Les ordonnances présidentielles signées Félix Tshisekedi la semaine dernière et réorganisant les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont suscités une curiosité en même temps qu’une interrogation avec la nomination à la tête de la 3ème Zone de Défence du pays du Lieutenant-Général Masunzu Pacifique.
Cette troisième zone de défense comprenant les provinces du Maniema, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Bas–Uélé, de Haut-Uélé, de l’Ituri et de la Tshopo, une région où l’insécurité règne en maître avec certaines des provinces en proie à des conflits armés et à des incursions étrangères, principalement rwandaise de la Rwanda Defense Forces (RDF) avec ses affidés terroristes dits M23.
Si le défis à relever demeure celui d’éradiquer l’insécurité qui gangrène ces provinces depuis trop longtemps dans un climat tendu marqué par l’avancée avec occupation sur terrain de la Rwanda Defense Force (RDF), l’armée rwandaise au travers du M23 et des relations délicates avec le Rwanda, la nomination de cet officier originaire de l’Est interroge comme elle intrigue lorsque l’on redoute l’infiltration dont les services du pays font face avec l’ennemi depuis bientôt 30 ans déjà.
Qui est en réalité Masunzu Pacifique ?
Etiqueté « munyarwanda », originaire du Kivu et nommé pour combattre les rebelles du M23, et autres milices dans l’espace Grand Kivu et ex province Orientale ; cet officier a commencé sa carrière autrefois dans les rebellions tutsi au Nord-Kivu avant d’être « brasser » dans l’armée nationale sous le régime Kabila jusqu’à ce jour. Pacifique Masunzu, bien que Général, il est aussi un ancien rebelle.
Même si son parcours militaire reste marqué par sa défection du contrôle rwandais en 2002 et la création du Front de Résistance Patriotique (FRP), cette nomination à des responsabilités dans une zone où les « retournements » des casaques par des anciens rebelles « mixés » dans l’armée en étonne plus d’un. Son passé au sein du FRP et ses alliances d’autrefois faisant de lui quelqu’un dont on devrait se méfier au sein même des FARDC, sa nomination apparaissant moins comme une opportunité et plus comme un piège.
La décision de Félix Tshisekedi serait-elle une manœuvre hautement stratégique ou un cadeau empoisonné pour le nominé ; mais surtout aussi pour ceux qui défendent l’invasion d’une partie de l’Est du Congo par le Rwanda au nom de la défense d’une communauté tutsi présumée discriminée. Un narratif auquel s’oppose les autorités congolaises qui renforcent ainsi l’image d’un pouvoir inclusif en démontrant que l’armée congolaise (FARDC) ne discrimine pas ses officiers en fonction de leur origine ethnique peut-être.
On dit de l’homme Masunzu qu’il serait un « fin stratège », ce qui restera à le prouver sur terrain. Sa capacité à naviguer dans ce paysage complexe sera déterminante pour établir une paix durable et éviter que les richesses stratégiques de l’Est du Congo ne continuent d’être une malédiction pour le pays. Les provinces sous le commandement de Masunzu ne sont pas seulement stratégiques sur le plan militaire, elles le sont aussi sur le plan économique car regorgeant des ressources naturelles précieuses, attirant convoitises des voisins et conflits multiples.
Diviser pour mieux régner, peut-être ! Quoi qu’on en dise, il va y avoir un malaise entre le M23, principalement Tutsi, qui va combattre un officier FARDC d’origine tutsi aussi ; ce qui risque de déstabiliser les rebelles en créant des dissensions, voir encore y compris au sein de la communauté banyarwanda tutsi du Congo où le principe du « diviser pour mieux régner » trouverait toute sa signification avec une fragilisation des allégeances dans le soutien aux rebelles terroristes monolithique affidés de la RDF dits M23.
L’échec de Masunzu dans sa nouvelle mission ne serait pas permis. Si sa connaissance du terrain et son passé de stratège font de lui un profil idéal pour combattre le M23, cette même expérience le place sous une pression considérable. Toute contre-performance dans ses missions devant être interprétée comme un manquement à ses obligations militaires et un acte de trahison passibles d’une cour d’ordre avec la peine de mort comme sanction capitale au sein de l’armée congolaise. Étant d’origine tutsi, Masunzu pourrait être plus exposé à de telles accusations ; sa propre carrière en jeu, mais également sa réputation au sein de la communauté banyarwanda du pays et des FARDC.
La défaite de ses troupes face à la RDF et ses rebelles pourrait ainsi être exploitée par ses détracteurs pour remettre en cause sa fidélité à l’État congolais. Une situation qui soulève la question de savoir si cette nomination n’est pas une manœuvre visant à se débarrasser d’un officier devenu encombrant, sa responsabilité accrue pourrait bien être perçue comme un « cadeau empoisonné » à son encontre.
Même si aux yeux du monde, Félix Tshisekedi tente de prouver que les banyarwanda ne sont pas discriminés dans son pays alors que le M23 dit se battre contre la marginalisation dont souffriraient ladite ethnie ; il s’avère toujours que cette nomination pose problème. Pourquoi ne l’avoir pas alors envoyé ailleurs dans la République qui est un sous contient que le responsabiliser dans l’Est déjà instable par la volonté du régime mono ethnique tutsi à Kigali depuis 30 ans déjà.
Contrairement aux habitudes de discipline et de discrétion militaires, deux comptes X (ex-Twitter) dont un certifié bleu en son nom [Pacifique Masunzu @MasunzuPacificCommandant de la troisième zone de défense RDC A rejoint Twitter en septembre 2014 305 abonnements 8 364 abonnés], relaye depuis quelques jours certaines informations du front dans l’Est du pays. Ce qui reste à vérifier s’il ne s’agit pas encore d’un compte fictif « robot » téléguidé par les ennemis situés de l’autre côté de la frontières faisant partie de la fameuse « armée numérique rwandaise ».
Finalement, c’est un communiqué officiel daté du 26 décembre 2024 et signé Major Nestor Mavudisa Kamba Mayoyo, Coordonnateur de Service de Communication et Information à la Troisième Zone de Défense qui est venu mettre fin à l’imbroglio :« Un groupe d’individus mal intentionnés propage des informations sur un compte X (Twitter) qui, selon eux, appartient au Lieutenant-Général Pacifique Masunzu, commandant de la Troisième Zone de Défense. Le Commandant de la Troisième Zone de Défense ne reconnaissant pas l’existence dudit compte, dénonce les velléités de ces hors la loi, qui reflètent le modus operandi de l’ennemi pour saper sa réputation. A cet effet, il informe l’opinion qu’il n’a jamais utilisé ce compte, qui d’ailleurs ne lui appartient pas. Ainsi toutes les informations véhiculées sur le compte précité proviennent des personnes de mauvaise foi. Par ailleurs, des instances habilitées seront incessamment saisies pour faire une fois pour toutes ces malfrats et tous ceux qui relayent leurs messages, susceptibles de nuire à certaines bienveillances ».
Un passé si récent…
Qui ne se souvient pas de deux sujets rwandais présentés comme des congolais, Laurent Nkunda, de son vrai nom Laurent Nkundabatware Mihigo, chef militaire du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) aujourd’hui réfugié dans son pays le Rwanda alors que le Congo réclame son extradition. Mais aussi de son complice Rutaganda Ntibatunganya Bosco alias Bosco Ntaganda emprisonné par la Cour Pénale Internationale (CPI) à La Haye aux Pays-Bas. Ce natif de Kinigi dans le district de Musanze au Rwanda, un chef de guerre condamné aujourd’hui à 30 ans de prison pour crime contre l’humanité perpétré en RDC alors qu’il était le chef adjoint de l’Etat-major général responsable des opérations militaires de la branche armée de l’Union des patriotes congolais (UPC).
C’est le temps qui nous en dira !
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