Par : Olivier Rogez
Qu’est-ce qui pousse une jeune femme de trente ans, diplômée d’une école de commerce et spécialiste en négociation des affaires à se lancer dans la culture du café à Kinshasa ? Réponse : l’orgueil. « L’agriculture pour moi, c’est plutôt une histoire de passion, explique Tisya Mukuna. Je faisais pousser tout un tas de choses, des orangers, des citronniers. Et puis, un jour, j’ai essayé de faire du café. Tout le monde me disait que cela ne pouvait pas pousser à Kinshasa, et comme je suis têtue, je me suis dit que j’allais essayer. »
Voilà comment un plaisir d’enfance devient une aventure agro-industrielle. Dans la région du mont Ngafula, aux portes de Kinshasa, là où l’air est plus léger et le soleil moins violent, Tisya Mukuna déniche quelques hectares. Une dose de volonté, un soupçon de chance, le regard bienveillant d’un vieil oncle. Et le tour est joué : « Au départ, j’ai fait les expériences avec un vieil oncle à moi qui était agronome. Il m’a donné des pistes, il m’a trouvé mes premières semences. Et après, j’ai beaucoup cherché sur internet. Je me suis inspirée du Vietnam par exemple. »
« Un plan d’action très clair »
Mais Tisya Mukuna n’est pas du genre à se contenter de surveiller ses champs. « Grâce à ma formation scolaire et académique, j’ai pu créer une marque, trouver des partenaires, poursuit-elle. J’avais un plan d’action très clair, et là, ce sont vraiment mes études qui m’ont aidée, parce que j’ai décidé de contrôler ma chaine de valeur pour pouvoir contrôler aussi toute la qualité de mes produits. »
Après trois années à récolter le café et accumuler des stocks, elle lance son produit en 2021. Tisya Mukuna transforme en or tout ce qu’elle touche, affirment ses admirateurs. Elle est née avec une cuillère en or dans la bouche, pourraient rétorquer les jaloux. Ce n’est pas si simple. Fille de l’entrepreneur Georges Mukuna ayant fait fortune dans le pétrole, elle n’a jamais demandé ni reçu l’aide de son père. Eric Mukuna, son frère, en témoigne : « Elle a fait tout toute seule. On a quand même une famille nombreuse, avec des ramifications aussi bien dans les secteurs institutionnel, politique et économique. Mais elle a tout fait toute seule. Et ça c’est une grande fierté pour nous qui la voyons grandir depuis maintenant trois ans. Dans la famille Mukuna, s’il y a bien une histoire que l’on aime raconter, c’est celle de ce père qui exige de leurs enfants qu’ils fassent leurs preuves. Pour lui, c’était important que l’on réussisse seul. Alors bien entendu, il nous a permis de faire des études, mais jamais de passe-droits, il déteste cela, et moi par exemple, il ne m’a jamais présenté personne. »
Produit démocratique
Self made woman, plutôt que fille à papa, Tisya Mukuna a néanmoins hérité du gène paternel. Elle ne manque pas une occasion de faire découvrir sa marque. Et la visite du pape François en janvier dernier en fut l’occasion : « On a pu servir le service papal, la presse papale, la presse internationale, la presse locale, le gouvernement, lors de la visite du pape. Il faut savoir que la RDC, il y a quelques années, était l’un des premiers exportateurs de café. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Or, le café est la deuxième marchandise la plus échangée dans le monde, juste après le pétrole. Donc, c’est vraiment un manque à gagner. Nous, on a envie de faire du café une vraie force en agriculture et en économie. »
Tisya Mukuna développe aussi un réseau de vendeurs ambulants qui vont sillonner les quartiers de quatre grandes villes congolaises pour y vendre des dosettes à bas prix. Le café doit rester, selon elle, un produit démocratique.
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Article à lire sur Tisya Mukuna, la reine du café kinois https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-economie-le-portrait/20230324-tisya-mukuna-la-reine-du-cafe-kinois ?
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