KINSHASA : La Noël politique du Cardinal Fridolin Ambongo Besungu

Comme il fallait s’y attendre, l’Église catholique du Congo via son Cardinal, l’Archevêque de Kinshasa Fridolin Ambongo Besungu n’a pas dérogé de sa ligne politique lors de la messe de célébration de Noël 2024 dans la capitale congolaise.

Dans une Cathédrale Notre Dame du Congo pleine comme un œuf au soir du 24 décembre 2024, l’homme de l’eglise n’y est pas allé par le dos de la cuillère en qualifiant le pays d’être dans une situation « désastreuse » et carrément « d’enfer sur terre ». Dans son homélie, il a égrené selon lui les maux du pays : Infrastructures inexistantes, flambée des prix sur le marché, insécurité généralisée, la population abandonnée et ne sachant plus à quel saint se vouer

Aux dirigeants du pays et comme dans ses habitudes, les piques de Tata Cardinal n’ont pas manquées : « Nous en appelons aux uns et aux autres, notamment à tous ceux qui ont une parcelle de responsabilité, de se mettre debout pour qu’enfin cette misère puisse s’arrêter. Quand on est dirigeant, on est d’abord là pour le bonheur du peuple et quand le peuple est dans cet état désastreux, ça devrait être une interpellation pour les autorités. Qu’avons-nous fait pour que le peuple en arrive là ? » s’est-il demandé.

Contrairement au message de Noël politique du Cardinal Fridolin Ambongo, Archevêque de Kinshasa, l’opposé l’a été par Monseigneur Félicien Ntambue Kasembe, Archevêque de Kananga ; qui a fait une très bonne homélie devant le Chef de l’Etat. Tout en reconnaissant les efforts du gouvernement pour améliorer tant soi peu le bien-être social du peuple congolais, c’est un message émouvant et constructif qu’il a adressé en la Cathédrale Saint-Clément de Kananga.

Dans son exhortation apostolique, l’archevêque Métropolitain de Kananga a su utiliser des mots justes pour cerner les vrais problèmes du Grand Kasaï et proposer des pistes de solutions possibles pour y remédier. L’archidiocèse Métropolitain de Kananga dont il a la charge ecclésiale est composé de sept Diocèses issus de cinq Provinces qui composent l’espace grand Kasaï : Kabinda, Kole, Luebo, Luiza, Mbujimayi, Mweka et Tshumbe.

De son voyage au Rwanda pourtant…

Evoquant la situation sécuritaire dans l’Est du pays avec les attaques des rebelles terroristes du M23, les proxys de la Rwanda Defense Force (RDF) l’armée rwandaise, le Cardinal s’en est pris à ce qu’il dit être « les stratégies de la guerre et de la diplomatie qui ont démontré leurs limites car elles ont échoué. J’assiste à des discours qui ne vont pas dans le sens de la création de la paix. Nous devons travailler pour la paix ». Raison de son appel à une « mobilisation pour la paix » pour « mettre fin à la misère des Congolais ».

Ce beau discours de l’Archevêque de Kinshasa aurait eu plus d’échos à Kigali lors de son déplacement fin novembre 2024 au Rwanda pourtant. Car en sa qualité de Président du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), il avait une occasion franche d’interpeller les autorités rwandaises en dénonçant cette guerre asymétrique expansionniste qui n’a fait que trop de mal aux populations congolaises depuis 30 ans déjà.

Chose qu’il n’avait jamais eu le courage de le faire en s’en sortant par une « entourloupette » bien trouvée comme quoi malgré les « tensions politiques » les populations et les Églises continuent de coexister pacifiquement, les relations sociales et ecclésiales restent solides : « Ce que nous constatons en tant qu’Église, c’est que les populations du Rwanda, du Burundi et de la RDC n’ont aucun différend entre elles. En tant que pasteurs, notre mission est de rappeler que les citoyens de ces trois pays ont besoin de paix. Nous appelons les dirigeants à œuvrer pour une paix durable, afin que leurs peuples puissent vivre en sécurité et vaquer librement à leurs activités ».

Se cachant derrière « la rhétorique de la mission prophétique » de l’Église catholique qui aurait des limites dans la résolution des conflits politiques, le Cardinal Ambongo a néanmoins la « hargne politique » de s’attaquer aux autorités de son pays, ce qu’on n’a jamais entendu des mêmes catholiques rwandais qui sont alignés comme un bloc derrière le régime dictatorial de Kagame.

Qui ne le sait pas que les relations entre le Rwanda et la RDC se sont aujourd’hui gravement détériorées depuis 2022, avec la résurgence des opérations militaires du groupe rebelle M23 dans la province du Nord-Kivu. Ce mouvement terroriste soutenu par le Rwanda affirmant intervenir pour défendre la population tutsie banyarwanda victime de persécutions, mais en réalité une guerre de rapine sur les ressources naturelles minières du Congo pour enrichir un régime prédateur.

Pourquoi l’Église catholique du Rwanda n’en a jamais appelé au régime politique de Kigali de chercher une « réconciliation entre tutsis et hutus » pour ne pas exporter leur « différend ethnique » en RDC ? Existe-t-il réellement « un problème politique » entre Kinshasa et Kigali, c’est la question qui demeurer depuis 30 ans que dure les atrocités rwandaises commises dans l’Est de la RDC sans que toute la communauté internationale ne sanctionne le régime mono ethnique rwandais.

En rapport avec l’homélie de Noël 2024 du Cardinal Ambongo et son voyage au Rwanda, le journaliste congolais Litsani Choukran s’interroge « Comment l’Église d’un pays agressé peut-elle mettre sur un pied d’égalité son propre pays et son agresseur sous prétexte de prôner la paix ? Comment cela peut-il être acceptable ? Lorsque le président Tshisekedi avait tendu la main à Kagame, il avait été critiqué, y compris par le clergé de l’Église. Aujourd’hui, alors que Kagame a trahi cette main tendue, préférant nous agresser délibérément avant d’exiger, de manière opportuniste, des négociations… devinez qui se présente comme médiateurs, juste après un séjour étrange à Kigali ? Les mêmes membres du clergé ! Plus encore, parler de paix comme si nous, Congolais, avions refusé de vivre en harmonie avec Kigali relève d’une insulte à notre histoire. Voilà 30 ans que Paul Kagame et son régime pillent, tuent et déstabilisent l’Est de notre pays. Tshisekedi, tout comme Joseph Kabila et même Mzée Laurent-Désiré Kabila avant lui, ont été trahis après avoir tendu la main à Kagame. Faire semblant d’ignorer ces faits, c’est mépriser la mémoire des Congolais délibérément assassinés depuis trois décennies. L’Église doit impérativement arrêter de jouer à ce jeu dangereux. Elle a une responsabilité morale envers le peuple congolais, celle de défendre la vérité et la justice, pas de devenir complice, par son silence ou sa posture ambiguë, des forces qui nous oppressent ».

Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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Rédaction

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