Par Moïse Musangana
En attendant la marche projetée pour ce samedi 20 mai afin de mobiliser les Kinois contre la vie chère et l’insécurité généralisée dans le pays et signer de ce fait-même son ancrage dans la capitale, le quatuor de l’opposition constitué de Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Augustin Matata et Delly Sesanga semble être en panne d’’imagination pour dresser la communauté aussi bien nationale qu’internationale contre la machine Félix Tshisekedi, déjà en ordre de bataille pour les élections générales de décembre 2023. En témoigne la requête formulée à travers sa lettre à la Directrice générale du FMI de voir son institution procéder à l’audit des fonds décaissés en faveur de l’Etat congolais, et cela comme si ce dernier en était une succursale ou un auxiliaire. Souffrant d’ancrages sociologiques et éprouvant d’énormes difficultés pour gagner la population à sa cause, le quatuor pète les plombs. Il est ainsi au bout du rouleau.
En date du 10 mai 2023, Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo et Delly Sesanga ont trempé leur plume au vitriol dans une lettre à Kristalina Georgieva, Directrice générale du FMI, formulant le vœu de voir cette institution de Bretton Woods, de même que la Banque mondiale et la BAD, diligenter un audit sur l’utilisation des ressources allouées au titre de la FEC (Facilité élargie de crédit) et de tous les décaissements effectués en faveur de la RDC et, notamment, des ressources gérées par le BCECO. Le quatuor cite ainsi pêle-mêle les fonds décaissés par la Banque mondiale dans le cadre du Covid-19, USD 1,57 milliard du FMI (de décembre 2019 à décembre 2022 : USD 368,4 millions en décembre 2019, USD 363,27 millions en avril 2020, USD 216,9 millions en juillet 2021, USD 212,3 millions en décembre 2021, USD 203 millions en juin 2022 et USD 203 millions en décembre 2022), USD 142 millions de la BAD en 2020 au titre d’appui budgétaire et USD 435 millions de la Banque mondiale, dont USD 250 millions au titre d’appui budgétaire et USD 185 millions au titre d’appui à la gratuité de l’enseignement en RDC. Ils évoquent de manière vague d’autres déboursements faits par la BM dans l’exécution de plusieurs projets sectoriels, sans les indiquer ni en donner la hauteur des financements.
Pour des raisons de transparence totale dans l’utilisation de ces ressources extérieures, le quatuor demande que les résultats et les conclusions de cet audit soient publiés en vue d’édifier le peuple congolais et les pays membres sur la gestion des finances publiques en RDC. Présageant même de l’issue de cet audit, il invite d’ores et déjà les gouvernements membres du FMI, de la BM et de la BAD à s’impliquer pour que les financements aillent désormais exclusivement dans la lutte pour l’éradication de la pauvreté et le développement du Congo.
Démarche rocambolesque, absurde, insensée, irrationnelle, irresponsable et indigne
Certes, les Congolais appellent de tous leurs vœux à la bonne gouvernance afin de mettre le pays, qui croule encore sous le poids de la corruption et autres antivaleurs, sur la rampe de développement. Mais, la démarche du quatuor Katumbi, Fayulu, Matata et Sesanga est pour le moins rocambolesque, absurde, insensée, irrationnelle et irresponsable. Elle est indigne des gens qui aspirent à des hautes responsabilités à l’issue des élections de décembre 2023, dans la perspective de prendre le gouvernail du bateau RDC pour le sauver des eaux troublantes et l’amener à bon port.
A n’en point douter, la lettre écrite à la Directrice générale du FMI est à la limite un torchon. C’est avant tout un mélange de genres : si la destinataire se trouve être la Directrice générale du FMI, elle s’adresse aussi à la Banque mondiale et à la BAD, au point de se demander si le FMI régente aussi les deux dernières institutions ou si les trois institutions ont le même objet social. C’est à se demander si elles vont faire une association momentanée dans le cadre de l’audit sollicité par les quatre opposants congolais.
Auditer quoi ?
Les dénonciations, somme toute calomnieuses, faites par les quatre challengers contre Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo à la présidentielle de décembre 2023, sont à la limite farfelues. Elles sont incohérentes, non sourcées, non précises, faites sur fond d’ignorance.
L’on parle des fonds décaissés par la Banque mondiale dans le cadre du Covid-19, sans en déterminer la hauteur, ni donner la moindre indication sur le montant détourné et sur les services présumés détourneurs. Aussi le quatuor fait-il allusion à USD 185 millions de la Banque mondiale au titre d’appui à la gratuité de l’enseignement fondamental en RDC. Rien d’aussi faux que cela, dans la mesure où le premier décaissement de USD 100 millions annoncé à cet effet par la Banque mondiale a été suspendu.
En effet, la BM avait annoncé en juin 2020 l’approbation d’un financement d’un montant total de USD un milliard en faveur de la gratuité de l’enseignement fondamental, projet phare du gouvernement. Sur base des données produites par le Ministère de l’EPST (Enseignement Primaire, Secondaire et Technique), un premier décaissement de USD 100 millions fut envisagé six mois plus tard. Mais, ce financement fut suspendu à la suite des manquements (faiblesses dans les contrôles internes, fraudes et détournements de fonds publics) révélés par les enquêtes de l’IGF.
Et en dépit de la volonté de renouveler l’engagement au profit de la gratuité de l’enseignement manifestée en novembre 2021 par Hafez Ghanem, vice-président de la Banque en charge de l’Afrique orientale et australe, lors de sa visite de travail à Kinshasa, la Banque mondiale, sauf disposition contraire non révélée, n’est pas encore revenue sur sa décision. Donc, les USD 180 millions dénoncés n’auraient pas été décaissés. A l’issue de l’entretien avec le président Félix Tshisekedi à l’occasion de sa visite, le haut cadre de la Banque avait plutôt annoncé, pour un montant de USD 250 millions, un appui au nouveau programme de démobilisation, désarmement et réinsertion dans trois provinces du pays en proie à l’insécurité, à savoir Ituri, Nord-Kivu et Sud-Kivu. Il est donc à noter que les USD 250 millions dont question, non encore déboursés à ce jour, n’ont jamais été envisagés au titre d’appui budgétaire.
Par ailleurs, s’agissant du FMI, il faut faire la part des choses afin d’éviter la confusion. De 2019 – année de la reprise de la coopération suspendue depuis 2012 à la suite d’un contrat jugé opaque conclu entre la Gécamines et Straker International, un groupe américain basé aux Iles Vierges – à ce jour, le Fonds a consenti des décaissements à divers titres : USD 370 millions en décembre 2019 au titre d’un nouveau programme pour lequel il y eut plusieurs revues, USD 365 millions au titre d’aide d’urgence pour faire face à la situation inquiétante de l’économie nationale congolaise exacerbée par l’apparition de la pandémie du coronavirus et la résurgence des deux autres épidémies, à savoir la maladie à virus Ebola et la rougeole, et USD 1,52 milliard non encore entièrement épongé à la faveur d’un accord triennal conclu le 15 juillet 2021 au titre de la FEC (Facilité Elargie de Crédit).
Cet accord permit le décaissement immédiat d’environ USD 216,7 millions en juillet 2021 pour renforcer les réserves internationales de la RDC. Les deuxième, troisième et quatrième décaissements de l’ordre respectivement de USD 212,5 millions en décembre 2021, USD 203 millions en juin 2022 et USD 200 millions en octobre 2022 l’ont été après les première, deuxième et troisième revues jugées concluantes en septembre 2021, mai 2022 et octobre 2022. Le cinquième décaissement d’un montant de USD 200 millions est attendu fin juin 2023, la quatrième revue intervenue en mai 2023 étant également déclarée concluante. Ce qui va faire au total USD 1,032 milliard sur l’enveloppe de USD 1,52 milliard envisagée au titre de la FEC. Mais en attendant l’approbation, fin juin, de la quatrième revue par le Conseil d’administration du Fonds, les décaissements réalisés à ce jour au titre de la FEC sont de l’ordre de USD 832, 2 millions.
La RDC n’est pas une filiale, ni une auxiliaire du FMI, de la BM et de la BAD
La RDC n’est pas une filiale, une auxiliaire, et encore moins sous-tutelle du FMI, de la BM et de la BAD. C’est un Etat souverain dont les trois institutions sont ses partenaires multilatéraux avec lesquels elle est liée par des accords. Sur base de quels principes et textes peuvent-elles auditer les ressources mises à sa disposition ?
A la limite, le non-respect des accords peut conduire à la suspension de la coopération comme ce fut le cas en 2012 avec le FMI. La démarche de la BM dans le dossier relatif à la dissolution du FSRDC (Fonds Social de la RDC) constitue également une illustration. Dans sa lettre au ministre congolais des Finances, le groupe de la BM dit prendre acte de la décision du gouvernement congolais, mais regrette de n’avoir pas été associé au préalable. Il n’envisage pas un audit au sujet de USD 91 millions avancés dans le cadre des projets PRVBG (USD 2 millions) et STEP (USD 89 millions), mais fait plutôt savoir que ces montants sont en attente de justification.
Ainsi qu’il se dégage, le quatuor Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo et Delly Sesanga s’est engagé dans une démarche politicienne visant à charger négativement et gratuitement le régime Félix Tshisekedi plutôt que dans la quête d’une voie devant mener à la bonne gouvernance. Les données prises en compte laissent à désirer, tant leur incohérence, imprécision, notamment, sont patentes et sautent aux yeux au premier abord.
Comment un ancien premier ministre, de surcroît professeur d’économie, peut-il se comporter de la sorte, foulant ainsi aux pieds la science, les règles d’usage, voire l’éthique ? Passe encore pour Martin Fayulu, qui n’a pas d’expérience en matière de gestion de la Res publica et, encore moins Moïse Katumbi qui n’y pige pas grand-chose. Moralité : quand on est poussé essentiellement par la haine et la diabolisation de ses adversaires politiques, on pète les plombs et on se laisse emporter par l’irrationalité.
« Pasi eleki » et « Insécurité eleki » : des slogans creux
Afin d’accrocher les populations aux fins d’un ancrage socio-politique face à la machine USN (Union Sacrée de la Nation) qui ratisse large et qui est résolument en ordre de bataille pour la réélection du président Félix Tshisekedi, le quatuor s’est employé à exploiter les conditions d’existence difficiles des Congolais en ce moment, ainsi que la situation d’insécurité qui sévit principalement à l’Est, situation amplifiée par l’agression rwandaise sous couvert du M23. Ce qui est traduit à travers deux slogans, à savoir « Pasi eleki », « Insécurité eleki », entendez « la souffrance a dépassé les limites », « l’insécurité a atteint son paroxysme ».
De son Katanga natal, Moïse Katumbi a, pour vouer aux gémonies le gouvernement, exploité la pénurie de la farine de maïs à Lubumbashi, à la base de la montée vertigineuse du prix de cette denrée alimentaire de base, dont le prix d’un sac de 25 kg était passé de 25 000 FC (11 $ US) à plus de 100 000 FC (50 $ US). Le président de « Ensemble » et du TP Mazembe retrouvait ainsi ses allures de 2006 à travers son slogan fétiche « farine de maïs » à son retour d’exil de la Zambie où il avait fait saisir les cargaisons des minerais de la Gécamines pour des créances fictives, dixit son acolyte d’autrefois Muyambo. Il était relayé ailleurs dans le pays par ses trois compagnons qui ont embouché la trompette pour crier à l’incompétence du gouvernement, sur fond de détournement des ressources de l’Etat au détriment des populations qui broient du noir.
Mais, seulement voilà, outre le fait que la corruption, ainsi que certaines antivaleurs cultivées depuis les années Mobutu et Kabila, ont encore la peau dure, malgré les efforts entrepris pour les éradiquer, compromettant de la sorte la gouvernance du pays, il y a la pandémie du Covid-19, la guerre russo-ukrainienne et la guerre d’agression du Rwanda qui ont mis à l’épreuve l’économie congolaise.
Point n’est besoin de rappeler que le Covid-19, avec le confinement qui s’en était suivi, avait ralenti l’économie mondiale, au point que les pays nantis avaient dû mettre en jeu des milliers de dollars américains pour maintenir à flots leurs économies. A titre d’exemple, les USA avaient injecté, sous Trump et Biden, USD 5 mille milliards, à raison de USD 3100 milliards pour le premier et USD 1900 milliards pour le second. L’Allemagne avait déboursé 750 milliards d’euros et la France 650 milliards d’euros. La RDC avait élaboré un plan de USD 2,61 milliards qui n’avait pas, du reste, été financé, faute de bailleurs ; les bailleurs traditionnels étant eux aussi ébranlés.
La situation de la RDC avait été dramatique, au point que l’informel, constituant plus de 60 % de l’économie nationale, s’est trouvé laminé du fait du confinement et de la fermeture des frontières nationales. Pour un pays sans réserves suffisantes en devises, tourné vers l’extérieur et qui dépend en grande partie de l’exportation des minerais, dont les commandes et les prix avaient chuté sensiblement, il n’y avait pas de miracle à faire. Par contre, la RDC s’est montrée résiliente.
Après le Covid-19, qui n’a pas encore dit son dernier mot, et dont les conséquences se font toujours sentir, la guerre russo-ukrainienne fait parler d’elle avec comme corollaires l’inflation des produits alimentaires de base et la cherté de l’énergie qui n’épargnent pas même l’Europe. Les USA ont connu une inflation de 6 %, tandis que la France et le Royaume Uni, entre autres, ont frôlé la barre de 10 %. Il y a près de deux mois, les Londoniens ont battu le pavé pour protester contre la vie chère, alors que les salaires sont restés stationnaires. Il y a deux semaines, le gouvernement allemand a décidé d’aller au secours de l’industrie allemande asphyxiée par le prix élevé de l’énergie.
Le problème est donc global, même s’il se pose sur des échelles de valeurs différentes. Sur la radio Top Congo, la question posée à Olivier Kamitatu par le talentueux Christian Lusakueno de savoir quelle alternative propose Moïse Katumbi, était demeurée sans réponse. Il avait plutôt renvoyé l’opinion à leur programme en instance de rédaction, faisant savoir qu’ils sont pour le moment à l’écoute des désidératas du peuple !
Outre ces deux fléaux, la guerre d’agression de la RDC par le Rwanda via le M23, que Moïse Katumbi et ses compagnons se réservent de dénoncer, n’est pas une partie de plaisir pour l’Etat congolais. Et Olivier Kamitatu de dire que leur « silence » à ce sujet est dicté par le fait qu’ils ne veulent pas jeter de l’huile sur le feu. Pourtant, ils accusent Félix Tshisekedi d’être de collusion avec Paul Kagame, à qui il aurait même vendu le pays.
Cette agression rwandaise n’est pas une partie de plaisir pour le gouvernement congolais. Elle engloutit suffisamment des ressources, qui auraient dû être consacrées, notamment, au financement des investissements et des projets de développement.
L’argument d’Olivier Kamitatu selon lequel cette guerre était terminée depuis 2013, et que c’est Félix Tshisekedi qui a contribué à sa relance suite à des accords signés et non révélés avec son frère Paul Kagame, est-on ne peut plus saugrenu, cocasse, bouffon, risible, voire comique. La situation d’insécurité à l’Est du pays ne date pas de l’avènement au pouvoir de Félix Tshisekedi. Elle dure depuis près de trente ans, sous des prétextes fallacieux du Rwanda, qui vient de révéler le véritable mobile qui l’anime, à savoir revisiter la conférence de Berlin. Ces prétentions de Kigali sur les terres congolaises n’ont pas été non plus dénoncées par le président du TP Mazembe.
Quand bien même la guerre était terminée en 2013, Olivier Kamitatu n’est pas en mesure de dire quel rôle joueraient tous ces infiltrés par brassage et mixage au sein de l’armée, dont un Rwandais fut propulsé à la tête. La question de savoir en combien de temps Moïse Katumbi pourrait mettre au point l’armée afin de cesser avec l’amateurisme qui la caractérise sous Félix Tshisekedi et chasser les militaires rwandais de la RDC n’avait pas non plus reçu réponse de la part d’Olivier Kamitatu. Il relativisa en notant que toutes les questions ne requièrent pas des solutions militaires.
Il va sans dire que les slogans scandés par Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo et Delly Sesanga sont creux. A part des diatribes à l’endroit du président Félix Tshisekedi et de son régime, ils n’ont pas d’alternative à proposer aux Congolais. Ils n’ont pas non plus d’ancrages socio-politiques solides pour inquiéter le leader de l’UDPS et Autorité morale de l’USN en rapport avec les joutes électorales de décembre 2023.
En effet, Moïse Katumbi n’a pas de fief électoral à proprement parler. Il flotte dans l’ancien Katanga depuis le découpage de celui-ci en quatre morceaux où règnent des roitelets qui n’ont rien à voir avec lui et qui ne se reconnaissent pas non plus en lui. Aussi, il n’est pas évident que l’ancien président de la République, très susceptible, puisse le soutenir au nom de la réconciliation katangaise avec le dossier de la nationalité qui lui colle à la peau.
Après avoir détruit son capital acquis par procuration au nom de Lamuka lors des élections de 2018, Martin Fayulu n’est que l’ombre de lui-même. A la suite du divorce d’avec Adolphe Muzito, Lamuka n’est plus qu’une coquille vide et son parti, l’ECIDE, reste un parti de seconde zone, sans emprise même sur la capitale. Ses tournées dans la Mongala et la Tshopo ont reflété sa dimension en vraie grandeur.
Delly Sesanga se distingue par un verbe haut et sa base s’étend concrètement aux médias et aux réseaux sociaux.
Enfin, Augustin Matata Ponyo, qui se replie sur la ville de Kindu, qu’il a dotée de certaines infrastructures, dont l’Université Mapon, est à la recherche d’une étoffe politique pour échapper à l’affaire Bukanga Lonzo, qu’il traîne tel un boulet à se pieds. Pour avoir dirigé le BCECO (Bureau Central de Coordination), même en tant que premier ministre, il ne devra pas non plus échapper à l’audit sur les fonds gérés par cet organisme. Les livres du BCECO portent des traces des financements de certains équipements de l’Université Mapon.
AFRIWAVE.COM via www.lequotidienrdc.com (https://lequotidienrdc.com/avec-leur-lettre-au-fmi-katumbi-fayulu-matata-et-sesanga-petent-les-plombs-par-moise-musangana/)