger et explique que malgré « une forte cagnotte de près d’un milliard de dollars qu’il s’est faite durant les 4 années du premier mandat de Tshisekedi, et même s’il lançait probablement son propre parti et qu’il croit affaiblir le Chef de l’Etat qui reste Chef et qui sort renforcé de cette bêtise ; la vraie base du parti ne suivra pas Kabund dans son aventure ».

« Certes que Kabund peut se positionner bien pour 2023 au cas où le Président de la République se désistait alors que la constitution l’autorise un deuxième mandat.  La réalité aussi est qu’un type comme lui n’avait de force qu’au sein d’un parti comme l’UDPS.  Et de plus, n’est pas opposant qui veut l’être et on en a vu autant bien avant lui, surtout contre le parti du Sphinx et Fatshi qui ont un nom.  Reste du côté du Chef de l’Etat de travailler encore dur cette dernière année pour le social du peuple tout en renforçant la lutte contre la corruption et les détournements et personne ne pourrait lui tenir tête en 2023.  Il faut aussi faire un vrai ménage au sein du Cabinet en mettant dehors tous ceux qui sont impliqués dans les affaires et reconstituer une force nouvelle autour de Guylain Nyembo » dit un autre conseiller de la présidence sous anonymat.

Le départ de Kabund serait-ce une annonce d’un futur épisode sur le plan politique à une crise née d’abus de pouvoirs successifs, par hommes en armes interposés ? Le temps proche en dira plus.

Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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