RDC : Six ans que disparaissait Etienne Tshisekedi Wa Mulumba

1er février 2017 – 1er février 2023, 6 ans déjà que disparaissait à l’âge de 84 ans à Bruxelles des suites d’une embolie pulmonaire un des personnages le plus emblématique du pays en la personne d’Etienne Tshisekedi Wa Mulumba.

Il aura fallu attendre deux ans et trois mois depuis son décès, avec l’accession de son fils et héritier politique Félix Tshisekedi Tshilombo à la magistrature suprême du pays en janvier 2019 ; pour que s’accomplisse son ultime et dernier voyage sur la terre. Le premier ministre honoraire, chef de fil de l’opposition politique congolaise et ancien président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) ; sera inhumer dans la nuit tombante du samedi 1er juin 2019 dans le caveau familial situé dans la commune de la N’Sele en périphérie Est de Kinshasa la capitale.

Un parcours exceptionnel

Né à Luluabourg actuelle ville de Kananga dans le Kasaï Central le 14 décembre 1932 ; Etienne Tshisekedi aura incarné cette « figure historique de l’opposition zaïro-congolaise » ainsi que la « lutte l’instauration de la démocratie » au Congo-Zaïre redevenu la RDC.

Lors du premier coup d’état de septembre 1960 à peine quelques mois après l’indépendance du 30 juin 1960, Etienne Tshisekedi est membre du Collège des Commissaires Généraux, en tant qu’adjoint du Commissaire à la Justice Marcel Lihau Ebua qui deviendra quelques années plus tard son compagnon de lutte au sein de l’UDPS.

Entre 1961 et 1965, Étienne Tshisekedi est le Recteur de l’École Nationale de Droit et d’Administration (ENDA). En 1965, lorsque Mobutu fait son 2ème coup d’Etat, il participe au gouvernement en tant que ministre de l’Intérieur et des Affaires Coutumières.

Son ascension dans le pouvoir fait qu’en 1967 au conclave de N’Sele, il participe avec d’autres personnalités comme Bomboko et Nsinga Udjuu à la rédaction du « Manifeste de la N’Sele qui sera la base de la création du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), parti politique unique qui deviendra le parti-Etat du Zaïre sous Mobutu.

Dissensions

C’est au début des années 1980 qu’apparaisse les premières dissensions lorsque le régime Mobutu semble fragilisé, accusé pour sa gestion déplorable des finances du pays. Ce qui pousse, le 1er novembre 1980, 13 parlementaires (Commissaires du Peuple) dont Tshisekedi à adresser une lettre ouverte de 52 pages à Mobutu qui scelle le divorce politique.

Auteurs d’une lettre ouverte de 52 pages datée du 1er novembre 1980 au Président Mobutu, ces 13 parlementaires (Commissaires du peuple)

Issus des élections législatives de 1977, ils sont à la base de la création de l’UDPS le 15 février 1980. Il s’agit de : Ngalula Mpandanjila, Dia Onken-Ambel, Kyungu wa Kumwanza, Kasala Kalaba Kabadi, Ngoyi Mukendi, Protais Lumbu Maloba Ndibu, Lusanga Ngiele, Kapita Shabangi, Makanda Mpinga Shambuyi (mort assassiné), Biringamina Mugoruha, Tshisekedi wa Mulumba, Kanana Tshiongo a Minanga, Bombo Lona. A ce groupe s’ajoutera un Commissaire politique et deux professeurs d’université ainsi que d’autres personnalités : Frédéric Kibassa Maliba, Pr Marcel Lihau Ebua, Pr Dikonda wa Lumanyisha, Birindwa-bi-Chirirwa tous morts depuis.

Symboles vivants de la lutte et du courage politique, après la mort des certains ; plusieurs d’entre eux avaient fini par rejoindre le camp de Mobutu en laissant Tshisekedi seul face à la machine répressive de la dictature. Le même scénario s’étant répété sous les Kabila père et fils où les opposants d’hier se sont tous ralliés au nouveau pouvoir alors que Tshisekedi se retrouvait encore une fois seul face à la machine du pouvoir répressif en place.

Ainsi l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) est fondée le 15 février 1982, le premier parti politique d’opposition au Zaïre. Avec ses compagnons de lutte, il est plusieurs fois arrêté, emprisonné et subit des persécutions ; dont certains y trouveront même la mort.

Dans la foulée de la vague de la démocratisation au début des années 1990 en Afrique, Mobutu accepte la tenue d’une Conférence Nationale Souveraine (CNS) chargée de redresser le pays. Etienne Tshisekedi accède une première fois au poste de PM (septembre à novembre 1991), puis à nouveau le 15 août 1992.

Une Histoire sans pareille. L’Histoire du Peuple congolais a été, de tous temps, celle d’une révolte mal contenue et qui explosait presque tous les quinze ans avec une fureur décuplée. Les événements du 4 janvier 1959, prélude à l’indépendance et la révolte des 13 parlementaires au début des années 1980 avec la cohorte des manifestations qui s’en suivirent en témoignent.

L’histoire de la CNS zaïroise quant à elle part d’un constat : le Peuple ne communiait plus avec le système politique monopartite en vigueur dans le pays car il ne s’y reconnaissait plus. Ne s’identifiant plus à lui, il refusait de continuer à lui apporter son adhésion. Prudent, Mobutu lui-même n’avait pas manqué de flairer la grogne qui montait déjà des profondeurs abyssales de son vaste pays, intuition de fauve sans doute. Il n’était pas « Grand Léopard » pour rien !

Ainsi, les « Consultations Populaires » organisées en 1990 du 27 janvier au 27 mars à travers le pays répondaient certes à des pressions internationales suscitées par la Perestroïka soviétique, mais surtout par les pressions intérieures du Peuple congolais. Ce dernier exprimait ses sentiments sur le régime de la Deuxième République en dénonçant le dysfonctionnement et même l’absence de l’État, caractérisés par l’incapacité des dirigeants à gérer la chose publique, à protéger l’individu et la communauté ; l’incapacité à recréer la confiance entre les gouvernants et les gouvernés.

Les citoyens avaient dénoncé les pratiques du MPR parti-État, véritables antivaleurs, notamment aux yeux de la morale publique. Le peuple avait besoin d’un profond changement dans les méthodes de gouvernance. Comme jadis en Haïti des Duvalier père et fils ; le « déchoquage », ce déracinement de la dictature et ses représentants n’étaient nullement une demande exagérée de la population.

Les Consultation Populaires. Quelle que soit la considération du contenu de quelques 6.518 mémorandums reçus jadis à la présidence de la République par Edouard Mokolo wa Mpombo, aucune surprise n’était possible car les résultats devaient inévitablement aboutir à des réformes profondes sur tous les plans. Le ras-le-bol de la population était très perceptible et la vie devenait de plus en plus intenable. Le 24 avril 1990, des bouleversements sont survenus sous la poussée populaire, avec notamment la dissolution « de fait » du régime du parti-État. Les politiciens avaient été à mille lieux d’imaginer que la consultation d’un Peuple souvent qualifié de mou signerait la fin du MPR et de l’État mono-partisan.

La déclaration politique du 24 avril 1990 a fait date parce qu’elle consacrait la privatisation du MPR, le retour au multipartisme, d’abord limité à trois puis intégral ainsi que l’ouverture vers la démocratie par la révision –bien qu’illégale– de la Constitution mobutiste et par la mise en place d’un gouvernement dit de Transition.

De Mobutu aux kabila, il s’en suivra une longue période d’opposition. En 2003, à la fin du Dialogue Inter congolais de Sun City en Afrique du Sud ; Etienne Tshisekedi refuse d’entrer dans le gouvernement de transition. Il sera d’ailleurs l’instigateur de manifestations, et à l’origine du boycott, avec peu de succès, du référendum du 18 décembre 2005.

Poursuivant son combat, en 2006 ; il boycotte la première présidentielle pluraliste qui sera remportée par Joseph Kabila. En 2011, bis repetita ; Joseph Kabila est proclamé président de la République. Tshisekedi arrivé 2ème revendiquera la victoire et prête même serment depuis sa résidence de Kinshasa Limete.

Certes Tshisekedi est mort, mais Tshisekedi reste vivant au travers de son fils devenu Président de la République comme une revanche d’un père qui aura sacrifié sa vie pour diriger ce pays. Mais aussi que son crédo du « Peuple d’abord » continue d’interpeller et d’inspirer bon nombre des jeunes qui s’engagent en politique.

Son fils devenu Président de la République lui rendait d’ailleurs un bel hommage mérité le jour de sa naissance en 2018 pour le premier anniversaire de sa mort bien avant son élection à la tête du pays la même année : « Pensée pieuse en ce jeudi 14 décembre, date anniversaire de celui qui a été mon Maître, mon Inspirateur et mon Géniteur : Étienne Tshisekedi Wa Mulumba, mon Président. DIEU t’a rappelé, mais la lutte continuera et ce, jusqu’à la victoire finale. RIP ».

A lire aussi : KINSHASA : Obsèques d’Etienne Tshisekedi, Son ultime voyage au bout de la nuit à N’Sele https://www.afriwave.com/2019/06/05/kinshasa-obseques-detienne-tshisekedi-son-ultime-voyage-au-bout-de-la-nuit-a-nsele/

Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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Rédaction

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