En ce 1er mars 2023, le président français Emmanuel Macron effectue sa première visite officielle en Afrique centrale. Quatre jours durant pour parcourir 4 pays : Du Gabon d’abord pour un sommet sur la protection de la forêt équatoriale, le One Forest Summit. Puis, il fera escale à Luanda en Angola, où il signera vendredi un partenariat pour développer la filière agricole en Angola ; au Congo-Brazzaville avant de terminer sa tournée le 04 mars à Kinshasa en RDC.
Ce 18ème voyage sur le continent ne sera pas le plus facile malgré sa proposition d’un nouveau pacte au travers de sa nouvelle stratégie africaine. Une première tournée diplomatique en Afrique centrale cruciale alors que l’influence française ne cesse de reculer sur la plus grande partie du continent.
Malmenée et chassée au Mali depuis août 2022 et en décembre pour la Centrafrique, et encore récemment au Burkina Faso ; la France n’a plus de côte d’amour en Afrique qui préfère se tourner vers la Chine et la Russie, son influence diminuant de jour en jour.
Il a beau clamé que « L’Afrique n’est pas un pré-carré » en prônant une « posture de modestie et d’écoute », ou encore dire tourner la page de la fameuse « Françafrique » ; cela ne suffise plus car l’actuelle jeunesse africaine avide de sa « nouvelle » indépendance ne veut plus l’entendre de cette oreille-là.
Prenant acte de ce ressentiment croissant envers la France, ex-puissance coloniale majeure en Afrique, Emmanuel Macron avait appelé lundi 27 février depuis Paris à « bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable avec l’Afrique ». Un vœu pieux vu le climat de défiance des populations africaines face à ce pays ancien colonisateur du vieux continent.
Une étape mouvementée à Kinshasa
L’étape de Kinshasa sera pour lui la plus chahutée vue la colère dans l’opinion congolaise qui n’accepte pas de ce périple pour plusieurs raisons dont principalement la crise dans l’Est du pays, où le Rwanda est accusé par l’ONU, l’UE et toutes les organisations de soutenir la rébellion du M23 et où Macron qui n’a jamais condamné le pays de Kagame a tenté, en vain, une médiation.
Alors qu’il espérait trouver à Kinshasa une meilleure opportunité pour dérouler sa vision de l’Afrique dans le plus grand pays francophone du monde ; « La société civile vent debout et les mouvements des jeunes comptent lui réserver un accueil dont il se souviendra » explique un protestataire sous anonymat. L’ambassade de France à Kinshasa située Boulevard Mondjiba s’est réveillée ce mardi avec pleins des graffitis sur son mur d’enceinte et une manifestation grouillante des jeunes appelant au boycott de cette visite.
L’analyste politique Joseph Emmanuel Bunduki Kabeya revient sur cette visite en se posant la question de savoir « Qu’est ce qui fait courir Emmanuel Macron en Afrique et en RDCongo ? » et y répond : « La question mérite d’être posée car le président français ne vient pas pour les beaux yeux des africains encore moins des congolais. La France, n’est plus en odeur de sainteté en Afrique. Sa présence est clairement contestée dans des pays comme le Mali, la Centrafrique, le Burkina Faso. Des années de coopération n’ont amené aucun de ces pays vers le développement socio-économique attendu. La nouvelle génération d’africains se demandent ce que la France peut leur apporter aujourd’hui alors qu’elle ne l’a pas pu depuis les accessions à l’indépendance. Comment être ami avec un pays dont les partis d’extrême-droite officiellement reconnus en France contestent sans se cacher la présence sur son territoire d’africains francophones ? Que peut-on attendre d’une telle duplicité ? Les africains prennent leurs distances. Mais la France a malheureusement besoin de l’Afrique. Même si elle ne le dit pas à son opinion nationale ».
Et il poursuit : « La guerre en Ukraine a révélé un grand fossé dans la vision occidentale du monde. L’occident a cru qu’il lui suffisait de décréter qui sanctionner économiquement pour que l’Afrique suive comme un seul homme. Cela n’a pas été le cas. Les africains ont fait comprendre à l’Occident que sa guerre n’était pas la leur. Ils ont refusé de sanctionner la Russie. Le président Macron espère sans doute influer sur les pays africains afin qu’ils n’aillent pas au prochain sommet de Sotchi de juillet prochain en Russie. Serguei Lavrov a d’ailleurs, récemment, effectué une tournée africaine pour préparer ce sommet et renforcer la coopération russo-africaine dans cette période où l’Occident a mis en place des mesures contraignantes sans précédent contre Moscou ».
Joseph Emmanuel Bunduki Kabeya conclut sur la RDC : « Outre ces questions de politique internationale, le président français aura des entretiens avec son homologue congolais. On peut présumer que la position réelle de la France face à l’agression rwandaise dans l’Est de la République sera au menu des entretiens. Kinshasa exigera une position claire d’un acteur majeur qui siège au Conseil de sécurité de l’ONU. La question du courrier empoisonné qui a atterri à la présidence sera sans doute évoquée. D’aucuns disaient que cette lettre serait partie de la France. Le maintien de la RDCongo au sein de la francophonie pourrait aussi être au menu des discussions car comment expliquer que Paris choisisse de soutenir l’agression armée du Rwanda via ses supplétifs du M23 contre la RDCongo qui est le plus grand pays de la Francophonie. Les sujets seront sans doute plus nombreux et plus épineux au centre des conversations entre Fatshi et Macron. Ce sera sans doute chaud à l’image de la colère des congolais qui ont déjà annoncé les couleurs en taguant le mur d’enceinte de l’ambassade française à Kinshasa. La volubilité et les belles phrases de Macron ne suffiront pas pour convaincre les Congolais. Il faut aussi des actes concrets posés en leur faveur. C’est ce que le peuple congolais veut voir et entendre. Ce sera toute la difficulté du voyage de Macron à Kinshasa ».
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi
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