C’est en référence à cette date du 23 mars 2009 que fut créé, en mai 2012, le « Mouvement du 23 Mars » (également appelé « M23 ») qui était essentiellement composé d’ex-rebelles du CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) réintégrés dans l’armée congolaise, mais qui avaient estimé que le gouvernement congolais n’avait pas respecté les clauses de l’accord de mars 2009.
L’Accord du 23 mars 2009 était le résultat de longues et âpres négociations menées tour à tour à Nairobi et à Goma, et le point d’orgue de plus de deux ans de guerre au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. L’accord fut signé à Goma sous la double facilitation d’Olusegun Obasanjo (ex-Chef de l’Etat nigérian, Envoyé spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour les Grands Lacs) et Benjamin William Mkapa (ex-Chef de l’Etat tanzanien, représentant l’Union africaine et la CIRGL).
L’Accord de paix comportait 16 articles articulés autour de plusieurs principaux points, dont « La transformation du CNDP », « La libération des prisonniers politiques du CNDP », « L’érection du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en zones sinistrées », « La réforme de l’armée et des services de sécurité », « La prise en charge par le gouvernement des blessés de guerre, des veuves et orphelins des ex éléments du CNDP ».
Dans les lignes qui suivent, je retrace la genèse de la guerre du CNDP jusqu’à la signature de l’Accord du 23 mars 2009.
Tout part d’avril 2003, lorsque le Gouvernement congolais, sous la houlette du Président Joseph Kabila, signe avec l’ensemble des protagonistes de la crise congolaise, « L’Accord Global et Inclusif sur la Transition en RD Congo », qui consacrait le partage du pouvoir entre tous les protagonistes. Joseph Kabila conservait son poste de Président de la République, et il fut secondé par 4 Vice-présidents issus de la partie gouvernementale (Yerodia Ndombasi), de l’opposition politique (Z’Ahidi Ngoma) et des deux principaux mouvements rebelles (Ruberwa pour le RCD-Goma et Jean-Pierre Bemba pour le MLC).
L’accord prévoit également la mise en place d’un Etat-major général unifié composé des militaires en provenance de la partie gouvernementale, d’anciens mouvements rebelles et des combattants Maï-Maï. C’est la naissance d’une nouvelle armée : les FARDC (Forces Armées de la République démocratique du Congo).
En août 2003, le Président Joseph Kabila met en place l’Etat-Major Général Unifié : 31 officiers issus de l’ancienne armée (Forces Armées Congolaise FAC) et des armées des mouvements rebelles sont nommés. Le Lieutenant Général Liwanga Mata Nyamunyobo (issu du gouvernement de Kinshasa) fut nommé Chef d’Etat-Major Général des FARDC. Il était secondé par 4 adjoints, parmi lesquels 2 étaient issus des deux principaux mouvements rebelles : le Général de Brigade Bahuma Ambamba (du Mouvement de Libération du Congo – MLC) qui avait la charge des opérations et le général de brigade Malik Kijege (du Rassemblement Congolais pour la Démocratie – RCD/Goma) qui était responsable de la logistique. Par ailleurs, le Général Major Sylvain Buki (RCD) devint Chef d’état-major de la force terrestre, la force navale fut confiée au Général Major Dieudonné Amuli Bahigwa (du MLC), alors que la force aérienne était sous le Général Major John Numbi (issu de l’ex armée gouvernementale). C’est là que va se jouer l’Acte 1 de ce qui deviendra, quelque 3 ans plus tard, la rébellion du CNDP.
Le Général de Brigade Laurent Nkunda Mihigo et les colonels Elie Gichondo et Erick Ruhorimbere, tous rwandophones et anciens éléments de la rébellion du RCD-Goma, nommés respectivement Commandant de la région militaire du Nord-Kivu et Commandants adjoints des régions militaires du Sud-Kivu et de Bandundu, vont refuser de faire le déplacement de Kinshasa où des sessions de mise à niveau étaient organisées, avant leur déploiement dans leurs nouvelles zones.
Pour eux, Pour lui, l’accord de paix signé à Prétoria n’a traité que de la question du partage du pouvoir à Kinshasa, sans vraiment résoudre les problèmes du Kivu, et surtout l’épineuse question de la sécurité des rwandophones. Le 3 février 2004, le Chef-d ‘Etat-Major Général des FARDC va les poursuivre devant la Haute Cour Militaire pour « indiscipline et refus d’ordre ».
« Nous ne savons ce qu’ils sont restés faire à Goma… Nous constatons logiquement qu’ils ont continué des activités de rébellion par rapport à l’ordre établi », dira le Lieutenant-Général Liwanga Mata Nyamunyobo en ce temps-là. Très vite, le Lieutenant-Général Liwanga va remplacer les 3 réfractaires par 3 autres officiers, dont deux rwandophones : le Général Obed Ruhibasira et les colonels Jules Mutebutsi et Ciro Nsimba seront respectivement nommés au commandement des régions militaires à Goma, à Bukavu et à Bandundu. C’est là que le Général de Brigade Laurent Nkunda va décider de quitter Goma, avec une centaine de soldats, pour ouvrir son maquis dans son Masisi natal.
En juin 2004, Laurent Nkunda fait de nouveau parler de lui. Pendant qu’à Bukavu le colonel Mutebutsi (Munyamulenge) occupe la ville, Nkunda et ses hommes quittent Masisi et prennent la route de Bukavu. Ils prêteront main forte à Mutebutsi et occuperont la ville pendant quelques jours pour, selon eux, éviter un génocide des Tutsis Congolais.
Nkunda finit par se retirer de Bukavu, après des négociations menées par la MONUC (mission onusienne). Ils se replient de nouveau dans leur Masisi natal. En août 2005, il s’observe un certain malaise au sein des FARDC. Plusieurs soldats, anciens de la rébellion du RCD-Goma, vont déserter leurs positions dans le Nord et Sud-Kivu pour rejoindre les forces de Laurent Nkunda dans les forêts du Masisi. Ce sera la naissance du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) qui se dote d’une branche politique et d’une branche armée. Plusieurs localités du Rutshuru seront occupées par le CNDP.
En 2007, au nom de la paix, le Gouvernement de Kinshasa accepte de signer un accord avec Laurent Nkunda : sous l’influence de la communauté internationale, on accepte le principe de mixage, par lequel tous les éléments du CNDP sont automatiquement associés aux FARDC, tout en restant dans leurs fiefs dans le Kivu. C’est à ce moment-là que plusieurs officiers rwandophones prennent le contrôle des principales unités de l’est du pays :
Intégrer les éléments du CNDP dans l’armée régulière et les laisser dans leurs zones aura été une erreur monumentale. Le Président Joseph Kabila le reconnaîtra lors de sa tournée à Goma en 2012, après avoir défait le M23. Dans un rassemblement avec les forces vives de la province du Nord-Kivu à l’hôtel Cap Kivu, il dira que si c’était à refaire, le Gouvernement congolais n’aurait jamais accepté ce mixage.
Vers la fin 2008, plusieurs analystes du Congo disent que Laurent Nkunda a commencé à inquiéter également le Rwanda, son parrain. Il fallait se débarrasser de cet élément qui devenait de plus en plus encombrant, et surtout qui ne répondait plus aux injections qui lui étaient faites. On va alors susciter une sorte de mutinerie au sein même du CNDP.
Bosco Ntaganda, numéro 2 du mouvement, va annoncer, le 22 janvier 2009, avoir démis Laurent Nkunda de ses fonctions. Ntaganda prend alors la tête du mouvement et un rapprochement rapide va s’observer entre les 3 parties : le Gouvernement congolais, le Rwanda et Bosco Ntaganda. Ce dernier, malgré un mandat d’arrêt lancé à son encontre par la CPI en 2006, sera de nouveau « fréquentable ». C’est là qu’intervient, le 23 mars 2009, à Goma, la signature d’un nouvel Accord entre les éléments du CNDP (désormais conduits par le Général Bosco Ntaganda) et le Gouvernement congolais (représenté par son ministre des Affaires Etrangères, Raymond Tshibanda).
Consulter l’Accord du 23 mars dans son intégralité ici : peacemaker.un.org/sites/peacemak…
Avril 2012, plusieurs éléments des FARDC en poste dans l’Est du pays, dont nombreux sont d’anciens combattants du CNDP et du RCD, lancent une mutinerie. Cette mutinerie est principalement lancée à Uvira et à Fizi, avant qu’elle n’atteigne d’autres unités dans le Nord-Kivu. Après avoir échoué à prendre le contrôle d’Uvira et de Fizi (Mamadou Ndala et Delphin Kahimbi y étaient à l’oeuvre), ces unités se donnent rendez-vous dans le Nord-Kivu : c’est la naissance d’une nouvelle rébellion qu’ils appelleront « Mouvement du 23 Mars (M23) ».
Pour eux, trois ans durant, le Gouvernement congolais n’a pas respecté les clauses de l’accord signé à la date du 23 mars 2009. Le M23 parvient à occuper plusieurs localités dans les territoires de Rutshuru et Masisi, et même la ville de Goma en novembre 2012. Mais un an après (novembre 2013), une offensive musclée conduite par l’armée congolaise, appuyée surtout par des éléments tanzaniens et sud-africains de la Brigade d’Intervention de la MONUSCO, met à bout toutes les tentatives du M23. Les dernières positions qu’occupait le M23 à Chanzu et à Runyonyi (à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda) sont conquises par l’armée congolaise. Le 5 novembre 2013, 1.600 combattants du M23 se rendent aux autorités ougandaises.
Dix ans vont s’écouler, sans qu’on ne parle presque plus du M23. Les responsables politiques et militaires du mouvement (dont Bertrand Bisimwa et Bosco Ntaganda) resteront terrés en Ouganda. Il faudra attendre l’avènement du Président Félix Tshisekedi à la tête de la RD Congo, et son rapprochement avec le Rwanda, pour que la question du retour d’ex-combattants M23 soit de nouveau remise sur la table. Certains éléments du M23 auraient même été invités à Kinshasa pendant plusieurs mois. Novembre 2021, le M23 refait de nouveau surface sur le sol congolais, en occupant certaines localités du territoire de Rutshuru.
Pour ceux qui s’intéressent de près sur le sujet, quelques éléments de précision qui me sont passées par la tête :
Le M23 qui a pris Goma en novembre 2012 n’est pas le même qui est battu militairement un an plus tard, en novembre 2013 (du moins en termes de composition militaire). En effet, après que le M23 a quitté pacifiquement Goma en fin 2012, une guerre fratricide va naître au sein du mouvement. Deux ailes vont s’opposer, suite à des désagréments internes.
Il se peut que le mouvement subît une forte pression, à cause de la présence dans ses rangs du Général Bosco Ntaganda, recherché par la Cour Pénale Internationale (CPI). D’ailleurs, officiellement, Bosco Ntaganda ne dirigeait plus le M23, et n’en était pas membre. Makenga (poulain de Bosco Ntaganda en ce temps-là) en était le chef militaire, pendant que le Pasteur Jean Marie Runiga dirigeait la section politique.
Peu avant l’offensive foudroyante de la coalition FARDC et Brigade d’intervention de la MONUSCO, le Général Bosco Ntaganda est déjà en prison, à la Haye. En effet, il avait perdu son duel militaire avec le Général Makenga, duel au cours duquel les troupes du M23 s’étaient divisées en deux : le groupe conduit par le Colonel Baudouin Ngaruye et le Pasteur Jean Marie Runiga se réfugie au Rwanda, tandis que le groupe conduit par Sultani Makenga et Bertrand Bisimwa va se réfugier en Ouganda.
La nature de ce conflit interne est probablement liée aux événements de quelques années auparavant (vers 2009), lorsque les ex-CNDP avaient intégré les FARDC dans le processus de mixage. Le Général Bosco Ntaganda, qui était devenu le chef militaire du mouvement après avoir défait Laurent Nkunda, sera accusé par ses pairs de favoritisme envers les Tutsis de Masisi. Pour ceux qui s’intéresse à la communauté Tutsi du Nord-Kivu savent pertinemment qu’il existe une sorte de rivalité entre les Tutsis de Masisi (Abagogwe) et les Tutsis de Rutshuru (Abanyejomba). Ce sont ces frustrations qui mèneront à cette guerre interne (très intense d’ailleurs) au sein du M23 en 2012.
Quand les FARDC lancent l’offensive vers novembre 2013, ils font face à un mouvement qui est déjà affaibli. De l’autre côté, la forte pression américaine prive le Rwanda d’intervenir, en appui à l’aile du Général Makenga restée en activité. Mais il faut noter aussi la dynamique interne dans la communauté Tutsi du Rwanda et du Congo qui avait fini par rejeter totalement le mouvement car ceux qui étaient sur le terrain les avaient déçus, à cause de ces luttes internes entre les « Abagogwe » et les « Abanyejomba ». On leur reprochait le fait de n’avoir pas pu rester cohérents et unis. Je dois toutefois préciser que cette précision ne réduit en rien la victoire militaire du gouvernement congolais en novembre 2013, appuyé par la Brigade d’intervention de la MONUSCO contre le M23. Mais ça vaut la peine aussi de raconter toute l’histoire.
Autre chose : le rôle de l’Ouganda. En effet quand Makenga est battu militairement fin 2013, il fuit en Ouganda. Il est désarmé et mis dans un camp, sous le contrôle des UPDF. Makenga finit par rentrer en RDC vers la fin 2017. Comment fait-il pour quitter l’Ouganda avec des munitions et troupes armées pour aller se cacher dans les montagnes volcaniques du Nord-Kivu ? Jusqu’en début 2021, quand il y a lune de miel entre les Présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, l’essentiel des troupes qui se battent dans ce « M23 rénové » sont tous issus de l’aile Makenga et étaient en Ouganda. C’est l’Ouganda qui leur fournît armes, nourriture, médicaments… Les troupes battues par Makenga lors de la fraction au sein du mouvement en fin 2012 ne rejoignent le « M23 rénové » qu’en 2022, notamment lorsque leur Commandant, Baudoin Ngaruye, fait le déplacement vers la RDC.
Je pense sincèrement, à mon humble avis, qu’il est important pour les Congolais de bien comprendre les dynamiques autour des mouvements armés dans l’Est du pays, les communautés de l’Est du pays, les dynamiques politiques au Nord-Kivu, la nature de la relation des Congolais rwandophones avec le Rwanda (beaucoup d’entre nous qualifient tout Congolais rwandophone de « rwandais »), les dynamiques internes au sein de la communauté Tutsi du Nord-Kivu, etc. Très peu d’entre-nous s’intéressent à ces aspects, d’où nos errements lorsqu’il s’agit de penser froidement sur les conflits dans l’Est de la RD Congo.
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