Article rédigé par Julien Lamotte – franceinfo : sport pour France Télévisions
Il était le roi du ballon rond. Edson Arantes do Nascimento, mondialement connu sous le nom de Pelé, est mort, jeudi, à l’âge de 82 ans des suites d’un cancer du côlon. L’ancien numéro 10 de la sélection du Brésil, a également occupé notamment le poste de ministre des Sports.
Pelé ne se départissait quasiment jamais de son éternel sourire. Ce sourire a disparu, jeudi 29 décembre, sa famille annonçant son décès. Mais, passé le temps de la stupéfaction et de la tristesse, il reviendra dans nos mémoires. Un sourire à l’image de ce qu’était le joueur et l’homme : solaire. Pelé, mort d’un cancer du côlon, symbolisait, plus que tout autre, le football.
Forcément, les comparaisons et les débats sans fin – et sans réponse – sur sa place dans l’histoire du jeu ne tarderont pas à fleurir au cours des prochains jours. Mais ce n’est certainement pas le moment de tenter d’évaluer s’il était plus fort que Maradona, Di Stefano, Cruyff, Platini, Zidane, Messi ou un autre. L’heure est au souvenir. Car il n’y aura pas d’autre(s) Pelé. Comme il l’a dit lui-même, « les records sont faits pour être battus, mais il sera difficile de battre le mien. Les gens me demandent tout le temps quand naîtra le nouveau Pelé. Jamais ! Mon père et ma mère ont fermé l’usine ».
Et c’est tant mieux. Merci donc à Monsieur do Nascimento et Madame Arantes d’avoir mis au monde, le 23 octobre 1940, le petit Edson à Três Coraçoes (trois cœurs, en français), dans l’État du Minas Gerais. Merci à eux d’avoir élevé ce fils et de l’avoir initié, très tôt, au foot. Ils ne savaient pas, à ce moment-là, qu’il allait régenter ce sport et devenir l’un des plus grands sportifs de tous les temps.
« Jésus Christ, Pelé et Coca-Cola »
À trois ans, la légende est déjà en marche quand il écorche le nom du gardien de but de l’équipe de son père, un certain Bilé, devenu « Pilé » dans la bouche du bambin. Son surnom, qui fait office de patronyme au Brésil, se déformait lui aussi avec le temps pour devenir Pelé. Coquetterie de l’histoire, Pelé a souvent déclaré ne pas aimer ce nom, lui préférant Edson. Mais ces quatre lettres ne lui appartiennent plus depuis longtemps.
Ce sont quatre lettres qui appartiennent au XXe siècle, quatre lettres qui auront marqué les années 1960-1970 au même titre que les Beatles ou Marilyn Monroe. Pelé, dont la modestie n’était pas la qualité première, ne disait d’ailleurs pas autre chose : « Partout où vous allez, il y a trois icônes connues par tout le monde : Jésus Christ, Pelé et Coca-Cola ».
De lui et de ses exploits, on sait tout ou presque. Les plus anciens évoqueront sa grâce féline, son jeu complet, sa détente phénoménale, sa frappe des deux pieds, son sens de la passe, ses dribbles chaloupés, son inventivité sans limite. Il était le joueur parfait. Il paraît même qu’il était un excellent gardien de but. S’il ne fallait retenir qu’un chiffre dans la mythologie de Pelé, ce serait sans doute le 3, comme le nombre de Coupes du monde qu’il a gagnées (1958, 1962 et 1970).
Quant au nombre, ce serait probablement 1 283, comme le nombre de buts qu’il a inscrits en 1 363 matchs (dont une grande partie de rencontres dites « non officielles », ce qui conduit les statisticiens les plus pointus à ne comptabiliser « que » près de 760 buts). Cela vaut toutes les hagiographies. Mais, au final, plus que des statistiques exceptionnelles, il restera des images. Gravées dans le temps. Immortelles.
Révélé au monde à 17 ans
Pelé, qui débute à 16 ans sous le maillot blanc immaculé du club brésilien de Santos. Pelé, qui se révèle à la face du monde un an plus tard en Suède en marquant six buts lors des trois dernières rencontres du Brésil, victorieux du Mondial 1958. Pelé qui, à 17 ans, pleure de joie en brandissant la Coupe Jules-Rimet, devenant le plus jeune vainqueur de l’épreuve, un record qu’il détient toujours.
Mais Pelé, c’est aussi le souvenir de terribles blessures. Celle de la Coupe du monde 1962 n’a pas empêché les Auriverde de décrocher une deuxième étoile mais, en 1966, le numéro 10 brésilien a été victime d’agressions qui sont restées dans les mémoires.
Et puis il y a bien sûr l’apogée de 1970, au Mexique. La plus belle Coupe du monde de l’histoire du football et le sacre définitif du roi Pelé. Pour la première fois, le Mondial est retransmis en couleurs. Il fallait bien ça pour sceller le rendez-vous du meilleur joueur de sa génération avec l’histoire. Paradoxalement, ce sont les buts qu’il n’a pas marqués durant cette édition qui sont restés dans l’imaginaire.
Il y a évidemment cette tête piquée et cet arrêt mythique de Gordon Banks (« J’ai inscrit un but mais le goal l’a arrêté », déclarait Pelé après coup), ce grand pont irréel sur le portier uruguayen avant de manquer le cadre d’un rien, ou encore cette tentative de lob sur le gardien tchécoslovaque à plus de 50 mètres ! Mais Pelé au Mexique, c’est aussi cette tête en finale contre l’Italie (4-1) et cette photo dans les bras de son coéquipier Jairzinho. Sans doute la photo la plus mémorable du Brésilien.
Pele's magnificent misses 😲
— FIFA World Cup (@FIFAWorldCup) June 2, 2018
Banks' legendary save 🧤
The Azteca in all its glory 🏟️
The greatest team in #WorldCup history? 🇧🇷
We look back at what made Mexico 1970 so special 🇲🇽🏆
FULL VIDEO 👉 https://t.co/BtvxoFNmqt pic.twitter.com/KAY4I7VP1O
Au panthéon de ses exploits figure enfin son 1000ème but. Inoubliable, non pas par sa réalisation (un simple penalty inscrit contre Vasco de Gama en novembre 1969), mais à cause de l’envahissement du terrain par une foule en transe qui s’ensuivit. L’image de Pelé qui s’empare du ballon au fond des filets, qui l’embrasse et qui répond aux reporters sur le terrain est, elle aussi, passée à la postérité.
La fin de carrière du Brésilien, parti promouvoir le « soccer » au Cosmos de New York, sa retraite sportive en 1977 à l’âge de 37 ans et sa reconversion politique ne pouvaient être à la hauteur de la gloire passée. Peu importe après tout, la légende était écrite depuis longtemps. « J’aimerais que les gens se rappellent que j’ai été une bonne personne qui a toujours voulu unir les gens et rassembler les peuples. Et qu’ils se souviennent aussi que j’ai été un bon joueur ».
Pelé s’en est allé. Ce n’est pas une page, c’est un pan entier de l’histoire sportive qui se tourne. Alors, même si c’est difficile, autant se rappeler son sourire. Et ses mots. « Tout sur Terre est un jeu. Une chose qui passe. On finira tous morts. On finira tous pareils, non ? » Non, Edson, pas tous exactement pareils.
Avec franceinfo : sport