Le souverain pontife allemand, successeur de Jean-Paul II, a marqué l’histoire de l’Eglise catholique en décidant de renoncer à sa charge huit ans après son élection.
Discret depuis sa renonciation, il n’était plus « que » pape émérite. Benoît XVI, Joseph Ratzinger de son vrai nom, est mort à l’âge de 95 ans. « J’ai la douleur de vous annoncer qu’il est décédé aujourd’hui à 9h34, au Monastère Mater Ecclesiae, au Vatican », a déclaré le directeur du service de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, samedi 31 décembre, dans un communiqué. « D’autres informations vous seront communiquées dès que possible ». Le pape François avait annoncé quelques jours plus tôt que son prédécesseur était « gravement malade ». Celui qui a succédé à Jean-Paul II en 2005 a marqué l’histoire de l’Eglise catholique en décidant de renoncer à sa charge le 11 février 2013, huit ans après son élection, pour des raisons de santé. Un geste inédit en six siècles, le précédent pape ayant renoncé étant Grégoire XII, en 1415.
Accusé d’inaction face à des agressions sexuelles
Né en 1927 en Bavière (Allemagne) dans une famille opposée au nazisme, Joseph Ratzinger est inscrit contre sa volonté aux Jeunesses hitlériennes. A 24 ans, il est ordonné prêtre, avant d’entrer à l’université de Munich, où il étudie la théologie et la philosophie.
En 1977, il est nommé archevêque de Munich et cardinal-prêtre. Elu pape en 2005, à l’âge de 78 ans, il confie avoir été incrédule » face à cette décision dans son livre Benoît XVI, dernières conversations (Fayard), paru en septembre 2016. En choisissant son nom, le 265e pape s’inscrit dans les pas de Benoit XV, apôtre de la paix connu pour son travail diplomatique lors du tourbillon de la Première Guerre mondiale.
L’ancien proche collaborateur de Jean-Paul II est vite confronté à la plus grave crise de l’Eglise contemporaine : les révélations en cascade d’agressions sexuelles commises sur des enfants par des membres du clergé, aggravées par l’omerta de la hiérarchie catholique. « La plus grande persécution de l’Eglise ne vient pas d’ennemis extérieurs mais naît du péché de l’Eglise », affirme Benoît XVI en 2010. Il demande « pardon » et prône la tolérance zéro.
Néanmoins, de nouveaux cas de pédocriminalité ne cessent d’émerger. Près de neuf ans après son départ, un rapport indépendant accuse même Benoit XVI d’inaction face à des agressions sexuelles envers des mineurs dans l’archevêché de Munich et de Freising, ce qu’il rejette « strictement ». « Sur la question des agressions sexuelles, il n’a pas résolu les problèmes, mais a indiqué des voies correctes pour les affronter », estime Federico Lombardi, ancien porte-parole du Vatican.
D’autres crises ternissent son pontificat. En 2012, le pape allemand doit faire face aux « Vatileaks », un scandale de fuites de documents confidentiels qui évoquent l’existence d’un réseau de corruption et de favoritisme entre le Vatican et ses partenaires italiens. « Des insinuations ont été diffusées par certains médias, totalement gratuites, qui sont allées bien au-delà des faits, offrant une image du Saint-Siège qui ne correspond pas à la réalité », réagit Benoit XVI, lors d’une audience générale.
Un pape hostile aux évolutions sociales
Avant son élection comme pape, le cardinal Joseph Ratzinger a traqué pendant 24 ans tout ce qu’il jugeait représenter une dérive liturgique ou sociale dans l’Eglise, ce qui lui avait valu le surnom de « Panzerkardinal » [« cardinal blindé » en français]. Une fois élu, ce légaliste ne lâche rien sur le célibat des prêtres ou l’ordination des femmes.
Benoît XVI reste tout aussi hostile à une ligne plus souple face aux évolutions sociales, comme l’avortement ou l’euthanasie. Le souverain pontife tente aussi d’éliminer les frasques dans une Eglise qu’il souhaite moins mondaine, un objectif repris par son successeur François.
Mais ce mélomane timide, loué pour sa gentillesse en petit comité, ne s’impose pas auprès de l’opinion publique comme le charismatique Jean-Paul II ou François. Manquant d’une poigne de fer, trop confiant dans son entourage, il ne parvient pas à réformer la Curie (l’ensemble des administrations du Saint-Siège), enlisée dans la paralysie.
Un pape a-t-il peur de la mort ?
Depuis sa renonciation, l’ancien pape vivait discrètement, retiré dans un monastère au Vatican en compagnie de religieuses et de son secrétaire personnel, Georg Gänswein. Affaibli, en chaise roulante, s’exprimant difficilement mais toujours lucide selon son entourage, Joseph Ratzinger continuait de recevoir des visites.
Dans Benoit XVI, dernières conversations, interrogé par le journaliste allemand Peter Seewald sur la possibilité qu’un pape ait peur de la mort, l’intéressé répond « oui », en tout cas « dans une certaine mesure ». « Il y a d’abord la crainte d’être une charge pour autrui en raison d’une longue période d’invalidité, explique-t-il. Ensuite, bien que je pense en toute confiance que Dieu ne me rejettera pas, plus on s’approche de Lui, plus on ressent avec force tout ce que l’on n’a bien fait. D’où le poids de la faute qui vous oppresse, même si la confiance de fond est toujours présente, évidemment ».
Article rédigé par franceinfo avec AFP pour France Télévisions
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