Par Omer Nsongo die Lema
Son écrin doit certainement être plus lourd qu’elle-même. A deux, -dent et écrin- ; ils doivent peser dix mille, voire cent mille fois moins que le cercueil qui les contient. Pourtant, le poids de la dent est incommensurable, comparé à celui de l’écrin et du cercueil.
Ce poids est celui d’un être vivant, et encore quel être qu’aura été Patrice-Emery Lumumba !
Celui qui marqua l’histoire des indépendances africaines en dénonçant certes les affres de la colonisation et qui fit cette prophétie : « La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir lorsqu’il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique toute entière ».
Mais, c’est lui aussi qui va dire à ses compatriotes, au sujet du développement « …soyez sûrs que nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l’assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu’elle sera loyale et ne cherchera pas à nous imposer une politique quelle qu’elle soit ».
On ne le dit pas suffisamment. Au banquet organisé le 30 juin 1960, Lumumba fera un second discours avec cet extrait : « Les réalisations magnifiques qui font aujourd’hui la fierté du Congo indépendant et de son gouvernement, c’est aux Belges que nous les devons. Je lève mon verre à la santé du roi des Belges, vive le roi Baudouin ! Vive la Belgique ! Vive le Congo indépendant ! ».
La dent reste le témoin unique de ce que fit Lumumba le jour de l’indépendance. De ce fait, elle n’a pas de prix autre que le devoir de reconnaissance à l’égard de la personne qui l’a portée parce que Lumumba est une référence congolaise en international.
L’article « Être descendant de Patrice Lumumba, ça se mérite ! », dont l’auteur est à identifier, comprend ce paragraphe non seulement à relire, mais aussi à méditer : « Au moment où l’héritage de Patrice Emery Lumumba est aujourd’hui revendiqué à tort et à travers ici, il y a lieu de mentionner que cet homme n’appartient plus qu’au microcosme politique congolais ; il a en effet impacté loin de ses terres, à Leipzig et à Berlin où deux monuments ont été érigés en 2013 en sa mémoire ; à Paris quand Hervé Broquet, Catherine Lanneau et Simon Petermann produisent un livre reprenant « Les 100 discours qui ont marqué le XXe siècle », et retiennent celui du 30 juin prononcé par Lumumba ; dans les Antilles avec l’hommage que lui rendra Aimé Césaire en 1961, ou encore Lilian Thuram dans son livre « Mes étoiles noires » ; à Belgrade et à Moscou où, à l’annonce de sa mort, des étudiants ont manifesté comme au Quartier Latin, en plus de l’éditorial signé par Jean-Paul Sartre dans le quotidien L’Huma ; à Moscou avec l’Université qui a longtemps porté son nom tout comme ce paquebot suédois ; à New-York lorsque Malcolm X s’apprête à recruter les adeptes du Black Power pour venger l’assassinat de Lumumba à Léopoldville ; à la Havane lorsque Ernesto Che Guevara décide de gagner les montagnes du Kivu en 1965, et booster la rébellion d’un certain Laurent-Désiré Kabila ».
Ces extraits des discours du 30 juin 1960 et de l’article ci-dessus traduisent amplement cette évidence : la dent de Lumumba est plus que la dent organe humain.
C’est une âme, un esprit. Elle n’a alors pas de prix.
Les circonstances ayant fait que la restitution des reliques puisse s’opérer sous son mandat, Félix Tshisekedi ne peut qu’engager toute la Nation dans les hommages que mérite Lumumba. Il n’y aura pas une cérémonie pareille à l’avenir.
Aussi, tout ce que le Congo compte de patriote a-t-il le devoir citoyen de participer à ces hommages, plus en esprit qu’en chair…