Une récompense de 5 millions de dollars vient d’être offerte pour toute information pouvant conduire à l’arrestation des présumés meurtriers de deux experts de l’ONU Michael J. Sharp et Zaida Maria Catalán toujours en fuite, sept ans après leur assassinat sauvage au Kasaï le 12 mars 2017.
Quatre individus sont aujourd’hui recherchés à savoir Evariste Ilunga Lumu (aka Beau-Gars), Mérovée Mutombo, Gérard Kabongo et Jean Kutenelu Badibanga (aka Kutenelu). Ils sont soupçonnés « présumées impliquées dans le meurtre des experts de l’ONU Michael J. Sharp et Zaida Maria Catalán le 12 mars 2017, près du village de Moyo-Musuila, en République démocratique du Congo ».
Cette information livrée par l’ambassade des Etats-Unis à Kinshasa sur son compte X (ex-Twitter) sollicite la soumission des « informations sur ces individus via WhatsApp au numéro de téléphone +1-202-975-5468 pour peut-être éligible à une récompense ! ». Également en version lingala, c’est pour la première fois que le gouvernement américain offre une telle récompense pour la justice en RDC comme il le fait à travers le monde pour retrouver les criminels recherchés.
L’affaire Michael Sharp et Zaida Catalán, une épine dans le pied de Joseph Kabila
Les assassinats de deux jeunes experts de l’ONU, l’américain Michael Sharp et la suédoise d’origine chilienne Zaida Catalán restera comme une épine de la fin mouvementée du deuxième et dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila à la tête de la RD Congo. Malgré un simulacre de procès organisé devant la Cour militaire de la garnison de Kananga au Kasaï Central, la quête de la vérité dans cette affaire nébuleuse est demeurée plus que difficile pendant que les auteurs et les commanditaires de cet assassinat prémédité restent inconnus.
L’arrêt de la Cour consigné sur 146 pages, rendu à l’issue d’un procès de plus de quatre ans n’a pas non plus répondu à toutes les questions sur l’assassinat des experts onusiens. Les 51 condamnations à mort, une peine de dix ans de prison et deux acquittements prononcées le 30 janvier 2020 dans ce procès du meurtre de deux experts de l’ONU en 2017 n’aura rien changé non plus.
L’assassinat de Michael et Zaida intervient comme par enchantement alors qu’une autre affaire secouait déjà la province, le meurtre de Jean-Prince Mpandi, le 6ème « Kamuina Nsapu » du nom, Chef coutumier des Bajila Kasanga, tué dans l’assaut de sa maison, dans une opération militaire en août 2016 juste après une visite au Kasaï de Joseph Kabila le même mois de juillet 2017 [lire https://webdoc.rfi.fr/rdc-kasai-violences-crimes-kamuina-nsapu/chap-01/]
Suite à la mort du Chef traditionnel Jean-Prince Mpandi, des violences avaient éclatées le mois suivant dans la région du Kasaï entre les partisans de Kamuina Nsapu et les forces de sécurité, faisant plus de 3.000 morts et plusieurs dizaines de déplacés. Au plus fort de l’insurrection, entre 2016 et 2017, les forces armées de la RDC avaient mené des opérations de traque des miliciens dans certains villages considérés comme des bastions des insurgés.
Des rapports de plusieurs ONG avaient fait état de massacres de populations civiles assimilées aux miliciens commis à Tshimbulu et Kananga, chef-lieu du Kasaï Central. Deux experts de l’Onu, la Suédoise Zaida Catalan et l’Américain Michael Sharp, qui enquêtaient sur l’existence des fosses communes au Kasaï, avaient été étrangement tués dans cette région.
A lire aussi : Procès vidéo massacre de Muanza-Lomba : amnésies et contradictions entre les prévenus à la barre https://www.afriwave.com/2017/06/09/proces-video-massacre-de-muanza-lomba-amnesies-et-contradictions-entre-les-prevenus-a-la-barre/
Alors que le pays traversait une forte turbulence politique contre un probable 3ème mandat de Joseph Kabila, en ce 12 mars 2017, alors qu’ils se trouvaient au Kasaï en train d’enquêter sur des violations du droit international humanitaire, Michael Sharp et Zaida Catalán, deux membres du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC ; sont capturés près de Kananga avant d’être sauvagement assassinés avec la décapitation de Zaida dont la tête ne sera jamais retrouvée dans un piège préparé et filmé.
Le Comité d’enquête (Board of Inquiry) lancé par l’ONU fin mars 2017 après la découverte de leurs corps le lundi 27 du même mois afin de faire la lumière sur les circonstances de leur double meurtre ne ferait évoluer les choses. Toutes les investigations faites n’ayant eu aucun résultat final, seules les enquêtes de Radio France Internationale (RFI) et Reuters restant, jusqu’à ce jour et malgré de nombreuses questions restées en suspens, les seules tentatives systématiques de répondre aux questions « comment », « pourquoi » et « qui ».
Du Kivu où ils avaient commencé de travailler en RDC au Kasaï où la mort brutale les surprendra, la Suédo-chilienne, écologiste et avocate de droits humains, l’Américain, mennonite [église chrétienne protestante, NDLR] et ardent pacifiste étaient tous deux des amoureux connaisseurs du Congo.
Contrairement à certaines informations malencontreuses en leur endroit sur une non préparation dans leur mission et selon des collègues les ayant côtoyés dans leur travail, « Zaida était une spécialiste en droit très demandée, qui avait précédemment effectué des missions en Palestine ou encore en Afghanistan » ; Michael par contre était « l’un des promoteurs les plus avisés de la démobilisation de combattants de l’Est du Congo depuis des années et par ailleurs un des meilleurs analystes des FDLR, groupe armé rwandais notoire dans les Kivu ».
A lire aussi : Procès des meurtriers de Michael Sharp, Zaida Catalán et Betu Tshintela : les Etats-Unis exigent d’abord une enquête de l’ONU https://www.afriwave.com/2017/06/06/proces-des-meurtriers-de-michael-sharp-zaida-catalan-et-betu-tshintela-dans-le-kasai-les-etats-unis-exigent-dabord-une-enquete-de-lonu/
La relance de ce dossier sept ans après témoigne de l’importance qu’il faut accordé en mémoire de Michael Sharp et Zaida Catalán, tués au Kasaï le 12 mars 2017. Une question pourtant subsiste, ces individus sont-ils encore en vie ou ont-ils été émiminés par les commandiataires de l’acte odieux d’assassinat ?
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi