RDC-RWANDA : Affaire Charles Onana contre Kagame devant la justice française [LU POUR VOUS]

Sur les 670 pages du livre de Charles Onana (photo), la juge présidente a commencé par restituer dans leur contexte historique les 19 passages incriminés par la partie civile, illustrant, d’après celle-ci, le déni de génocide ou le négationnisme dont l’écrivain franco-camerounais est accusé. Surtout que ce dernier, citant certes 160 fois le mot génocide, mais le reprend par endroits entre guillemets.

Invité aussitôt à la barre, Charles Onana s’est empressé de signaler à l’attention du Tribunal qu’il n’a « aucune intention, aucune idée de nier le génocide des Tutsis ». Aussi note-t-il non sans humour que son « livre n’est pas un supermarché dans lequel on entre, on prend certaines choses, on en rejette d’autres ! ». Il en appelle donc à une relecture intégrale et globale de son ouvrage…

Du coup, Charles Onana entreprend de battre en brèche les accusations de la partie civile. Cet exercice n’est pas alors sans rappeler la soutenance en 2017 de sa thèse de doctorat dont le livre incriminé est en fait l’adaptation. « Quel est l’intérêt, fait-il remarquer en liminaire, j’ai à nier une affaire qui a eu lieu entre deux communautés, une affaire qui ne me concernait pas ? (…) Je ne suis pas Rwandais, ni Tutsi, ni Hutu et encore moins Twa ; je n’ai pas d’accointance avec le régime précédent ou actuel au Rwanda ! ».

Plus l’accusé poursuit, plus sa thèse apparaît beaucoup plus clairement devant le Tribunal… « Ma démarche consiste à avoir un spectre de compréhension plus large ! ». En analysant les archives de L’Élysée, du Conseil de Sécurité, de la MINUAR, du Département d’État et du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (lequel n’a du reste jamais établi la planification du génocide), il en est arrivé à plusieurs constats. Primo, la stratégie militaire du FPR ne consistait nullement à sauver les Tutsis, mais plutôt à conquérir le pouvoir par la force. « On regarde avec les lunettes du génocide, indique-t-il, au lieu de la conquête du pouvoir par les armes ; ce qui prive de saisir ce qui s’est réellement passé au Rwanda ».

Charles Onana démontre que le FPR n’a jamais tenté de sauver les Tutsis contre les massacres ; bien au contraire il a profité de la vague d’émotion suscitée par ces tueries en masse pour avancer sur le terrain. Thèse confirmée d’abord par le Colonel Luc Marchal, commandant des troupes de l’opération Turquoise secteur Kigali venu à la rescousse de l’écrivain à la barre comme témoin à décharge. Ce dernier a même rappelé sa communication téléphonique avec Kagame au cours de laquelle il lui fit voir le danger auquel étaient exposés les Tutsis, partant les populations civiles ! Il eut pour toute réponse de son interlocuteur : « Pour avoir de l’omelette, il faut savoir casser les œufs !».

Au fait, pour Kagame, indique cet ancien de Kolwezi, « les Tutsis qui sont restés au Rwanda, avaient choisi le camp d’Habyarimana, si ce n’était pas le cas, ils auraient rejoint le FPR ! ». Marchal ajoute : « Ce qui arriverait aux Tutsis de l’intérieur importait peu s’il pouvait atteindre ses objectifs ! ».

Le colonel Marchal conclut sa déposition en ces termes : « La motivation de Charles Onana n’a pas d’autre finalité que la recherche de la vérité, pour rendre justice aux victimes de l’holocauste des Grands Lacs, à toutes les victimes rwandaises et congolaises qu’on essaie de reléguer dans les oubliettes de l’histoire ». Il y a du coup des applaudissements constipés dans la salle parmi les Congolais, et vite la juge présidente intervient sur le ton du rappel à l’ordre, en soulignant « qu’il ne s’agit pas d’un spectacle !».

Ensuite, le commandant de l’opération Turquoise, le Général Jean-Claude Lafougarde, va venir à son tour témoigner un peu plus tard en faveur de Charles Onana pour rappeler « l’obsession d’une conquête du pouvoir par la violence et par les armes ».

À la question de la défense de savoir si la stratégie militaire du FPR consistait à protéger les Tutsis ou à les exposer, Lafougarde va prêcher pour la seconde hypothèse. « M. Onana a déposé plainte contre Kagame qui le menace de mort, faut-il prendre ces menaces au sérieux ? », demande la défense à l’ancien conseiller de Mitterrand… Réponse : « Kagame a pour habitude d’assassiner ses opposants à l’étranger ; même moi j’ai déjà reçu des menaces, ma famille aussi… Si ces gens veulent ma peau, ils l’auront certainement, mais ce sera au prix de la leur ! ». Les Congolais tentent d’applaudir, mais se retiennent vite…

Un investissement plus que congolais

Je me suis longtemps posé la question suivante : comment un Camerounais est-il arrivé à être à ce point sensible (au risque de sa vie) aux massacres à huis clos dans l’Est de la RDC… Cette question essorait mes neurones jusqu’à ce que l’intéressé comparaisse devant la 17ème Chambre correctionnelle du Tribunal de Paris pour « contestation du génocide des Tutsis » …

C’est au hasard d’un voyage à Washington DC à la fin des années 1990 qu’il rencontre un rescapé du génocide au Rwanda du nom de Déo Mushayidi, représentant du Front Patriotique Rwandais (FPR) en Suisse. Ce Tutsi explique à Charles Onana comment il est resté seul au monde après le massacre de toute sa famille, alors toute sa famille ! Du coup, le politologue et journaliste camerounais veut comprendre… Il se résout avec son interlocuteur à enquêter pour démonter la mécanique de ce génocide…

En 2002, Déo Mushayidi publie « Les secrets du génocide rwandais » ! Il sera poursuivi par Kigali pour diffamation. Mais, le jour du procès, aucun émissaire du régime Kagame ne se présente à la barre… Plus tard, interpellé à Nairobi, il sera extradé à Kigali où il croupit, amaigri et le visage émacié, en prison depuis… 14 ans !

En révélant dans plusieurs ouvrages une autre histoire du génocide rwandais, qui n’est pas forcément celle longtemps médiatisée par Kigali, Onana est la cible du régime de Kagame… Et cela arrive même aux Tutsis qui donne une autre version… Au chantre chrétien, Kizito Mihigo, assassiné dans les geôles de Kagame, comme à tant d’autres retrouvés morts à Nairobi, à Dar es Salam ou à Bruxelles !

Au cours du procès de Charles Onana et Editions Toucan, l’écrivain a relevé les liens entre les associations des droits de l’homme qui l’ont attaqué en justice et Kagame en personne (le président de Survie a été même nommé conseiller à la Présidence de la République). En outre, fera remarquer Onana, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) n’a jamais dénoncé l’assassinat de Kizito pas plus que les massacres des Hutus, des Twa et des millions de Congolais à l’Est… « La différence entre la partie civile et moi, indique l’accusé à la Juge présidente, moi j’ai fait venir ici comme témoins les gens qui ne peuvent pas se parler, Tutsis comme Hutus… En revanche, les Tutsis qui ne suivent pas la ligne tracée par le gouvernement rwandais ne sont pas défendues par ces associations ! ».

Après dix ans d’enquête sur les événements survenus dans les Grands Lacs, Onana constate que tout chemin mène à la RDC dont les richesses du sol et du sous-sol représentent l’enjeu principal… Et la stratégie militaire du FPR, au mépris du génocide, consistait principalement à prendre le pouvoir par la violence… Et faire main basse sur ces richesses tout en sous-traitant les intérêts de certaines multinationales ! ■

Images sources FACEBOOK

Didi Mitovelli

Le titre et intertitre sont de www.afriwave.com

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Rédaction

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