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PEUT-ON SORTIR DE LA GUERRE INFORMELLE ET ASYMÉTRIQUE DANS L’EST DE LA RDC ? [Lu pour vous]

Ce qui se passe dans l’est de la RDC est absolument déroutant : Sans qu’aucun pays n’ait officiellement déclaré la guerre à l’autre, il existe une guerre de fait entre le Rwanda et la RDC. Une guerre durant laquelle les ambassades et les frontières sont ouvertes, et le commerce transfrontalier continue. Pour la RDC c’est une guerre par nécessité de se défendre et de reprendre le contrôle d’une partie de son territoire envahie par son voisin. Tandis que le Rwanda, en complicité avec l’Ouganda, assume sa présence sur le territoire congolais avec des troupes estimées à environ 4.000 soldats, qui combattent l’armée congolaise sous le masque du groupe fantoche M23-AFC.

Malgré la documentation de ces faits, leur dénonciation dans divers rapports des Nations-Unies et d’ONG, les crimes horribles et abondants qui les entourent, aucune initiative politique ou diplomatique n’est arrivée à persuader le pouvoir rwandais de cesser ses agissements criminels, qui sont motivés par le contrôle des ressources naturelles du Congo et qui plongent cette région du pays dans un deuil permanent depuis plusieurs décennies, faisant un nombre record de déplacés internes.

Depuis la première guerre dans l’Est du Congo à l’instigation des mêmes pays, cités ci-haut, ceux-ci maintiennent depuis 1998 un état de guerre permanent, avec des périodes de latence diplomatique entre les attaques orchestrées avec leurs proxies, qui furent successivement le RCD, le CNDP et enfin le M23 avec sa nouvelle extension appelée AFC. 

Après la récente reprise des hostilités, les deux processus de paix en cours, Luanda et Nairobi, sont paralysés par la duplicité permanente du Rwanda, dont le dirigeant n’hésite pas à faire affront au président angolais, facilitateur désigné par l’Union africaine pour le processus de paix de Luanda.

Ces dernières semaines, les attaques se sont accrues et le front a été élargi au territoire de Lubero, en sus des territoires déjà impactés par les avancées des agresseurs (Rutshuru, Masisi, Nyiragongo, Walikale).

Malgré la vaillance des soldats de l’armée congolaise et la combativité remarquable des jeunes miliciens Wazalendo qui défendent le territoire sur lequel ils sont nés, l’impression générale est que l’armée rwandaise donne du fil à retordre aux Fardc et fait avancer ses pions sur le terrain en prenant régulièrement le dessus sur le champ de bataille.

Les changements qui viennent d’être décidés par le Chef de l’État dans la chaîne de commandement de l’armée congolaise indiquent que la situation est délicate sur le front.

Cet état des choses plonge les Congolais dans le désarroi, partagés qu’ils sont entre le sentiment d’humiliation et la colère de voir “un petit pays” se jouer d’un “géant”, impuissant et incapable d’écraser cet état lilliputien. D’où les incantations guerrières et les appels à une déclaration de guerre et à l’invasion du Rwanda par l’armée congolaise. D’ailleurs, dans un accès d’indignation, le Chef de l’État avait menacé de réunir les chambres parlementaires en congrès pour déclarer officiellement la guerre au Rwanda.

On peut, certes, comprendre cette vive émotion et ces colères légitimes après tant de souffrances, d’humiliation et de sang versé par des populations congolaises innocentes. Cependant, il faut examiner avec lucidité la configuration générale sur le terrain et les atouts dont peut user la RDC pour défendre son intégrité territoriale.

Nul n’ignore que l’armée rwandaise est puissamment équipée et bien formée grâce à des accords militaires, avec notamment les USA ; et qu’elle bénéficie d’appuis financiers de divers partenaires, dont l’Union européenne. D’ailleurs le commandement de la Monusco avait lui-même reconnu ne pas être en mesure de faire face à la puissance de feu de l’armée rwandaise, qui dispose d’un armement plus sophistiqué que le sien.

Nul n’ignore non plus que l’armée congolaise est renaissante, après sa désorganisation, voire sa destruction, qui avait fait suite à la déliquescence et la chute du régime de Mobutu, ainsi qu’à la période troublée qui s’en était suivie. Sa reconstruction, amorcée par Joseph Kabila, s’est poursuivie et accélérée sous Félix Tshisekedi.

Cependant, l’ennemi n’a pas cessé, lui aussi, de se renforcer, d’autant que le contrôle des zones minières du Nord-Kivu, qui ont fait du Rwanda l’un des principaux exportateurs de coltan du monde, lui permet de financer sa guerre au Congo et de gérer ses proxies, derrière lesquels il se dissimule pour tromper l’opinion publique et entraîner la communauté internationale dans des ballets diplomatiques dilatoires.

Sans être stratège militaire, on peut observer que le Rwanda a toujours sanctuarisé son territoire et porté la guerre chez son voisin. Le récit du génocide des tutsi, habilement mis à profit, permet au régime de Kagame d’assimiler toute incursion sur son territoire à une tentative de rééditer cette tragédie et ainsi gagner l’empathie et le soutien international.

Par ailleurs, des responsables rwandais au plus haut niveau ont déclaré publiquement que leur territoire étant étroit, la guerre devait être menée sur le territoire du voisin. En d’autres termes, l’étroitesse du Rwanda est une motivation dans ses objectifs guerriers invasifs, tandis que l’immensité de la RDC en fait un terrain propice à être envahi.

En effet, militairement il est plus difficile de défendre un front élargi, qui s’étire sur des centaines de kilomètres et exige des moyens humains et logistiques immenses, surtout lorsque ce front est mobile.

Pour prendre un exemple, les USA, première puissance mondiale, peinent à protéger leur longue frontière sud face au passage des migrants, cela malgré les dispositifs technologiques mis en place.

C’est pourquoi la stratégie des conquêtes territoriales dont use l’ennemi épuise l’armée congolaise, qui s’évertue à défendre des agglomérations et villages de plus en plus nombreux, sur un théâtre d’opérations de plus en plus vaste.

En revanche, un front ramené sur un périmètre plus resserré permet de concentrer les moyens et rend déterminante toute bataille remportée.

Pour schématiser, une incursion de 200 Km en territoire congolais a des conséquences relatives, alors qu’une incursion sur la même distance en territoire rwandais rapprocherait de la capitale Kigali et contraindrait l’armée rwandaise à un repli de toute sa puissance militaire pour défendre son territoire.

Tant que le conflit sera localisé et circonscrit au territoire congolais, le chassé-croisé militaire risque d’être interminable, surtout si l’intérêt de l’ennemi est de faire capoter tous les efforts diplomatiques. 

D’où la question du changement de paradigme de la guerre peut se poser :

  • Faut-il briser le tabou du sanctuaire en déclarant officiellement la guerre au Rwanda ?

On voit aujourd’hui des pays sanctuarisés par l’arme nucléaire, comme la Russie ou Israël, faire l’objet d’attaques directes sur leurs territoires. 

La question peut légitimement se poser pour le Rwanda, qui est un pays agresseur et dont les attaques ont causé des millions de victimes au Congo, alors que ce dernier n’a jamais opéré d’incursion militaire en territoire rwandais…

  • La RDC a-t-elle les ressources et les capacités militaires pour tenir un front frontalier ou extra frontalier face au Rwanda ?

Cette question soulève celle des conséquences éventuelles de la guerre. Un pays mal préparé, qui a surestimé ses capacités, sous-évalué ses adversaires et mal compté ses alliés, peut risquer jusqu’à perdre des territoires à l’issue d’une défaite militaire et devoir payer un lourd tribut. Ce fut le cas de la France en 1870 et en 1940 lorsqu’elle perdit l’Alsace et la Lorraine au profit de l’Allemagne, ou encore de la Syrie qui a vu le plateau du Golan occupé après la défaite de 1967, et plus tard annexé par Israël.

Quoi qu’il en soit, briser le tabou de la sanctuarisation du Rwanda en prolongeant la répercussion du conflit sur son territoire modifierait d’une manière ou d’une autre la donne sur le plan diplomatique, voire au niveau des rapports des forces. 

La guerre imposée à la RDC est injuste et sanglante, alors même que c’est un pays qui aspire à la paix et n’a pas de conflits avec sept de ses neuf voisins. Seul le Rwanda, avec la complicité de l’Ouganda, mène une guerre de déstabilisation pour piller ses ressources naturelles.

Cette guerre informelle, mais non moins réelle, compromet la paix et le développement sur tout son territoire. En outre, elle a un coût financier élevé pour ce pays qui tente de se réorganiser.

L’hypocrisie des grands pays occidentaux et les intérêts complices de ces pillages conduisent à une impasse dans la recherche de la paix.

La situation est de plus alourdie du fait que le dirigeant rwandais semble en faire une affaire personnelle après les échanges peu diplomatiques entre les deux chefs d’État.

Que doit faire la RDC pour sortir de ce piège que l’ennemi s’évertue à rendre inextricable ?

Toutes les options sont sur la table…

Me Charles Kabuya 

Article à lire sur : PEUT-ON SORTIR DE LA GUERRE INFORMELLE ET ASYMÉTRIQUE DANS L’EST DE LA RDC ? https://charles-kabuya.blog4ever.com/peut-on-sortir-de-la-guerre-informelle-et-asymetrique-dans-l-est-de-la-rdc-1

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