Par Jeune Afrique avec AFP et Larissa Samba
Les partenariats économiques et sécuritaires conclus entre Kinshasa et Kampala en 2021 « ont donné à Kigali le sentiment d’être marginalisé et de voir ses intérêts menacés, ce qui l’a poussé à soutenir les rebelles du M23 dans l’est de la RDC », estiment les chercheurs du Groupe d’études sur le Congo.
Une rivalité géopolitique avec l’Ouganda a été la principale cause du soutien du Rwanda à la résurgence, en 2021, de la rébellion du M23 dans l’Est de la RDC, affirment deux groupes de recherche liés à l’université de New York, dans un rapport publié le 6 août.
Pour le Rwanda, le M23 « est surtout apparu comme un moyen d’étendre son influence au détriment de l’Ouganda, son voisin du Nord », assurent les chercheurs du Groupe d’études sur le Congo, basé à l’université de New York, et l’institut congolais Ebuteli.
En 2021, l’armée ougandaise s’est déployée dans le nord-est de la RDC pour assister les forces congolaises contre les rebelles des Forces démocratiques alliés (ADF), affiliés au groupe État islamique.
Les partenariats économiques et sécuritaires conclus entre Kinshasa et Kampala en 2021 ont « contribué à donner à Kigali le sentiment d’être marginalisé dans la région et de voir ses intérêts menacés », et « ce sentiment d’isolement a été l’un des principaux moteurs de son soutien au M23 », assurent les auteurs du texte.
« Le M23 a agi contre les intérêts de l’Ouganda au cours d’une période (novembre 2021-mars 2022) où les relations entre l’Ouganda et le Rwanda étaient encore tendues, avant que ces pays ne trouvent un terrain d’entente et commencent progressivement, à partir d’avril 2022, à soutenir conjointement le M23 », ajoutent-ils.
Résurgence du M23
Kigali estime que la présence, dans l’est de la RDC, des FDLR, un groupe rebelle rwandais formé par d’anciens hauts responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, et réfugiés en RDC depuis, constitue une menace permanente à ses frontières et pour les communautés tutsi établies en RDC.
Mais, « contrairement aux récits du gouvernement rwandais et du M23 selon lesquels la rébellion est apparue comme une riposte au soutien du gouvernement congolais aux FDLR ainsi qu’à la violence et aux discriminations qui frappent les Tutsi, notre rapport suggère que ces dynamiques sont davantage des conséquences que des causes de la résurgence du M23 », notent les chercheurs. « Il n’y a guère de preuves que les violences anti-Tutsi dans le Nord-Kivu aient crû avant la résurgence du M23 », tandis que « la montée en puissance du M23 a renforcé ces tensions ethniques et les discriminations davantage qu’il ne les a empêchées ».
De son côté, le gouvernement congolais a eu recours à des groupes armés étrangers et locaux, qui « recrutent principalement sur une base ethnique, ce qui a aggravé les tensions communautaires et régionales », estiment les chercheurs.
Le Rwanda, allié des Occidentaux
Jusqu’à la fin de 2023, les autorités rwandaises démentaient avoir déployé leur armée aux côtés des rebelles du M23, mais elles ne le contestent plus depuis le début de 2024. Depuis plusieurs mois, les États-Unis, la France, la Belgique et l’UE demandent au Rwanda de retirer ses militaires et ses missiles sol-air du sol congolais et de cesser son soutien au M23 – sans effet jusqu’à présent. « La position du Rwanda sur la scène internationale n’a été que peu affectée par son implication [en RDC]. Sa puissance militaire, qui lui a permis de devenir un allié important des Occidentaux et un acteur-clé du système des Nations unies en Afrique, est certainement l’une des raisons de cette indulgence », concluent les auteurs du rapport.
(Avec AFP)