Faillite du Groupe de presse Média 7 et le journal Le Potentiel, la fin d’une époque !

Le Potentiel et la fin d’une histoire. Contrairement à ses confrères Elima et UMOJA de la belle époque de démocratisation dans les années 1990 qui ont disparus avec les décès de leurs éditeurs propriétaires, c’est du vivant de son fondateur Modeste Mutinga Mutuishayi que le journal Le Potentiel a annoncé la fin de ses parutions papier comme celle online.

C’est une simple note d’information datée du 28 décembre 2023 adressée aux membres du personnel du Groupe de presse Média 7 et signée son Président Fondateur qui l’annonce sans autre forme de procès.

« Je saisi cette occasion pour vous signifier la fin de parution de vos publications (le Potentiel papier et le Potentiel Online) pour des raisons de contraintes financières devenues insurmontables. Dans le même ordre d’idées, la Radio 7 et la Télé 7 sont dans les mêmes conditions de faillite. Etant donné que ces médias audio-visuels ont des équipements à préserver, ils sont appelés à déménager pour occuper des locaux aux couts abordables qui seront dorénavant prises en charge par leurs propres productions afin d’éviter les situations désastreuses connues dans le passé. Il y a lieu de tirer toutes les conséquences qui découlent des mesures ci-haut indiquées » peut-on lire.

Des réactions multiples…

La faillite annoncée du Groupe de presse Media 7 n’a pas laissé indifférents les professionnels du secteur, enseignants en communication comme journalistes. Des réactions multiples et d’indignations se sont répandues sur les réseaux sociaux de la part de ceux qui ont connu ce media ou y ont travaillés.

Pour Raymond Luaula, ancien Secrétaire de Rédaction au Groupe de Presse UMOJA de Léon Abel Robert Moukanda Lunyama, « L’Internet et les réseaux sociaux ont changé les époques. S’y adapter dans des pays pauvres comme le nôtre où la majorité du peuple n’a pas de pouvoir d’achat et où les médias n’ont pas de soutien public organisé est plus que compliqué. Surtout qu’il est très difficile de rentabiliser le travail et d’en vivre véritablement ».

Claude Buse renchérit pour marquer cette fin dans la douleur d’une « époque, d’une ère, d’une institution » en soulignant le fait que « le propriétaire est ministre. Objectif atteint. Il peut dormir en paix. Il erre dans les allées de conquête de pouvoir plutôt que d’un lectorat hypothétique ». Et de taper encore là où ça fait mal : « La presse écrite EN RDC ne meurt pas à cause d’Internet. C’est la faillite du modèle économique axé sur le coupage. Aucune idée du client. Absence de qualité, de feedback. On se fout de ce que pense le lecteur… potentiel. La maison n’a pas de feuille route, pas de projet. Et le produit est médiocre en termes de qualité de papier, écriture, analyse, illustrations… Le journaliste n’informe pas. Il COMMUNIQUE son opinion. L’espace presse est un champ de bataille entre plumitifs embarqués… Mal payés, beaucoup de journaleux ont trouvé la voie dans le Web pour la visibilité et le matolo. On a déporté le logiciel… ».

Claude Buse conclut que même en Occident, « La même problématique de l’avènement ou de l’intrusion de Internet dans la presse se pose autrement. Avant Internet le journal a subi la loi capitaliste de rachat des médias par des industriels et le contrôle de la publicité qui désertait déjà les médias traditionnels à cause des médias gratuits (modèle économique). Dans ces pays-là 99% des étendues ont accès à Internet, à l’électricité, aux transports… L’information est substantielle. Ici chez nous L’information est marginale. Elle n’intéresse que ceux dont on parle et qui paye pour ça. Le modèle économique est double. Matolo pour ceux qui passent les commandes. Chantage contre les victimes. Dès que le gros poisson a payé, c’est fini. Le patron de presse cherche un espace dans la politique. Le journaliste nourrit son carnet d’adresse pour son pain. Ou pour se faire embarquer comme attaché de presse ou un simple mercenaire. Comme les patrons de presse étaient des caïmans, beaucoup de journalistes ne vont dans les médias et les utilisent à leurs propres fins (gagnant-gagnant). Si le propriétaire gagne dans sa visée politique et relationnelle avec les chancelleries, le journaliste tire son épingle du jeu pour sa survie au jour le jour. Le media n’évolue pas. La stagnation perdure. Il n’y a aucune viabilité. Du mercenariat du patron et de son sous-fifre. Internet vient de permettre aux journalistes de produire sans coût. Il peut directement traiter avec la clientèle. Comme hier, il n’y a que l’argent qui compte. Qualité, rigueur, valeur ajoutée… connaît pas. C’est le clic, le scoop, la visibilité qui compte. Et comme hier, avec un public chaque jour réduit. L’enjeu étant cependant de viser les larges horizons. Aujourd’hui encore, pour ce qui est de la RDC, l’opinion nationale, régionale, continentale et internationale se réfère encore à RFI, TV5, F24, JA, Aljazeera… Et même nos autorités réservent l’exclusivité à ces médias. Sauf quelques cas exceptionnels où on va à Actualite.cd, Top Congo, Okapi… ».

Didier Mbuyi Mitovelli souligne un autre fait non de moindre : « Finalement, la presse écrite congolaise n’a jamais vu venir Internet… Ce média qui est venu condenser tous ceux qui l’ont précédé jusque-là… Presse imprimée, radio, cinéma, TV ! C’est pourquoi il revendique le statut de unimédia ou multimédia ! Pourquoi aller à la Grande Poste ou au rond-point Victoire chercher les journaux alors qu’on a sur la Toile les mêmes informations ou presque avec en plus un luxe de détails ! À cela s’ajoute le double phénomène de photocopillage (il consiste à photocopier une édition recherchée par les lecteurs et la vendre deux voire trois fois moins) et de lecteurs au dos courbé (ils prennent connaissance de la Une des journaux, mais n’achètent rien ! Koma, teka, tokosomba te !), lequel a sérieusement mis en difficulté la presse imprimée de Kinshasa… Aussi Internet vient il ébranler le fondement même du journalisme, ce métier de médiation… En effet, entre l’information ou la source d’information et le public, s’installe le journaliste ! Or, depuis Internet, le public peut jouer le rôle de journaliste… Celui-ci a fini par perdre le monopole de l’information… Le modèle économique des journaux kinois aurait dû être repensé avec l’explosion des TIC… Hélas ! Est-ce donc la fin des journaux ? Pas si sûr surtout dans les pays occidentaux où il n’y a pas mieux que la presse imprimée pour la dénonciation des scandales, l’approfondissement des dossiers, … Internet se prêtant plus à l’infox, au photomontage et autres bidonnages ! ».

Le comble dans cette catastrophe celui qui se promet de Président Fondateur fut président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSAC) durant des années avant de devenir Sénateur de la République pour être actuellement ministre du gouvernement. Modeste Mutinga Mutuishayi a semblé plus se préoccuper de sa carrière politique qu’il a oublié ses collaborateurs qui ont fait son existence et son nom avec le journalisme. Triste fin hélas en se demandant à quel autre organe de presse sera le prochain tour !

Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi  

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Rédaction

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