Les élections des sénateurs et des gouverneurs des provinces ont démontré encore une fois qu’elles se résument à une affaire de gros sous. Le dévoiement de ces scrutins indirects par tous les protagonistes, que ce soit les électeurs (députés provinciaux), les candidats ou les partis politiques, soulève la question du rôle central que joue la corruption dans ces enjeux électoraux, qui concernent non moins que la gestion de notre avenir à travers la gouvernance de nos provinces et le contrôle parlementaire. Deux fonctions décisives dans une démocratie.
Monnayer son vote ou payer pour se faire élire sont devenus des réflexes banalisés, des évidences qui sont intégrées dans notre inconscient collectif comme étant la nature même des mœurs politiques.
Autant dans les scrutins directs on agite souvent la corde tribale, au point qu’un non originaire d’une province n’a pratiquement aucune chance d’être élu, autant dans les scrutins indirects c’est généralement aux plus offrants que vont les suffrages.
Le député provincial, unique électeur indirect consacré par la constitution, considère son mandat, gagné dans des joutes électorales où tous les coups sont permis, comme un investissement à amortir. Pour cela les émoluments et avantages qu’offre sa fonction ne suffisent pas. Un spermatozoïde qui a réussi à percer l’ovule au milieu d’une multitude de concurrents mérite mieux que ça !
Quant aux candidats, ils ont conscience qu’il faut peser lourd financièrement pour pouvoir satisfaire la boulimie des postulants nouveaux riches. Penser autrement est une naïveté qui ferait rire dans les chaumières.
Ces pratiques, désormais ancrées dans notre société, ont également une autre conséquence grave : elles favorisent les détournements des fonds pour assurer un refuge immun à ceux qui sont dans les institutions de la république, sans parler des retraites dorées ou du népotisme familial…
Oui, la république entretient bien ses officiels, elle offre le gîte et le couvert, assure l’intendance et procure les honneurs.
Tout cela a un prix et vaut bien une entorse à notre conscience : il suffit de payer pour accéder au Graal…
La démocratie censitaire est celle où pour être éligible ou électeur, il faut payer un cens, un impôt qui donne droit à ce privilège, auquel seuls les citoyens suffisamment fortunés peuvent prétendre.
Notre démocratie y ressemble aujourd’hui, elle devient une caricature de celle pour laquelle beaucoup ont lutté avant et après l’indépendance, certains au prix de leurs vies, à l’instar de Patrice Emery Lumumba et ses compagnons ou des combattants pour la démocratie des dernières décennies.
Il est vrai que nous sommes une jeune démocratie qui n’a pas encore atteint pleinement sa maturité. C’est pour cela que nous devons sans cesse corriger, réformer, améliorer pour donner à notre pays l’élan nécessaire à son développement harmonieux.
Devant la panne qui nous bloque avec l’échec dans l’application du scrutin indirect pour les élections sénatoriales et celles des gouverneurs des provinces, il y a deux axes qui se dégagent :
En premier, il s’agirait de passer au scrutin direct pour élire les gouverneurs. Ceci leur conférerait plus de poids et de responsabilité vis-à-vis de la population, alors qu’aujourd’hui ils ne sont surtout redevables que devant les assemblées provinciales, lesquelles les maintiennent parfois sous chantage.
En deuxième lieu, il faudrait élargir le corps électoral des sénateurs à tous les détenteurs de mandats électifs locaux. C’est-à-dire en plus de députés provinciaux, ajouter les conseillers municipaux et communaux.
Un électorat élargi est plus difficile à rendre captif et manipulable à volonté.
Maître Charles Kabuya
Article à lire sur RDC : LA DÉMOCRATIE CENSITAIRE… https://charles-kabuya.blog4ever.com/rdc-la-democratie-censitaire-1