La décision de réactivation des enquêtes dans la situation en RDC par le Bureau de Karim A. A. Khan KC, Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye annoncée le 15 octobre 2024 portant en priorité sur les crimes présumés relevant du Statut de Rome a été accueillie avec enthousiasme par l’opinion du pays tout entier. Elle concerne les crimes commis dans le province du Nord-Kivu depuis Janvier 2022.
La lettre officielle datée du 15 octobre 2024 envoyée à Constant Mutamba Tungunga, Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux fait suite à un « travail préliminaire » d’une grande efficacité mené par une « Task Force Justice internationale » de l’ombre mise en place dans le cadre du front judiciaire ouvert par le Chef de l’Etat Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Composée des juges, magistrats et universitaires de renoms, cette structure technique placée sous la tutelle du Ministère de la Justice est composée de grands juristes internationalistes comme le professeur Ivon Mingashang, membre de la Commission du Droit International des Nations Unies, Sylvain Lumu, Chef de Département de Droit International à la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, Marcel Wetsh’Okonda, Ezéchiel Chirimwami de la VUB en Belgique.
Cette équipe de choc a travaillé en coulisse depuis un peu plus de deux ans à l’époque de l’ancienne Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux Madame Rose Mutombo ; ceux-là mêmes qui ont travaillé méthodiquement sur le dossier du procès intenté contre le Rwanda devant le Tribunal de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est installé en Tanzanie.
Il sied de rappeler que les autorités congolaises avaient à deux reprises saisi le Bureau du Procureur chargé de renvois aux fins d’initier des enquêtes sur le territoire du pays. Le premier renvoi, soumis le 3 mars 2004, portait sur des crimes présumés relevant du Statut de Rome commis sur l’ensemble du territoire de la RDC depuis le 1er juillet 2002, une enquête consécutive ayant été ouvert en juin 2004.
Un second renvoi du Gouvernement de la RDC a été soumis le 23 mai 2023 concernant cette fois-ci les crimes présumés commis dans la province du Nord-Kivu par des membres de différents groupes et forces armés depuis le 1er janvier 2022.
A ce sujet et à titre préliminaire, « Les derniers épisodes de violence dans la province du Nord-Kivu sont liés à des schémas récurrents de violence et d’hostilités qui sévissent dans la région depuis au moins le 1er juillet 2002, date à laquelle la Cour a commencé à exercer sa compétence en RDC. Par conséquent, tous les crimes présumés relevant du Statut de Rome commis dans la province du Nord-Kivu depuis le 1er janvier 2022 relèveraient de l’enquête en cours ouverte en juin 2004 » souligne le Bureau du Procureur Khan.
Et de rappeler que les « enquêtes dans la province du Nord-Kivu ne se limiteront pas à des parties au conflit en particulier, ou à des membres de groupes spécifiques. Au contraire, mon Bureau examinera de manière globale, indépendante, et impartiale la responsabilité de tous les auteurs présumés ayant commis des crimes relevant du Statut de Rome. Aussi, mon Bureau accordera une attention particulière au principe de complémentarité et recherchera la collaboration et la coopération des autorités nationales et de celles de tous les acteurs pertinents en vue d’assurer une justice efficace pour les victimes des crimes en question ».
Il faut noter qu’un Mémorandum d’entente avait été conclu en juin 2023 le Bureau du Procureur et la RDC, ainsi qu’une récente mission de mise en œuvre de cet instrument sous la supervision du Procureur adjoint, Mame Mandiaye Niang. Il a été fourni un cadre renforcé de collaboration et de dialogue, alors qu’une « approche à deux voies marquée par la vigilance et le partenariat, avec une enquête en cours, d’une part, et des efforts pour soutenir la justice nationale, d’autre part » avait été définie.
Pour le Procureur Khan, « la fin des cycles d’impunité en RDC ne peut être envisagée que par des efforts conjoints du pays, de mon Bureau, et de la communauté internationale dans son ensemble en faveur de la justice pénale » dans le cadre de la Politique générale du Bureau relative à la complémentarité et à la coopération. L’objectif final à atteindre étant « une stratégie de justice transitionnelle à long terme, durable et viable en RDC, que la CPI et la communauté internationale peuvent à la fois soutenir et s’en inspirer telle que souhaité par l’opinion congolaise depuis des années.
C’est du reste dans ce cadre qu’une décision est « prise par les autorités congolaises de mettre en place un comité de pilotage pour travailler à l’établissement d’une Cour pénale spéciale pour la RDC » avec « une assistance technique à la RDC pour la création de ce mécanisme et pour renforcer sa collaboration et sa coopération avec les autorités nationales et les partenaires concernés en vue d’accroître l’impact de nos actions collectives dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux » note également le procureur Khan.
Cette action concernera tous les nouveaux crimes commis dans le Nord-Kivu par les rebelles du M23 en RDC. Il est entendu que la lettre de saisine fait référence à des crimes présumés commis par les Forces de Défense Rwandaises (RDF), le groupe armé terroriste le Mouvement du 23 mars (M23) ainsi que leurs affidés locaux de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa Yobeluo depuis janvier 2022.
Le rapport final du Groupe d’Experts des Nations unies sur la RDC publié en 2024, a montré que le conflit entretenu par le M23 avait exposé des millions de personnes à des violations des droits de l’homme et à des violences, notamment des déplacements, des privations, des exécutions extrajudiciaires et des violences sexuelles liées au conflit. La décision de la CPI d’ouvrir une enquête devrait accroître la pression sur les dirigeants du mouvement M23 rwandais, leurs complices congolais ainsi que le commanditaire le Rwanda.
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi