C’est à un exercice inédit auquel s’est livré le Chef de l’Etat Congolais Félix Tshisekedi depuis son accession au pouvoir en 2019 en soirée du jeudi 22 février 2024. Sous la modération de son ministre de Communication et Médias, porte-parole du gouvernement démissionnaire Patrick Muyaya Katembo ; il a répondu aux questions des journalistes de son pays longtemps par lui « boudés » au profit de ceux des médias internationaux.
Dans ce face-à-face sans tabou sous mode relax, Félix Tshisekedi a abordé tous les aspects liés à la vie du pays. De la politique à la sécurité en passant par la justice et le social de la population, rien n’a été laissé de côté. Ici notre condensé de la Communication du Président de la République dans son « Briefing spécial » de la soirée du jeudi 22 Février 2024 dans le Studio de la Radiotélévision nationale RTNC.
Réélu triomphalement à la tête du pays le 20 décembre 2023 pour un second et dernier mandat avec 73 % des suffrages, Félix Tshisekedi est encore une fois revenu sur le malentendu qui semblait gagner l’opinion à propos à propos de sa « décision controversée » de confier les « affaires courantes »au gouvernement démissionnaire dès lors que 28 de ses membres sont également devenus des élus nationaux ou provinciaux à l’instar du premier ministre Sama Lukonde Kyenge à l’Assemblée nationale.
D’entrée de jeu sur la hausse vertigineuse du coût de la vie face à la flambée du dollars américain fa e au Franc Congolais ; le Chef de l’Etat en a appelé au patriotisme national de tous pour veiller à la protection de la valeur de la monnaie nationale, le gouvernement devant faire ce qui est de son devoir.
Le viol de la Constitution
« Je n’ai pas l’impression d’avoir violé la Constitution. J’ai regardé la stabilité de mon pays, les responsabilités qui sont les miennes à veiller à ce que la nation continue de tourner normalement, sans difficulté. C’est ça ma priorité. Je suis guidé par un seul idéal : le salut du peuple, c’est la loi suprême. Et en tant que Chef de l’État, je crois être le mieux placé pour observer et comprendre où est le salut du peuple ».
Evoquant l’article 110 de la Constitutionqui stipule que lorsque« le Premier ministre démissionne, il expédie les affaires courantes, immédiatement après », Félix Tshisekedi a justifié ne pas vouloir mettre « le pays en difficulté et dans une situation de fragilité sur le plan sécuritaire, diplomatique, financière et même budgétaire sans oublier le front diplomatique sur lequel le pays est actuellement déployé ».
Et pour éviter les abus, « c’est-à-dire qu’il y en ait qui mange au gouvernement et à l’Assemblée nationale, on a dit que les suppléants s’occupent de chauffer les sièges pendant que les ministres sont au gouvernement pour continuer leur travail » précise-t-il avant de conclure sur ce point qu’il a « besoin d’un pont entre ce gouvernement sortant et celui entrant. Nous avons des dossiers importants, hyper sensibles que nous ne pouvons pas attribuer à un ministre qui se retrouverait avec 4 ou 5 portefeuilles. Comment allaient-ils faire même en ayant les meilleures équipes qui soient dans ce laps de temps ? ».
A lire aussi : RDC-URGENT : Le Gouvernement Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge démissionnaire https://www.afriwave.com/2024/02/20/rdc-urgent-le-gouvernement-jean-michel-sama-lukonde-kyenge-demissionnaire/
Du futur gouvernement
Le Président Tshisekedi espère recevoir un rapport préliminaire de « l’informateur » par lui désigné en la personne d’Augustin Kabuya Tshilumba dès cette fin de semaine : « Ce que je vous promets de faire, c’est d’immédiatement après désigner un formateur qui pourrait aussi devenir Premier ministre. Si l’informateur m’apporte sa copie ce week-end, le (la) formateur (trice) sera désigné (e) dès le lundi prochain ».
Sur la future majorité, le Chef de l’Etat qu’il voudrait stable, Félix Tshisekedi explique que « tout le monde ne jouera pas le même rôle, tout le monde ne jouera pas les premiers rôles, tout le monde ne sera pas ministre, tout le monde ne sera pas Directeur Général » malgré toutes les ambitions au sein de sa plateforme de l’Union Sacrée de la Nation qui ne lui font pas peur : « c’est inhérent à la vie politique, on ne vient pas en politique pour se positionner simplement ; on y vient aussi parce qu’on a un rêve, des ambitions et c’est tout à fait légitime de les avoir ».
La sécurité dans l’Est, négociations avec le M23 et probable guerre contre le Rwanda
La question sécuritaire dans l’Est du pays avec une probable guerre contre le Rwanda auront été le point focal de la soirée tellement cette situation perdure depuis 30 ans déjà. En champion de la bonne entente et de la paix entre les Etats, le président Félix Tshisekedi, qui a pris part la semaine dernière, à Addis-Abeba en Éthiopie, au mini-sommet des Chefs d’État sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC, a réaffirmé « ne pas vouloir aucune négociation directe avec le M23, mais des discussions franches et sincères avec le Rwanda via son président Paul Kagamé, parce que c’est lui l’agresseur de mon pays ».
« Je ne lui dois rien, il ne me doit rien. Mais il doit simplement m’expliquer pourquoi il s’acharne à massacrer injustement mes compatriotes de cette manière depuis autant d’années et pourquoi il continue à piller les ressources minières et autres tel que le café Congolais. Je peux vous certifier que le M23 n’est pas Congolais, voilà pourquoi ils refusent d’aller au cantonnement pour qu’on ne découvre pas leur vraie identité ; le M23 n’est qu’une coquille vide, un pantin du Rwanda » s’est-il exprimé sur un ton désolant.
Raison pour laquelle Félix Tshisekedi et la RDC en appellent à des sévères sanctions contre le Rwanda. Les États-Unis, l’Union européenne et, depuis mercredi, la France ; ont tous reconnu et dénoncé le soutien du Rwanda au groupe rebelle M23, qui sévit dans l’Est de la RDC. Cette reconnaissance internationale de l’implication rwandaise dans le conflit armé qui ravage la région depuis trois décennies reste une étape importante pour les autorités congolaise. A elle seule, elle ne suffit pas à mettre fin au soutien rwandais au M23 ; mais plutôt des sanctions plus fermes à l’encontre de Kigali.
Félix Tshisekedi en a profité pour revenir sur sa critique sévère du fameux protocole d’entente entre le Rwanda et l’Union Européenne signé le 19 février 2024 entre le Rwanda et l’Union européenne sur les chaînes de valeur durables pour les minerais stratégiques tels que le coltan. Une manière pour l’Europe « d’encourager le pillage des ressources congolaises par le Rwanda et qui va à l’encontre des efforts affichés de l’UE pour contribuer à la résolution de la crise à l’Est de la RDC ».
La diplomatie congolaise avait déjà souligné que le Rwanda n’est pas un pays producteur de minerais stratégiques : « Les enquêtes du Parlement congolais, des groupes d’experts de l’ONU et des organisations non gouvernementales nationales et internationales ont établi qu’à travers de multiples réseaux mafieux et des sociétés-écrans montées par ses dirigeants, le Rwanda tire ces minerais et autres matières premières stratégiques de la République démocratique du Congo qui en regorge en abondance » expliquait le ministre des Affaires Etrangères Christophe Lutundula.
Pour le président Tshisekedi, cet accord n’est qu’une « provocation de très mauvais goût. C’est de l’imposture, tout le monde sait que le Rwanda n’a même pas un gramme de ces minerais dits critiques dans son sol. Ce pays ne les transforme même pas, il les exporte et touche des dividendes sur le sang de nos compatriotes. Et ça, c’est inacceptable. Parce qu’avec le produit de ces ventes illicites, ils vont équiper leur armée pour continuer leur expédition aventureuse en RDC ». Et il promet d’entamer « des actions diplomatiques et même judiciaires pour empêcher cette ignominie inexplicable ».
Et une pique pour fustiger la complicité de cette Union européenne dans la tragédie congolaise : « Ce donneur des leçons qui voulait venir surveiller nos élections pour dire qui a gagné, qui a perdu ; qui nous donne, à longueur des communiqués des leçons sur le respect des Droits de l’Homme et qui prêche maintenant par le plus mauvais exemple qui soit. Heureusement, j’ai été très content d’apprendre qu’il y a des États dans cette Union européenne qui sont contre » cet accord signé avec le Rwanda.
Justice et presse
La dernière question aura été accordé à Jean-Marie Kassamba, président provincial du syndicat des journalistes de l’Union de la Presse du Congo (UPC) et patron de la chaine de télévision privée Télé 50 qui a plaidé pour la libération du journaliste Stanys Bujakera incarcéré depuis près de 4 mois dans un dossier judiciaire aux contours flous.
« Croyez-moi, notre justice est malade. Je crois que ce journaliste est victime d’un peu de ça. J’ai vraiment décidé d’y mettre mon nez. Je n’aime pas faire ça. Mais je vous le dis solennellement, j’ai décidé, dès demain, de fouiner mon nez dans cette affaire » a promis Félix Tshisekedi à la corporation. Il en est de même de son accompagnement du futur Congrès de la presse.
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi