C’est une démarche inhabituelle qui restera dans l’histoire pour l’Eglise catholique de la RDC au sujet du célibat des prêtres qui fait débat. Dans un document interne de 19 pages signé par tous les Evêques du pays, rédigé par la Conférence Episcopale Nationale du Congo (Cenco) daté du 4 mars 2022 ; les responsables du clergé en appellent à certains de leurs collègues prêtres ayant eu un enfant de renoncer à leur sacerdoce pour s’occuper de leurs progénitures.
Dans ce document interne non publié en dehors du milieu clérical et daté de leur assemblée plénière de mars 2022 qui a fuité dans les médias et titré « A l’école de Jésus-Christ. Pour une vie sacerdotale authentique», les Evêques congolais ont voulu « briser le silence » sur cette expérience considérée douloureuse.
Ils y expriment leur peine de « constater » que des prêtres « ne mènent pas une vie sacerdotale authentique » et soulignent « l’incompatibilité de la charge de père de famille avec le ministère et la vie sacerdotale en régime catholique romain ».
Ainsi insistent-ils sur la nécessité pour ces prêtres d’adopter « un comportement responsable vis-à-vis des enfants nés d’une femme et un prêtre » et invitent ces derniers à « s’en occuper complètement et pour ce faire de solliciter la dispense des obligations sacerdotales auprès du Saint-Père ». Dans le cas où le prêtre considéré ne serait pas prêt à abandonner la soutane, le document demande à l’évêque de sa diocèse de « présenter le cas au Saint-Siège pour la peine maximale de renvoi de l’état clérical » comme on a connu des cas depuis le début de cette année.
Associations d’enfants de prêtres
Dans son document, le hiérarchie de l’Église catholique du Congo rappelle que dans de nombreux pays du monde, existent déjà des associations d’enfants de prêtres. Elles « visent à faire sortir de l’anonymat et à aider psychologiquement les nombreuses personnes nées d’une relation entre une femme et un prêtre ».
Les Evêques du Congo « demandent reconnaissance et accompagnement » pour ces enfants sont considérés comme « comme fruits du péché » dans la société congolaise. Et ce, pour rendre justice aux femmes et aux enfants victimes de ces situations qui sont contraints de vivre dans la clandestinité.
« Exhorter et persuader ne suffit plus, ces attitudes rendent difficile l’amendement des coupables et sèment confusion et scandale parmi les fidèles », insiste ledit document. C’est pourquoi « le prêtre géniteur d’enfants a besoin à la fois de la miséricorde et de la réprimande de la part de l’Église ».
Célibat et chasteté
Les évêques congolais vantent, par ailleurs, les vertus du célibat et estiment que « de nombreux prêtres » vivent fidèlement leurs engagements sacerdotaux et que leur témoignage édifie le peuple de Dieu.
Ils font cependant remarquer que le célibat est mis à l’épreuve par plusieurs facteurs parmi lesquels « l’inclination ou les pulsions de l’instinct qu’il faut éduquer ; le mouvement de liberté sexuelle qui se mondialise et ne laisse pas l’Église intacte » mais aussi « les pesanteurs culturelles dans certains milieux qui ne connaissent pas d’interdit sur le plan sexuel et qui nécessite un assainissement » et « la pauvreté matérielle ou la misère qui ne favorisent pas la pratique des vertus ».
Un lien avec le voyage du pape ?
La décision de la CENCO en adressant le document en question aux prêtres du pays le 04 mars 2022 intervient à quelques mois de la visité annoncée du Pape François en RDC du 02 au 05 juillet 2022 n’étonne qu’elle n’intrigue lorsque l’on sait que depuis le début de son pontificat, « le pape François a fait de la lutte contre les abus de toutes sortes dans l’Église un de ces grands combats ».
Alors qu’il était archevêque de Buenos Aires, le jésuite argentin Jorge Mario Bergoglio devenu le Pape François s’était déjà exprimé sur la question des prêtres parents dans un livre entretien avec le rabbin Abraham Skorka, intitulé Sur la terre comme au ciel, Robert Laffont, 2013, 240 p. « Si un prêtre vient me trouver et me dit qu’il a mis une femme enceinte, je lui fais peu à peu comprendre que le droit naturel prime sur ses droits en tant que prêtre, y expliquait-il. En conséquence, il doit quitter le ministère et assumer la charge de l’enfant, même s’il décide de ne pas épouser la femme. Parce que s’il a le droit d’avoir une mère, l’enfant a aussi le droit d’avoir un père avec un visage ».
Faut-il le rappeler que depuis quelques mois déjà, les communiqués rendant publics le renvois de « l’état clérical » de prêtres ayant eu des enfants se multiplient, près d’une dizaine déjà et provenant de s 48 diocèses que compte le pays. Le dernier en date fin mars 2002 concernant trois prêtres du diocèse de Tshumbe dans le centre du pays qui a beaucoup intrigué. Dispensés de leurs obligations sacerdotales, ils ont été déchargés de leur état clérical et renvoyés.
La suspense et la perte de l’état clérical
Le droit canon distingue la suspense et le renvoi de l’état clérical :
- La suspense (canon 1333) est une peine qui peut être totale ou partielle. Il s’agit d’une censure, privant le clerc de certains de ses droits et pouvoirs, dans un but d’expiation. C’est une peine dite médicinale, donnant au clerc concerné le temps de s’amender et de réajuster sa vie aux exigences de son état.
- Le renvoi de l’état clérical (canons 290-293) est une décision définitive, sauf en cas de rescrit pontifical. Le sacrement de l’ordre ne pouvant être perdu, il désigne l’état clérical comme un ensemble d’obligations et de droits déterminés.
Parmi les différents motifs de suspense et de renvoi figurent les « manquements au sixième commandement », qui distinguent la fornication et le concubinage. Le droit canon ne comporte pas d’article sur la réalité des enfants de prêtres.
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi