Le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi s’est adressé le samedi 18 janvier 2025 aux diplomates accrédités à Kinshasa et autres représentants étrangers dans le pays lors de la cérémonie solennelle d’échange et de présentation des vœux. La cérémonie a eu lieu dans l’hémicycle du Palais de la Nation, siège de l’administration présidentielle en présence de la Cheffe du gouvernement Judith Suminwa.
L’oral de Félix Tshisekedi intervient quelques heures seulement après celui tenu à Kigali au Rwanda par Paul Kagame lors de son « déjeuner de presse » devant les diplomates à Kigali au cours duquel il s’en prenait violement à son homologue congolais.
Sur un ton ferme et sec en guise de « réponse du berger à la bergère » pour clore une fois pour toute l’escalade verbal sans possibilité d’y revenir, le Président congolais a une fois de plus martelé sa demande des sanctions ciblées contre le Rwanda et par-delà son chef Kagame ainsi que ses affidés du M23 : « La République démocratique du Congo ne demande pas de l’aide. Elle exige une solidarité juste et équitable fondée sur le respect de sa souveraineté, de son intégrité territoriale et de ses droits fondamentaux. Ce soutien n’est pas une faveur. La communauté internationale doit maintenant transformer ses déclarations en actions tangibles dissuasives. Les sanctions ciblées contre le Rwanda, ses responsables militaires et politiques impliqués dans ces exactions ainsi que leurs réseaux financiers sont impératifs ».
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Félix Tshisekedi a également évoqué le dernier rapport de l’ONU sur ce que tout le monde sait et ne veut dénoncer avec des sanctions sévères contre l’agresseur rwandais : « Le rapport accablant des experts des Nations unies, publié en décembre 2024, a confirmé ce que nous dénonçons depuis des années : il établit, preuves à l’appui, la présence de milliers de soldats rwandais sur notre territoire, leur soutien politique, logistique et militaire au M23 ainsi que leur implication dans l’exploitation illégale de nos ressources naturelles ». Soulignant le fait que la RDC ne demande pas d’aide, le Président congolais a exigé « une solidarité juste et équitable », un soutien qui est « une responsabilité collective pour la préservation de la sécurité internationale ».
Le temps de discours « condamnation » étant révolu, le moment est donc venu pour des sanctions concrètes et immédiates de la Communauté internationale contre le Rwanda : « Nous avons pris note des condamnations émises par nos partenaires sur le comportement du Rwanda pour son rôle dans la déstabilisation de l’Est de la RDC. Ces prises de position restent insuffisantes face à la gravité des actes commis et les conséquences humanitaires désastreuses. Des sanctions concrètes et immédiates doivent être adoptées pour mettre fin à cette agression et prévenir une escalade régionale. Nous attendons de la Communauté internationale, bien plus qu’un discours de solidarité, des actions tangibles pour répondre aux défis sécuritaires et de développement socio-économique, humanitaires auxquels nous faisons face » a dit Félix Tshisekedi.
En conclusion de ce chapitre sécuritaire, le Chef de l’Etat a indiqué que le Gouvernement de la RDC reste résolu à défendre l’intégrité de son territoire et à protéger ses concitoyens contre toute forme d’agression : « Nous continuions à renforcer les capacités opérationnelles de nos Forces armées pour anéantir tous les groupes armés responsables de ces violences », soulignant que « cette détermination à ramener la paix concerne tous les fronts, en dehors des mesures militaires et diplomatiques ».
Des processus de Luanda et Nairobi…
Alors que les deux processus de paix encouragés par l’Union Africaine (UA) entre Kinshasa et Kigali à Luanda comme Nairobi sont au point mort pour cause des intransigeances rwandaises inacceptables, Félix Tshisekedi à qui des appels des pieds au dialogue sont adressés est resté catégorique : « Permettez-moi d’être parfaitement clair, la RDC ne se soumettra jamais aux pressions d’acteurs extérieurs tentant d’imposer des conditions contraires à nos intérêts et notre souveraineté. Le dialogue avec un groupe terroriste comme le M23 est une ligne rouge que nous ne franchirons jamais. Toute tentative de légitimer ces criminels constitue une insulte à la mémoire des victimes, et un affront aux principes fondamentaux de la vie », a-t-il martelé, rappelant que les provocations continuelles de Kigali, à travers ses soutiens politique, logistique et militaire au M23, « sont de nature à compromettre l’avenir du processus de paix de Luanda ».
Revenant sur l’annulation du sommet tripartite de Luanda, prévu le 15 décembre 2024 dernier dans la capitale angolaise, du fait de l’absence du Président rwandais Paul Kagame et de l’introduction d’une nouvelle condition préalable, à savoir l’exigence d’un dialogue direct entre le Gouvernement de la RDC et le groupe terroriste du M23, Félix Tshisekedi a indiqué que ceci « témoigne du peu de considération accordée par nos voisins aux efforts de paix. Exiger un dialogue avec un groupe terroriste revient à légitimer des agissements qui violent nos lois et principes fondamentaux », a fait savoir le Président Tshisekedi.
Autre question abordée et qui suscite un débat enflammé avec une levée de boucliers à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, l’application de la peine de mort depuis que le moratoire en a été suspendu. Le Chef de l’État a tenu à clarifier la situation et apaiser les esprits : « Aucune exécution n’a été faite à la suite d’une condamnation à mort jusqu’à ce jour ». Certes dissuasif comme pédagogique en même temps, cette mesure n’a pour but que de « décourager la trahison au sein de l’armée et le terrorisme », a-t-il rappelé.
Pour le journaliste Joseph Emmanuel Bunduki Kabeya, un observateur averti de la scène politique congolaise depuis des années, « Cette adresse du Chef de l’Etat devant les ambassadeurs est importante. Elle rappelle, sans équivoque, la ligne de conduite de la RDC face à sa considération du mouvement terroriste du M23 renforcée par les troupes régulières de l’armée rwandaise. C’est un niet catégorique à l’endroit de tous ceux qui seraient tentés de se risquer à vouloir ramener le pays dans des négociations aussi stériles les unes que les autres dans des processus comme ceux de Nairobi ou de Luanda. La désertion de Kagame à Luanda a été fort préjudiciable pour le Rwanda. Kigali ne peut compenser la perte de prestige et de légitimité qu’il a subi du fait de ses boycotts et de ses refus répétés d’appliquer concrètement les résolutions arrêtées lors de ces sommets. Bien que Kagame profite de la politique de deux poids, deux mesures de ses soutiens occidentaux, il a perdu sur le terrain militaire un grand nombre de soldats dans les affrontements contre les FARDC et les patriotes combattants congolais les Wazalendo ».
Et de poursuivre en guise de conclusion : « D’un point de vue de légitimité politique, Kagame a subi une défaite stratégique après sa fuite aux pourparlers de Luanda. D’autre part, ses supplétifs militaires qui épaulent le M23 n’ont pas atteints leurs objectifs militaires qui étaient de s’emparer durablement d’une bonne portion du territoire congolais pour peser dans d’éventuelles négociations puisqu’ils sont mis en déroute par l’armée congolaise. Le seul objectif que Kigali peut revendiquer est la poursuite de troubles localisés dans l’Est de la RDC. Par ailleurs, le fait que Kigali se retrouve empêtré dans une lente érosion de ses soutiens occidentaux ne signifie pas que l’Occident changera brusquement de politique à l’égard du Rwanda. L’attitude de Trump après sa prestation de serment sera déterminante. Kigali essayera de réparer sa relation avec Washington. Il est possible que Trump ne soit pas à l’aise avec les tergiversations rwandaises. D’autant que dans ses premières déclarations après sa victoire électorale Trump n’a pas publiquement évoqué la question de la guerre dans l’Est de la RDC. Il s’est plus focalisé sur la guerre russo-ukrainienne et israélo-palestinienne. Il est fort probable que le nouveau locataire de la Maison-Blanche pourrait faire aussi des pressions sur le Rwanda pour que la paix revienne dans la région des Grands Lacs. Mais cela, c’est le temps qui le démontrera ».
Des perspectives d’avenir…
Contre la manipulation politique répandue sur un prétendu retour de la dictature, le Président Félix Tshisekedi a affirmé que le pays a fait « le choix irréversible de bannir la dictature et de construire une démocratie véritablement inclusive » ; raison de son engagement sur la « voie du développement malgré plusieurs adversités ».
Sur ce chapitre de développement socio-économique, il a dressé un bilan positif de l’année 2024, marquée par des résultats encourageants malgré la résilience face à des adversités de divers ordres : « L’année 2024, marquée par de nombreux défis à relever, a été également marquée par des progrès significatifs pour la RDC. Ce fut une année où, face à l’adversité, nous avons choisi la résilience, l’action et la conviction ». Et à titre exemplatif des domaines touchant les secteurs de l’industrie locale, de l’agriculture, des infrastructures et de l’entrepreneuriat, sans oublier l’Education avec la gratuité de l’enseignement de base, et la couverture santé universelle dans le volet santé publique, pour la catégorie besoins sociaux de base.
Face au réchauffement climatique et ses dégâts collatéraux dans le monde, Félix Tshisekedi a évoqué le volet environnemental en réaffirmant l’engagement de son pays à jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique en vue de la préservation de l’écosystème dans le monde : « Dans ce cadre, nous avons notre projet écologique +Couloir vert+, qui va au-delà des solutions environnementales. Il va également répondre à des défis économiques. Il va non seulement générer des emplois, mais aussi il impulsera le secteur agricole ».
En conclusion de ses vœux, le Chef de l’Etat a dit compter « sur chacun de vous, pour porter dans vos pays respectifs le message d’une RDC résiliente qui multiplie des initiatives pour se relever et se développer ».
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi pour afriwave.com