Ils sont actuellement 53 individus à comparaître devant le Tribunal militaire de Kinshasa en audience foraine délocalisée à la prison militaire de Ndolo dans la commune de Barumbu depuis vendredi 07 juin 2024. Eux, ce sont les assaillants du matin de pentecôte 19 mai 2024 contre le domicile du président de l’Assemblée nationale en devenir Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi et le Palais de la Nation, siège de l’administration présidentielle.
Poursuivis pour tentative de déstabilisation du régime au travers d’un présumé coup d’Etat raté, ils sont également accusés « d’attentat, terrorisme, détention illégale d’armes et munitions de guerre, tentative d’assassinat, association des malfaiteurs, meurtre et financement du terrorisme ».
Le cerveau moteur présumé de ce coup fourré des illuminé pieds nickelés Christian Malanga Musumari a été neutralisé pour ne pas dire tué dans des conditions qui restent encore à élucider, quelques autres individus étant tombés devant le domicile attaqué de Vital Kamerhe et sur place au Palais de la Nation.
Mais qui est Christian Malanga Musumari ?
Figure controversée avec un semblant de détermination mal jugée, Christian Malanga était caractérisé par une certaine volonté de transformer radicalement la RDC qu’il voulait voir redevenir la République du Zaïre du nom de l’ancien pays sous le férule du Maréchal Mobutu. Ce natif de Kinshasa la capitale du pays le 02 janvier 1983 se voulait un homme politique et il était le fondateur du parti politique Union Congolaise Unie [United Congolese Party] (UCP) après les élections présidentielle et parlementaires contestées de 2011 auxquels il fut candidat non élu.
Le 17 mai 2017, il proclamait la création d’un gouvernement en exil à Bruxelles, désigné sous le nom de « Nouveau Zaïre », un acte symbolique de son rejet de l’ancien régime en place sous Joseph Kabila et sa volonté de restaurer l’ancienne dénomination du pays, le Zaïre, comme symbole de renouveau.
Son passé renseigne qu’il est un déserteur de l’armée congolaise des FARDC au sein desquelles il avait atteint le grade de Capitaine. Durant son service, il avait occupé des postes importants, y compris celui de commandant d’une compagnie de formation avec la responsabilité de 235 hommes. Selon lui, sa vision pour le pays était basée sur l’instauration d’une véritable démocratie, éradiquer la corruption, et promouvoir le développement socio-économique. Il a souvent exprimé son désir de voir un Congo où les droits des citoyens sont respectés et où la transparence est la norme.
Son programme politique incluait également des réformes fiscales, l’amélioration des systèmes éducatif et de santé, et la privatisation des entreprises d’État. Christian Malanga restera une figure controversée pour certains et une source de déstabilisation pour d’autres. Avec un profil « d’aventurier », a plusieurs casquettes, en plus de la politique, il faisait également du business dans les mines, en RDC mais aussi au Mozambique.
Dans cette aventure sans lendemain où il a entrainé son jeune fils Marcel Malanga dont la mère, ex-compagne du chef de bande réclame le retour à la maison à Salt Lake City dans l’Etat américain de l’Utah dont il est originaire. Mais aussi certains de ses amis américains, reste à savoir si Malanda aurait-il eu d’autres complicités externes et internes ; ce qu’on attend que la justice militaire démontre.
Le cas Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Une autre figure de proue sur la liste des prévenus demeure, Jean- Jacques Wondo Omanyundu ; un ancien diplômé de l’Ecole Royale Militaire de Bruxelles autoproclamé « expert militaire », naturalisé belge aux origines congolaises. Il lui serait reproché une certaine proximité d’avec Christian Malanga, considéré comme le chef présumé des auteurs du coup d’État manqué.
Jadis un proche de Félix Tshisekedi alors dans l’opposition à Bruxelles, Wondo ; frère aîné de feu Serge Welo de l’Ecidé de Martin Fayulu avait finalement rejoint Moïse Katumbi et son parti Ensemble dont il était devenu « Conseiller » avant que leurs routes ne se séparent avant les présidentielles de décembre 2023.
Devenu collaborateur à l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) sur demande de son administrateur, le colonel à la retraite Daniel Lusadisu ; il avait pour mission de participer à la reforme de services. Selon des sources et malgré les divergences politiques et idéologiques entre les deux hommes, l’approbation de Félix Tshisekedi avait été accordée alors que Wondo était devenu un critique acerbe du régime en place qu’il ne manquait pas d’épingler à chacune de ses sorties depuis Bruxelles.
Il se dit que c’est depuis février 2023 après l’inhumation de son frère Serge Welo décédé subitement à Brazzaville que Jean-Jacques Wondo occupait le poste de « Conseiller spécial chargé des réformes » à l’ANR, effectuant régulièrement des allers-retours entre Kinshasa et Bruxelles. Il serait reproché à Wondo une « certaine proximité » avec Christian Malanga, chef présumé des auteurs de la tentative de déstabilisation du pouvoir de Kinshasa que Wondo a rencontré à plusieurs reprises à Bruxelles en Belgique.
Outre Jean-Jacques Wondo, d’autres agents de l’ANR ont également été appréhendés et le n°1 de ce service, le colonel à la retraite Daniel Lusadisu limogé depuis lors remplacé par Justin Inzun Kakiak qui retrouve ce poste qu’il avait déjà occupé de mars 2019 à décembre 2021, avant de devenir ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la RDC au Congo-Brazzaville
Lusadisu et Wondo se sont connus après leur passage respectif à l’Ecole Royale Militaire de Bruxelles où ils avaient été envoyés par les Forces Armées Zaïroises (FAZ) sous le régime Mobutu. Replaçant Jean-Hervé Mbelu Biosha réputé conflictuel, Daniel Lusadisu ; sexagénaire proche du Chef de l’Etat, cardiologue fut un ancien du corps de santé militaire sous le maréchal Mobutu. Il devrait selon son ami Jean-Jacques Wondo « humaniser et professionnaliser » l’ANR.
Sa famille vivant dans la banlieue bruxelloise d’Alost comme certains de ses proches multiplient les interventions pour obtenir son élargissement en mettant en avant sa nationalité belge et le présentant comme une victime de la guerre de « clans » entre les services congolais. Ce qui demeure plus que léger car en acceptant de rentrer travailler pour les mêmes services, Wondo en avait-il calculé les conséquences un jour si les choses tourneraient en mal ? Loin de toutes les influences, c’est à la justice militaire de faire la part des choses en établissant ou non la culpabilité des prévenus et les sentences y avenant.
Pour l’analyste Joseph Emmanuel Bunduki Kabeya, « Cette affaire de coup d’Etat manqué continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Chacun est bien sûr avide de connaître le fin mot de l’histoire et aussi avoir la « confirmation » des allégations répandues à travers les réseaux sociaux congolais. La justice militaire devra dire le droit même si ce procès apparemment prévu pour être public a connu dès son entame des difficultés liées à la qualité de l’interprète et à la mauvaise qualité du son. Il y a des risques de voir l’ensemble du procès remis en cause par ce défaut de traduction correcte qui pourrait faire dire à la défense des accusés que les propos ou aveux attribués à leurs clients d’expression anglaise ne sont pas vérifiés vue la mauvaise qualité de la traduction. Le ministère public doit vraiment veiller à ces petits détails malheureux qui déteignent sur le tout ».
Et de pour suivre : « D’autre part, les arrestations des congolais « binationaux » met en lumière un des effets pervers de cette double nationalité que certains recherchent à tout prix. Ces prisonniers congolais ont été arrêtés comme congolais et sont jugés en fonction des lois de leur pays puisque, pour prendre le cas de Wondo, il est venu, nous le supposons, travailler comme congolais pour la RDC. Si ces binationaux sont condamnés et exécutés selon les lois congolaises, ce sera à qui la faute ? La seconde nationalité doit-elle prendre le pas sur la première ? ».
Joseph Emmanuel Bunduki Kabeya conclut : « Ces cas de figure sont d’excellents sujets sur lesquels les députés doivent sérieusement se pencher et examinant la question sous toutes les coutures avant de faire leur choix. Une fois ce choix fait, il est du devoir du législateur d’informer tous les candidats à la bi-nationalité des risques encourus en cas d’infractions commises sur le sol congolais puisqu’ils seront congolais de plein droit ».
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi
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