Annoncé depuis la fin de l’année 2022, le Gouvernement Sama Lukonde 2 a été rendu public dans la nuit de jeudi 23 à vendredi 24 mars 2023. Un nouvel Exécutif composé de 58 membres dont 5 Vice-premiers Ministres, 10 Ministres d’État, 30 Ministres et 12 Vice-Ministres. Dans cet ensemble, 16 femmes occupent des postes.
La première grande leçon qui saute aux yeux est qu’à quelques mois des grandes échéances électorales attendues avec les élections générales et présidentielle de fin d’année 2023, le président de la République Félix Tshisekedi a procédé à un léger réajustement de son gouvernement. Plutôt qu’un remaniement en profondeur, c’est à un réaménagement technique à minima qu’on a assisté.
Outre le chef du gouvernement sortant Sama Lukonde Kyenge, presque tous les poids lourds de son précédent exécutif conservent la confiance du Chef de l’Etat et sont donc reconduits à leurs postes respectifs. Ne voulant pas s’aventurer plus loin avec des risques conséquents face à des nombreux potentiels opposants dans l’arène qui se recrutent chaque jour en aiguisant leurs dents, Félix Tshisekedi a plutôt joué à la prudence.
Liste complète du nouveau gouvernement
• Vice-premiers Ministres (5)
Vice-Premier Ministre en charge de l’Intérieur : Kazadi Kankonde Peter
Vice-Premier Ministre en charge de la Défense Nationale : Bemba Gombo Jean-Pierre
Vice-Premier Ministre en charge de l’Economie Nationale : Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi Vital
Vice-Premier Ministre en charge de la Fonction Publique : Lihau Ebua Jean-Pierre
Vice-premier Ministre des Affaires Etrangères : Christophe Lutundula Apala
• Ministres d’État (10)
Environnement et Conservation de la Nature : Bazaiba Masudi Ève
Justice et Garde des Sceaux : Mutombo Kiesse Rose
Infrastructures et Travaux Publics : Gizaro Muvunyi Alexis
Intégration Régionale : Mbusa Nyamwisi Antipas
Budget : Boji Sangara Aimé
Portefeuille : Kayinda Mahina Adèle
Plan : Tuluka Sumwina Judith ;
Habitat : Muabilu Mbayu Mukala Pius
Développement Rural : Rubota Masumboko François
Aménagement du Territoire : Loando Mboyo Guy
• Ministres (30)
Finances : Kazadi Kadima Nzuji Nicolas
Santé : Kamba Mulamba Roger Samuel
Agriculture : Mpanda Kabangu José
EPST : Mwaba Kazadi Tony
Transports : Ekila Marc
Pêche et Élevage : Bokele Adrien
Industrie : Paluku Kahongya Julien
Emploi et Prévoyance Sociale : Ndusi Ntembe
Entreprenariat : Nzinga Desire
ESU : Muhindo Nzangi Butondo
Recherche Scientifique : Kabanda Kurhenga Gilbert
Mines : Nsamba Kalambayi Antoinette
Hydrocarbures : Budimbu Ntubuanga Didier
PTNTIC : Kibassa Maliba Lubalala Augustin
Numérique : Eberande Kolongele Désiré Cashmir
Affaires Foncières : Molendo Sakombi Aimé
Ressources Hydrauliques : Mwenze Mukaleng Olivier
Commerce Extérieur : Bussa Tongba Jean-Lucien
Droits Humains : Puela Albert-Fabrice
Genre : Masangu Bibi Muloko Mireille
Tourisme : Manzenga Mukanzu Didier
Communication et Médias : Muyaya Katembwe Patrick
Affaires Sociales : Mutinga Mutushayi Modeste
Formation Professionnelle : Kipulu Kabenga Bernadette
Jeunesse et Initiation à la Nouvelle Citoyenneté : Bunkulu Zola Yves
Sports : Kabulo Mwana Kabulo Claude François
Culture : Katungu Furaha Catherine
Relations avec le Parlement :
Ministre près le Président de la République : Nana Manuanina Kihimba Nana
Ministre délégué PVH : Esambo Diata Irène
• Vice-Ministres (12)
Intérieur : Molepe J-C
Affaire Étrangères : Mbadu
Justice : Mambu Lau
Plan : Betika Pascal
Budget : Bokulwana Maposo Elysé
Défense Nationale : Adubango Awotho Samy
Finances : N’Sele Mimpa O’neige
Mines : Motemona Gibolum Godard
Santé Publique : Olene Serge
EPST : Namasia Bazego Aminata
Hydrocarbures : Moleka Wivine
Transports : Kilubu Kituna Séraphine
Les départs et entrées, décryptage
Les quelques départs concernent cinq ministres et vice-ministres qui quittent le gouvernement : Daniel Aselo Okito, Jean-Jacques Mbungani Mbanda, Modero Nsimba Matondo, Amato Bayibasire Mirindi et Serges Chembo Nkonde qui sont remplacés. Et parmi les entrées, celle de l’ancien Directeur des Sports de la RTNC, Kabulo Mwana Kabulo Claude François qui devient ministre des Sports.
Le changement majeur par contre concerne le retour au premier plan de la politique nationale de certaines personnalités à même de constituer les piliers du prochain quinquennat, Félix Tshisekedi étant candidat à sa propre succession. Mais aussi l’avènement de « jeune loup » de la politique à l’instar de Peter Kazadi Kankonde propulsé vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur alors qu’il est novice en matière de gestion gouvernementale.
Juriste de formation et avocat de métier au barreau, ce jeune député provincial élu de Kinshasa aura fort-à-faire. Proche collaborateur de Félix Tshisekedi des années durant au sein de son parti l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, UDPS/Tshisekedi obtient le prix de sa fidélité, il est la troisième personnalité du parti présidentiel à ce grand ministère sensible du pays depuis l’avènement de Félix Tshisekedi après Gilbert Kankonde Malamba et Daniel Aselo Okito.
Peter Kazadi Kankonde arrive en un moment crucial : il devrait gérer les futures élections dans le pays, mais aussi tenter d’endiguer la grave insécurité qui gangrène le pays tout entier des années durant. Mais aussi et surtout le « phénomène Kuluna », ces bandes des délinquants qui terrorisent la paisible population dans la ville-capitale du pays Kinshasa. L’on attend pour voir si Peter Kazadi est cet homme de poigne dont le pays a besoin pour l’instant.
Jean-Pierre Bemba Gombo
Chairman du Mouvement de Libération du Congo (MLC), l’ancienne rébellion armée des années 2000, Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président du pays sous le régime 1+4 issu du Dialogue Inter congolais de Sun City en Afrique du Sud, il a fait le pari de revenir à la lumière après avoir passé 10 ans dans les geôles de la Cour Pénale Internationale (CPI) où il avait été acquitté le 08 juin 2018.
Sa candidature à la présidentielle de la même année 2018 rejetée par la CENI sous les ordres de son ennemi juré Joseph Kabila, il était devenu l’un des principaux unificateurs de l’opposition dite Lamuka née à Genève autour de la coalition dite Lamuka en novembre 2018. Petit-à-petit, il s’était éloigné des autres leaders de cette coalition pour rester attacher à Felix Tshisekedi en qu’il croit pour le développement du pays.
A lire aussi : URGENT-RDC : Affaire CPI Vs Jean-Pierre Bemba, Un Acquittement prononcé en sa faveur https://www.afriwave.com/2018/06/08/urgent-rdc-affaire-cpi-vs-jean-pierre-bemba-un-acquittement-prononce-en-sa-faveur/
Nommé nouveau ministre de la Défence nationale dans une période difficile avec la guerre d’agression du Rwanda par ses affidés supplétifs terroristes de la RDF (Rwandan Defence Force) dits M23, l’ancien « chef rebelle » qui a dirigé d’une main de fer la rébellion du MLC avec des résultats sur les troupes de Joseph Kabila apparait comme un grand soutien de Tshisekedi dans le Grand Equateur. La question qui demeure étant celle de savoir s’il serait à mesure de faire changer la cour des choses au sein des forces armées face aux velléités d’un Rwanda expansionniste ?
Alors qu’au nom du MLC Mme Eve Bazaiba Masudi conserve son autre grand Ministère de l’Environnement, c’est l’ami fidèle et proche de Bemba, le bon Dr Jean-Jacques Mbungani, médecin généraliste de son état qui quitte le gouvernement et son ministère de la Santé. « Sûrement vers d’autres horizons vu les échéances politiques » chuchote un cadre du parti de Jean-Pierre Bemba contacté ce matin.
Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi
Lourdement condamné en première instance, une sentence confirmé de moindre en appel en 2021 dans l’affaire dite « Procès de 100 Jours », l’ancien Directeur de Cabinet du Président de la République Félix Tshisekedi avait été condamné à 20 ans de prison et à 10 ans d’inéligibilité pour détournement présumé de plus de 50 millions de dollars en compagnie du vieil homme d’affaires libanais dont les deux sociétés avaient remporté le marché de construction des maisons préfabriquées à travers le pays pour des militaires et des policiers.
En appel en juin 2021, Kamerhe écopait de 13 ans de travaux forcés alors que ses coaccusés, le vieil entrepreneur libanais Samih Jammal et l’ex-fonctionnaire de la présidence Jeannot Muhima ; tous deux poursuivis dans le même dossier lié au détournement présumé de deniers publics, avaient été respectivement condamnés en appel à six et un an de travaux forcés.
Cofondateur de l’alliance Cap pour le Changement (CACH) en compagnie de Félix Tshisekedi au lendemain de leur départ de la coalition Lamuka avec la duplicité Martin Fayulu, Vital Kamerhe et son parti l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) sont toujours demeurés proches du Chef de l’Etat. L’on ne pouvait s’étonner qu’il revienne à la lumière après ses déboires judiciaires avec l’approbation Félix Tshisekedi, comme ministre de l’Economie nationale en un moment clé où certains contrats en défaveur du pays devront être renégociés avec certains des partenaires extérieurs. Kamerhe confirme ainsi sa légende de ce « phénix » de la politique congolaise. Kamerhe demeure « l’homme-clé » dans le futur dispositif électoral pour la province du Sud-Kivu.
Lire aussi : RDC-JUSTICE : Condamnation confirmée en appel contre Vital Kamerhe et consorts https://www.afriwave.com/2021/06/16/rdc-justice-condamnation-confirmee-en-appel-contre-vital-kamerhe-et-consorts/
Antipas Mbusa Nyamwisi
Membre d’une « dynastie » politique de la province du Nord-Kivu aux frontières avec l’Ouganda et le Rwanda ; deux pays profondément impliqué dans l’agression de la RDC. Antipas Mbusa Nyamwisi apparait aujourd’hui comme un homme incontournable avec son retour aux affaires comme ministre de l’Intégration Régionale.
Un poste qu’il avait déjà jadis occupé sous Joseph Kabila lorsqu’il fut bref ministre des Affaires Etrangères avant qu’il ne se brouille avec lui et ne parte en exil, situation à laquelle il mettra fin avec l’avènement de Félix Tshisekedi à la tête du pays.
Jeune frère d’Enoch Nyamwisi Muvingi, homme politique zaïrois ; cofondateur du parti politique Démocratie Chrétienne Fédéraliste/Nyamwisi (DCF/N), cet ancien ministre zaïrois en charge de la Jeunesse, du Sport, Culture et Arts du gouvernement de Jean Nguz a Karl I Bond assassiné le 05 janvier 1993 en plein Centre de sa ville de Butembo. Avec le meurtre de son ainé par les militaires de Mobutu qui pillaient la ville et dont il était venu pour les calmer, Antipas Mbusa Nyamwisi pris les armes à l’arrivée des Kabila au pouvoir.
Nous y reviendrons.
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi