Par : RFI Avec notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet
Après avoir été déboutées en première instance lors du procès intenté en 2021 contre l’État belge, Monique Bitu Bingi, Léa Tavares Mujinga, Simone Vandenbroecke Ngalula, Noëlle Verbeken et Marie-José Loshi ont fait appel.
Elles font partie des quelque 14 à 20 000 métis enlevés à leur famille pendant la colonisation du Congo. La période concernée porte plus spécifiquement sur l’après-guerre et touche également le mandat colonial sur le Ruanda-Urundi. Les audiences auprès de la cour d’appel se sont tenues lundi 9 et mardi 10 septembre à Bruxelles dans un procès qui va au-delà de la simple demande de réparation. Leurs avocats plaident le crime contre l’humanité, ce que conteste l’État belge.
Léa Tavares Mujinga, Monique Bitu Bingi, Noëlle Verbeeken, Simone Ngalula et Marie-José Loshi ont été séparées de leurs parents quand elles avaient entre 2 et 4 ans et placées de force dans la mission catholique Katende, tenue par des religieuses belges, dans la province du Kasaï, dans l’ex-Congo belge. AP – Francisco Seco
Pour les avocats de l’État, la Belgique de l’époque coloniale finissante considérait indispensable de retirer les enfants métis à leurs mères africaines, car l’abandon par leur père européen les mettait « en danger ». Enlever ces enfants avait donc pour but de leur assurer une meilleure éducation.
Monique Bitu a été enlevée à sa mère à l’âge de quatre ans et selon elle, aucun Métis de la colonisation ne s’est vu offrir une éducation adéquate. « Je ne sais pas ce que l’avocat appelle meilleure éducation. Parce qu’on était là dans un centre et les grandes filles s’occupaient des petites filles. On allait dans la même classe avec tous les autres enfants du village. On ne portait pas de souliers, on marchait pieds nus comme tous les petits enfants du village, on mangeait encore plus mal que les enfants du village. Alors quelle est l’éducation qu’on nous a donnée de plus que les autres ? » déclare-t-elle.
Pour les avocats de l’État, la Belgique se comportait comme toute puissance coloniale de l’époque. Cependant, maître Michèle Hirsch argue que les procès RuSHA, après ceux de Nuremberg, avaient déjà établi les enlèvements d’enfants comme crime contre l’humanité. « Nous avons étayé une politique menée par l’État belge durant la colonisation, qui était vraiment une politique d’horreur visant à éliminer les Métis en s’en prenant aux enfants dès leur plus jeune âge, d’une manière systématique, organisée, qui impliquait en réalité tous les organes de l’État. »
Les juges de la cour d’appel rendront leur arrêt d’ici début décembre.
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