Comme il fallait s’y attendre, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu coupable lundi 9 décembre 2024 à Paris l’auteur franco-camerounais Charles Onana pour « complicité de contestation publique de l’existence d’un crime contre l’humanité », en l’espèce de « crime de génocide » contre les Tutsis, au Rwanda en 1994. Jugé depuis octobre et ayant rejeté toutes les accusations pendant son procès, Charles Onana et ses avocats conseils feront appel.
Par la même occasion, le politologue et journaliste essayiste a été condamné à 120 jours amende d’un montant unitaire de 70 euros – soit 8 400 euros – dont il devra s’acquitter pour éviter l’incarcération. Son éditeur Damien Serieyx des Editions du Toucan devra, quant à lui, payer une amende de 5 000 euros. Les deux hommes ayant également l’obligation de payer un montant total de 11.000 euros aux différentes associations de défense des droits humains qui s’étaient constituées parties civiles dans ce procès par leur plainte déposée en 2020. Parmi elles Survie, La Ligue des droits de l’Homme (LDH), la Licra et la Fédération internationale des droits humains (FIDH).
Pour justifier ce verdict qui devait interpeller, le tribunal fait référence à la « loi sur la liberté de la presse de 2017 qui punit le fait de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière tous les génocides reconnus par la France et pas seulement celui des Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale ». Ainsi, s’est-il basé sur une vingtaine de passages de l’ouvrage paru en 2019 « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise. Quand les archives parlent » dans lequel l’auteur met en cause la responsabilité de la France dans son opération de sauvetage ratée du pouvoir hutu.
En cause, une vingtaine de phrases litigieux épinglées au hasard où il dénonce notamment « le dogme ou l’idéologie du “génocide des Tutsis” », et affirme que « le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs !». Et enfin fustige : « La thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un “génocide” au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle » qui lui ont valu cette condamnation qui parait injuste pour ne pas dire absurde.
Si la procureure de la République avait notamment dénoncé « une approche réductrice et erronée car elle omet délibérément la finalité [du génocide] : la destruction totale ou partielle du groupe tutsi ». Et de conclure : « Vous avez là tout l’arsenal négationniste », estimant que l’auteur avait « clairement dépassé les limites de la liberté d’expression » en « minorant » et en « banalisant » l’existence du génocide contre les Tutsis. L’avocate de La Licra, également partie civile argumentait que lorsqu’il utilise presque systématiquement les guillemets en écrivant le mot « génocide », ou lorsqu’il le qualifie de « dogme » ou d’« idéologie », insinuant ainsi qu’il « s’agit de croyances, par définition opposées à la science » ; Charles Onana fait preuve de « négationnisme pur et simple ».
Pour la justice française donc, Charles Onana a bien « minoré », « banalisé » et « contesté » de « manière outrancière » le génocide des Tutsis, survenu entre avril et juillet 1994. Selon la décision de la Cour, il a « discrédité » l’ensemble des décisions de justice « ayant abouti à la reconnaissance de l’existence de ce génocide ». Le jugement pointant encore « l’emploi très majoritaire du terme « génocide » – entre guillemets- dans l’ouvrage publié par le franco-camerounais, « un procédé qui contient en lui-même toute l’ambition de l’auteur de nier implicitement l’existence du génocide des Tutsis », selon la justice.
Une thèse battue en brèche par Charles Onana en personne devant la barre en expliquant faire la différence « entre les civils tutsis qui ont été victimes d’un génocide et des rebelles qui mènent une action violente et qui ont conquis le pouvoir par la force des armes », en référence au Front patriotique rwandais (FPR, toujours au pouvoir à Kigali). Pour justifier la qualification d’ « escroquerie » à propos de la «planification» du génocide, l’auteur affirmait qu’elle renvoyait toujours au FPR, « qui le met en avant dès le mois d’avril 1994» sans pour autant « en apporter la preuve » jusqu’à ce jour.
La condamnation de Onana n’a pas laissé indifférente la communauté congolaise de la dispora mobilisée en masse du début jusqu’à la fin de ce procès dit de la « honte » pour la France, prétendue pays des Droits de l’Homme. Dès la sortie de l’audience du verdict, les Congolais ont scandé des slogans en soutien à l’auteur, comme « Onana innocent » ou encore « Kagame assassin » pour afficher leur soutient à l’écrivain ; ce avant que les forces de l’ordre déployées aussi en masse ne repoussent tout le monde loin du tribunal.
Pour sa part, l’avocat de la défense, Maitre Emmanuel Pire, s’est dit « déçu » par ce verdict. Selon lui, son client ne « conteste pas le génocide » des Tutsis dans son livre, mais le « replace dans le contexte » de l’époque. À l’issue de cette audience, il a annoncé faire appel de cette condamnation au nom de son client.
Des questionnements pourtant…
Qui ne le sait pas que les tueries commises en 1994 au Rwanda, sous le régime hutu alors au pouvoir, ayant fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994 essentiellement parmi les tutsi mais aussi des Hutu modérés, selon l’ONU ; est une conséquence direct de l’assassinat des deux présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi par la rébellion tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) avec à sa tête l’actuel président rwandais Paul Kagame, qui dirige d’une main de fer dictatoriale le pays depuis trente ans ?
Au travers de cette condamnation injuste, c’est la géopolitique qui a malheureusement primé sur le Droit et cela doit être pour la RDC, une leçon à tirer. En France, il était question de vie ou de mort pour le régime génocidaire qui a lobotomisé les cerveaux des populations rwandaises par un narratif officiel sur lequel se base la « fausse » stabilité, le système éducatif et la politique étrangère rwandaise, bref de la survie même du régime instauré sur le sang des deux présidents de la République assassinés le 7 avril 1994.
La justice de la honte, la justice instrumentalisée de l'État colonial français, celle qui enferme Kemi Seba, Christian Tein, Le R,… Celle qui tente de museler les voix qui dérangent ses intérêts et ceux de ses proxys ; vient de condamner Charles Onana @duboiris pour ses… pic.twitter.com/048Yq55BvQ
— Maud-Salomé EKILA BOFUNDA (@Ekilaaa) December 9, 2024
Qui ne le sait pas aussi que depuis 1994 jusqu’à ce jour, le Rwanda au nom de sa protection ; continue d’occuper, de massacrer les populations congolaises et de piller les ressources minières de l’Est de la RDC par des rebellions armées à caractère ethnique interposées. D’abord Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma) dont certains cadres ont occupés des postes importants dans la politique congolaise.
Mais surtout le Congrès national pour la Défense du Peuple (CNDP) jadis dirigé par deux sujets rwandais identifiés Laurent Nkundabatware Mihigo aujourd’hui réfugié dans son pays d’origine le Rwanda depuis 2009 et Bosco Ntaganda incarcéré au tribunal de la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye aux Pays-Bas. Le « monstre » CNDP ayant donné naissance au Mouvement terroriste du 23 Mars dit M23, en réalité supplétif de la Rwanda Defense Force (RDF) qui pille et tue au Congo avec la complicité de la communauté internationale.
Un dernier livre de Onana avec des documents déclassifiés à l’appui détaille encore plus cette vérité que personne ne veut regarder en face, en commençant par la France qui armait et soutenait le régime Habyarimana de l’époque.
Des millions de morts congolais depuis 1997 jusqu’à ce jour, personne n’en parle dans la fameuse communauté internationale, y compris en France, pays qui s’est toujours senti coupable de son échec au Rwanda et qui continue de cautionner tout ce que dicte Kigali.
Un dossier à suivre…