Par Mélanie Joris du service judiciaire
L’État belge est reconnu coupable de crime contre l’humanité. L’affaire était portée par cinq femmes métisses enlevées à leur famille à l’époque où le Congo était une colonie belge. Déboutées en première instance, la cour d’appel de Bruxelles reconnaît aujourd’hui leur préjudice et condamne l’État à les indemniser. « C’est une victoire », se réjouit Michèle Hirsch, l’avocate qui a porté ce dossier.
Dans son arrêt, la cour d’appel dit qu’il est établi que ces cinq femmes : « ont été enlevées à leur mère respective, sans l’accord de celle-ci, avant l’âge de sept ans, par l’État belge en exécution d’un plan de recherche et d’enlèvement systématique des enfants nés d’une mère noire et d’un père blanc, élevés par leur mère au Congo belge, uniquement en raison de leurs origines ».
La cour d’appel de Bruxelles qualifie ces enlèvements « d’acte inhumain et de persécution constitutifs d’un crime contre l’humanité en vertu des principes de droit international ». Par ailleurs, la cour condamne l’État belge à indemniser le dommage moral des appelantes résultant « de la perte de leur lien à leur mère et de l’atteinte à leur identité et à leur lien à leur milieu d’origine ».
Monique, Léa, Marie-Josée, Simone et Noëlle
Simone Ngalula, Monique Bitu Bingi, Léa Tavares Mujinga, Noëlle Verbeeken et Marie-Josée Loshi sont nées au Congo entre 1946 et 1950. Elles ont été victimes de cette politique raciale d’enlèvement. Ces enfants étaient considérés comme les enfants de la honte et du péché. Entre 1948 et 1961, l’ordre était donné de les enlever à leur famille le plus tôt possible et de les confier à des institutions religieuses. Arrachés à leur famille, les pistes étaient ensuite brouillées pour qu’ils ne puissent plus retrouver leurs proches. Leur nom était changé et ils étaient déplacés dans d’autres régions du pays.
À l’indépendance du Congo, les institutions religieuses où vivent ces enfants enlevés sont fermées. Certains enfants sont envoyés en Belgique pour être adoptés, d’autres sont abandonnés à leur sort. C’est le cas de Simone, Monique, Léa et Marie-Josée. Elles sont alors victimes de miliciens qui leur imposent, notamment, des sévices sexuels.
Des excuses, puis une condamnation
En 2019, alors Premier ministre, Charles Michel présente des excuses au nom de la Belgique. En séance plénière à la Chambre, il déclare : « Au nom du gouvernement fédéral belge, je présente mes excuses aux métis issus de la colonisation belge et à leur famille pour les injustices et les souffrances qu’ils ont subies ».
Le combat judiciaire a ensuite commencé pour Simone, Monique, Léa, Noëlle et Marie-Josée. En 2021, en première instance, le tribunal avait estimé que si, aujourd’hui, ces faits pouvaient être considérés comme crime contre l’humanité, ce n’était pas le cas à l’époque colonial.
Aujourd’hui, la cour d’appel de Bruxelles a eu un autre raisonnement, un arrêt qui pourrait faire jurisprudence. Réunies au cabinet de leur avocate, les cinq femmes métisses se réjouissent de cette décision.
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