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Il y a 30 ans mourrait le Président Juvénal Habyarimana à Kigali

Depuis le début de ce mois d’avril, le Rwanda et Paul Kagame commémorent à leur manière le 30ème anniversaire de la tragédie rwandaise de 1994 avec les massacres de près de 800.000 tutsis et 200.00 hutus modérés.

Dans la suite, près de 10 millions des Congolais sont morts dans l’indifférence totale de la communauté internationale. Au nom de la poursuite des présumés interhamwés génocidaires contre sa communauté tutsie, Kagame et son armée avec la complicité de certains pays occidentaux se livrent sans aucun état d’âme aux tueries les plus abjectes depuis 30 ans.

Sans parler de sa responsabilité personnelle et sans courage sur la nécessité de « regarder le passé en face », le maître de Kigali continue de culpabiliser la communauté internationale avec la France en tête de gondole qui « aurait pu arrêter le génocide ». Par la même occasion, Kagame continue de justifier son invasion de l’Est de la RDC par ses supplétifs terroristes dits M23 dans une guerre d’exploitation et de rapine des matières premières du sous-sol congolais dont le coltan et l’or.

www.afriwave.com publie ici un autre regard d’un rwandais victime qui a vécu cette tragédie y compris dans sa chair. Il s’agit de Jean-Luc Habyarimana,fils de feu président Juvénal Habyarimana assassiné par le FPR de Kagame à Kigali le 06 avril 1994. Ce récit se trouve sur son compte X (ex-Twitter), le titre et sous-titre étant de notre Rédaction.

La Rédaction

Par Jean-Luc Habyarimana

Il y a 30 ans, le 03/04/1994, mon père, Juvénal #Habyarimana, et moi passions les derniers moments seuls entre père et fils. A 18 ans, j’étais loin de me douter que je passais mes derniers instants seul avec lui.

Pour recontextualiser les choses, les accords de paix d’Arusha venaient d’être signés en août 1993. Suite à la pression de plusieurs pays occidentaux, ces accords octroyaient 50% de l’armée ainsi que 1/3 du gouvernement et du parlement au #FPR.

La période de transition prévue par les accords devait aboutir à des élections générales. Or, les atrocités que le FPR commettait depuis 1990, laissaient présager avec que ce dernier n’avait aucune chance de gagner les élections.

En effet, après sa défaite du 30/10/1990, face à l’armée rwandaise (ex-FAR) appuyée par l’armée de l’ex-Zaïre (actuel #RDC) envoyé en soutien au peuple frère agressé, le FPR a changé de stratégie et s’est réorganisé en guérilla. Une de leur stratégie a été de massacrer des milliers de paysans innocents et ainsi vider les zones sous leur contrôle, jusqu’à ce qu’on arrive à plus de 1 million de déplacés fuyant le FPR, rendant ainsi la situation d’autant plus explosive dans le pays.

Notre père qui tenait absolument à ce que ses enfants effectuent les 2 premiers cycles d’études dans des écoles publiques rwandaises, avait fini par nous envoyer, ma sœur et moi, étudier en Égypte en 1993 après avoir été informés par plusieurs services de sécurité étrangers sur l’intention du FPR de nous enlever pour faire pression sur lui.

C’est dans ce contexte qu’en arrivant au #Rwanda pour les vacances de Pâques 1994, nous avons trouvé des habitudes complètement changés. Nous qui avions l’habitude d’aller à l’école ou rendre visite à des amis avec juste un chauffeur, nous retrouvions désormais contraints de nous déplacer avec plusieurs gardes du corps chacun, donnant notre destination préalablement pour l’envoi d’une équipe d’avance.

Ces mesures sécuritaire contraignantes ne rendaient malheureusement plus nos sorties agréables, ce qui nous poussait à rester plutôt à notre résidence privée de Kanombe.

C’est alors que ce 03/04/1994 nous sommes partis pour un cours séjour à Gisenyi avec nos parents. Ma mère, ma sœur et nos cousins ont pris la route en premier avec un convoi conséquent pour les raisons de sécurité.

Mon père et moi avons ensuite pris la route à notre tour avec son escorte. Nous étions juste deux dans la voiture durant ces 3 heures de trajet, lui au volant, moi en fidèle accompagnateur, friand des conversations avec ce père aimant mais dont les occasions de passer des moments privilégiés avec nous devenaient rares à cause de la situation d’alors.

Nous avons alors eu des conversations entre un père dont la joie d’avoir une autre occasion de transmettre ses valeurs se lisait sur le visage, et un fils qui avait cette soif permanente d’apprendre de son modèle de père.

Une grande partie de nos échanges ce jour-là m’anime encore aujourd’hui.

Arrivés à Gisenyi, nous avons retrouvé ma mère, ma sœur et mes cousins qui nous avaient précédé, et nous sommes alors rendus chez des amis de nos parents qui avaient organisé un déjeuner en présence d’autres amis.

Avait également été convié le représentant personnel du SG de l’ONU et chef de la #MINUAR, le diplomate camerounais Jacques-Roger Booh-Booh.

Au cours de ce déjeuner, M. Booh-Booh fera une confidence à mon père dans ces termes : « M. le président, Paul #Kagame m’a dit qu’il va vous éliminer physiquement ».

Cette confidence faite par le patron de la mission de l’ONU chargée de ramener la paix à l’adresse du président qui a assuré la plus longue période de paix que le Rwanda n’ait jamais connu était pour moi la première preuve que Kagame est un véritable homme de terreur et de désolation.

Dans 3 jours, nous reviendrons sur la suite de ce qui s’est passé, 30 ans après que le FPR et son chef n’aient décidé de suivre la voie de l’abîme et plonger le Rwanda et toute la région des Grands Lacs dans la désolation

Après ce week-end chargé en émotions, je m’incline encore une fois devant la mémoire des victimes de l’attentat terroriste du #6Avril94, ainsi que devant celle de toutes les victimes du génocide qu’a connu le #Rwanda, sans distinction d’ethnie ni d’origine.

Commémorer la mémoire de nos proches et faire son deuil ne devrait pas être du domaine réservé. Une vie humaine vaut une autre vie humaine, sans distinction d’appartenance géographique, sociale, raciale ou ethnique. Cependant, au Rwanda seule une ethnie a le droit de rendre hommage et pleurer les victimes de son appartenance.

Le pouvoir du Front patriotique rwandais (#FPR) édulcore de façon maligne sa politique en déclarant que les ethnies n’existent plus et que tout le monde est rwandais. Mais lors de la commémoration de ces événements qui ont endeuillé l’humanité toute entière, les autorités font réapparaître opportunément les ethnies et seul une d’entre-elles a le droit de citer, au point qu’oser déclarer avoir perdu des êtres chers d’une autre ethnie ou honorer leur mémoire vous envoie directement en prison si ce n’est vous faire disparaître.

À l’extérieur des frontières du Rwanda, dans une terreur organisée, des trolls du régime actuel de #Kigali dégainent systématiquement des insultes sur les réseaux sociaux pour s’en prendre à ceux qui osent rappeler ces crimes du FPR. Je n’aurais de cesse de rappeler qu’à partir du 1er Octobre 1990 et après la date du 6 Avril 1994, les hommes du FPR ont fait des millions de victimes au Rwanda et en #RDC, dont les familles n’ont aucun espace pour pleurer les leurs. Affirmer cela n’est en aucun cas nier que des tutsis ont été tués de par leur appartenance ethnique.

Ces pratiques de hiérarchisation des victimes sont indignes d’un pouvoir qui se targue d’avoir réconcilié le peuple rwandais et ne sont rien d’autre qu’un #ApartheidMémoriel dont certains pays partenaires du Rwanda se font complices en reprenant le narratif du pouvoir rwandais, et en ignorant les millions de victimes du FPR.

En Occident, seuls les États-Unis ont le courage de ne pas se faire manipuler par ce chantage mémoriel qui voudrait que le génocide rwandais n’ait fait que des victimes d’une seule ethnie, comme l’atteste le message de réconfort et de soutien que le secrétaire d’Etat @SecBlinken a adressé au peuple rwandais tout entier et dont il faut saluer.

Ce droit à être reconnu comme victime que le pouvoir du #FPR ne veut pas reconnaître à une partie de la population rwandaise est malheureusement entrain de se répercuter sur le peuple congolais qui compte plus de 12 millions de victimes mais semblent n’émouvoir personne parmi ceux qui laissent #Kagame poursuivre son œuvre macabre, et qui ont pourtant la capacité de l’arrêter.

Si nous voulons léguer aux générations futures une histoire basée sur la justice mémorielle, il est du devoir de tout un chacun de combattre cet #ApartheidMémoriel et ainsi éviter une frustration dangereuse qui pourrait caractériser une majorité du peuple qui n’a pas le droit de pleurer et commémorer ses victimes.

L’élément déclencheur

Ce #6Avril94 je perdais un père, mais le peuple rwandais perdait un protecteur et garant de l’unité nationale, et la #RDC (à l’époque #Zaïre) perdait un rempart. Ce qui interpelle, c’est le silence de la communauté internationale sur cet attentat que même l’#ONU qualifie d’élément déclencheur du #GénocideRwandais car aucune internationale n’a été diligentée, et le combat des familles pour que justice soit rendu n’a jamais été soutenu par les États. Il y a quelques années, un chef d’État ami à mon père me dira : « mon fils, si ton père et le président burundais n’étaient pas africains, il y aurait eu une enquête internationale ». Cette phrase d’impuissance d’un chef d’Etat africain ne doit pas être une fatalité. Les consciences doivent toutes se réveiller afin de faire nôtre le combat pour la vérité et la justice, et mettre un coup d’arrêt à l’écriture de notre histoire par d’autres.

Le chemin de l’exil

Ce jour-là, le 9 avril 1994, je quittais mon pays le #Rwanda, évacué avec ma mère et une partie de ma famille par l’armée française. 3 jours auparavant, je vivais le pire jour de ma jeune existence. Ce #6Avril94 fut le jour où je devenais orphelin de père, de la pire manière que l’adolescent de 18 ans que j’étais ne pouvait imaginer.

Ce jour-là mon père s’est rendu tôt le matin à Dar es Salam en Tanzanie, pour un sommet sur la paix au #Burundi. Sur les coups de 20h30, mes cousins Aimé et Eric et moi-même sortions de piscine quand nous avons entendu le bruit de l’avion qui amorçait son atterrissage pour le retour. Notre résidence privée de #Kanombe se trouvant dans l’axe de la piste de l’aéroport, l’avion s’apprêtait à passer au-dessus de nous.

Nous avons alors aperçu le Falcon 50 de la présidence du Rwanda par ses lumières à travers les arbres de notre jardin. Soudain, nous avons vu une grosse trace lumineuse qui partait de la colline voisine de #Masaka, au Sud-est de notre résidence, et une forte détonation s’en suivit. L’avion mis alors les pleins gaz et changea de trajectoire.

En une fraction de seconde, un autre projectile lumineux parti quasi du même endroit que le premier, et cette fois-ci l’avion fut touché et pris feu. Tout de suite après, il explosa en plein ciel, et les débris en feu s’échouèrent dans notre jardin. Plus tard, mes deux cousins me diront que je me suis écrié en appelant Papa. C’est ainsi que j’ai vu mon père nous être arraché atrocement de mes propres yeux. Avec des militaires de la garde nous avons alors commencé à chercher les corps.

Au sol, nous trouvions éparpillés des morceaux de chair humaine, certains encore brûlants. L’odeur du kérosène qui se mélangeait à celle de chair humaine qui se consumait était insupportable. C’était une scène d’horreur. J’ai mis plusieurs années pour que ma mémoire olfactive s’en détache. C’est dans ces circonstances que nous avons trouvé les premiers corps, jamais entiers, sans possibilité de les identifier.

Soudain, à la lueur d’une lampe torche, un soldat s’écria « le Général ! » Nous nous sommes alors tous précipités et avons trouvé le corps de mon père allongé dans une plante fleurie de son propre jardin. J’étais comme anesthésié par cette scène d’horreur où je voyais le corps de mon père inerte, et autour de moi les militaires de la garde se sont tous mis à lui donner un salut d’adieu, certains en sanglot et d’autres complètement perdus.

C’est alors qu’une conscience que je ne m’explique encore aujourd’hui m’a emmené à prendre un appareil photo pour immortaliser ce que nous vivions. C’est ainsi que j’ai pris la seule photo du corps de mon père et toutes les photos des autres corps et des morceaux de la carlingue de l’avion. De tous les corps, celui de mon père était le seul à pouvoir être reconnaissable par le visage. Pour les autres corps, il a fallu chercher les pièces d’identité dans leurs vestes, ou, comme ce fut le cas pour le président #Ntaryamira du #Burundi, demander à la famille la couleur du costume ou de la cravate.

Je suis alors retourné à l’intérieur de la maison retrouver ma mère qui priait dans la chapelle avec mes deux sœurs et mes cousines, et je lui ai dit que nous venions de trouver le corps de Papa. Mes cousins, les militaires et moi avons alors transporté tous les corps dans la chapelle ardente que ma mère et les filles venait de dresser dans le séjour principal de notre maison. Mon père placé au centre, son jeune frère et homologue burundais à ses côtés, et leurs compagnons d’infortune avec eux.

Ce jour-là, onze autres familles rwandaises, burundaises et françaises, devenaient orphelines comme nous. Au-delà de cette considération personnelle, cet attentat fut le déclencheur de la pire tragédie que l’humanité ait connu dans le 20ème siècle, et les conséquences se font encore sentir aujourd’hui avec la désolation que fait subir le pouvoir de #Kagame au peuple congolais.

 

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