Plus d’un an depuis la nomination de Vincent Karega comme son nouvel ambassadeur à Bruxelles, le régime rwandais et son chef Paul Kagame trépignent d’impatience qui vire à la colère et à la frustration du fait du refus gouvernement belge de l’accréditer.
« Le Rwanda n’enverra pas d’autre ambassadeur à Bruxelles que Vincent Karega, dont la Belgique a refusé l’an dernier l’agrément sans donner d’explication claire », assène le dictateur rwandais dans son interview accordée au journal parisien Jeune Afrique. Et pour justifier son coup de sang, Kagame voit dans cette décision belge « la main de la République démocratique du Congo » qu’il tente d’accuser dans sa hantise.
« Lorsqu’il s’est agi de changer d’ambassadeur à Bruxelles, nous avons décidé d’y envoyer Vincent Karega. D’autant qu’il est très au courant de la situation, puisqu’il a déjà été ministre des Affaires étrangères, et qu’il connaît bien l’Europe et Bruxelles. Au bout d’un certain temps, Bruxelles nous a dit qu’il ne souhaitait pas l’accréditer, et qu’il fallait envoyer un autre ambassadeur. Lorsque nous avons demandé des explications, on nous a raconté des histoires sur ce qu’il s’était passé lorsque Vincent Karega était ambassadeur en Afrique du Sud. Ce à quoi nous avons répondu que, puisque cela ne l’avait pas affecté lors de sa mission en RDC, cela ne devrait pas avoir d’incidence sur sa nomination en Belgique. Nous avons demandé (aux Belges) de nous expliquer ce qu’il en était en réalité, mais leur réponse n’a été en rien satisfaisante, il n’y a pas d’explication claire » explique le chef d’Etat rwandais.
Désigné par son gouvernement pour remplacer Dieudonné Sebashongore, nommé ambassadeur en juillet 2020 à la tête de ce qui est le plus important service diplomatique du Rwanda sur le continent européen, Vincent Karega n’aura jamais rejoint son nouveau poste alors qu’il venait d’être déclaré persona non grata et expulser de Kinshasa le 30 octobre de la même année au plus fort des tensions entre la RDC et le Rwanda.
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Même si la ministère belge des Affaires étrangères n’a jamais fait aucun commentaire officiel sur le refus d’octroyer l’accréditation diplomatique à Vincent Karega, officieusement on sait l’ancien ministre des Affaires étrangères rwandais devenu diplomate traîne une réputation sulfureuse depuis qu’il avait été ambassadeur en Afrique du Sud. En 2014, il avait dû faire face aux accusations répétées de Pretoria qui affirmait que des diplomates rwandais étaient impliqués dans des attaques et des persécutions contre des opposants rwandais réfugiés dans le pays.
De leurs côtés, la diaspora congolaise et les opposants rwandais en Belgique critiquaient par ailleurs la venue de Vincent Karega à la tête de la plus grosse ambassade rwandaise en Europe. Cet élément supplémentaire pourrait expliquer le refus de la Belgique de l’accréditer.
Le fait le plus grave lors du mandat de Vincent Karega fut notamment l’assassinat du général rwandais Patrick Karegeya, ancien chef des services secrets rwandais dont le corps avait été retrouvé le 02 janvier 2014 dans l’hôtel « Michelangelo » à Johannesburg. Tutsi né dans le camp de réfugiés rwandais à Mbarara en Ouganda en 1960 et jadis très proche de Kagame, cet officier était devenu son poil à gratter comme son farouche opposant.
Des indiscrétions racontent qu’il avait été éliminé justement parce qu’il détenait beaucoup de secrets sur les nombreux crimes de guerre et crime contre l’humanité commis par Paul Kagame. Parmi ces crimes figurait la planification par Kagame du génocide rwandais de 1994 dont Karegeya s’apprêtait à livrer les preuves accablantes à la justice française.
Il faudrait également ajouter l’assassinat d’un autre tutsi-rwandais devenu opposant en la personne de Camir Nkurunziza, ancien garde du corps de Kagame reconverti en simple chauffeur de taxi abattu dans sa voiture le jeudi 30 mai 2019 dans la ville de Cape Town en Afrique du Sud. Cette mort avait fait réagir à Kigali, notamment l’ancien ministre des Affaires Est-Africaines Olivier Nduhungirehe, pour qui Nkurunziza était un terroriste en exil ; « Criminel un jour, criminel toujours », avait-t-il déclaré sur Twitter. Mais aussi et surtout de la tentative d’assassinat contre un autre général tutsi rwandais Kayumba Nyamwasa le 19 juin 2010 qui l’avait échappé de belle en pleine coupe du monde toujours en Afrique du Sud.
Natif du Congo à Walikale, dans la province du Nord-Kivu où il a vu le jour, Vincent Karega autrefois connu comme « Zaïrois » ne serait officiellement devenu Rwandais qu’en 1995 ; un an après la prise par la force du pouvoir à Kigali de Kagame et son Front Patriotique Rwandais (FPR) au lendemain du 04 avril 1994. Son passage comme ambassadeur en RDC avait aussi été controversé, il fut à maintes reprise accusé de nier le rôle du Rwanda dans les massacres de civils dans l’Est du Congo en 1998.
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Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi et TSHIKUYI TUBABELA