Il est celui qui active les alliances pour mieux les détruire, celui qui souffle sur les braises de la division et plante les graines de la discorde. Il est celui qui orchestre des querelles tout en restant dans l’ombre, ricaneur et calculateur. Litsani Choukran vous dévoile dans son édito l’homme à la base de toutes les divisions politiques en RDC depuis 2015.
Il est des figures qui s’imposent dans l’histoire, non pas comme des bâtisseurs, mais comme des sculpteurs de fractures. Leur empreinte ne s’inscrit pas dans la pierre, mais dans les failles qu’ils exploitent et les ponts qu’ils détruisent. Ces artisans de la discorde sont rarement identifiables au premier regard, mais leurs mécanismes dévoilent une vérité constante : là où ils passent, l’unité cède à la fragmentation. Le Fondé décide, pour une ultime fois, de débusquer ce « diviseur commun », dont l’ombre plane sur la République Démocratique du Congo depuis des années.
La fracture originelle. 2015 : l’année où la façade des alliances se fendille. Entre Kabila et celui qui deviendra le « diviseur commun », le clash se dessine. Officiellement, il était question d’un « troisième penalty », un prétexte qui cache mal les vraies raisons. Était-ce le rêve d’un gouverneur de devenir « khalife à la place du khalife » ? Ou une épineuse querelle de gros sous ? Les rumeurs murmurent un chiffre presque mythologique : 800 millions de dollars. Une somme qui aurait fait naître rancunes et accusations, poussant Kabila à porter plainte pour corruption et détournement. Mais dans ce jeu de dupes, la plainte n’était qu’une formalité. Le mal, irrémédiable, était fait, et le Congo s’apprêtait à vivre l’une des plus grandes déstabilisations politiques depuis les années 1990.
Le « diviseur commun », flairant une opportunité, se détourne de son ancien allié pour jeter son dévolu sur l’opposition. Tel un mercenaire politique, il choisit sa nouvelle arène de bataille : l’UDPS. Symbole historique de la lutte pour la démocratie, ce parti incarne à ses yeux non une cause noble, mais une proie. Le « diviseur », stratège et chasseur, décide de s’approprier l’UDPS comme on s’approprie une entreprise ou, pour rester dans son registre, un club de football.
Son plan ? Une OPA hostile : racheter l’âme du parti, éliminer le vieux dinosaure Etienne Tshisekedi, s’installer dans son fauteuil et devenir le principal opposant à Kabila. À ses yeux, Tshisekedi est un obstacle, une relique d’un passé politique qu’il faut écarter. Mais le vieux lion, bien qu’éprouvé par des décennies de lutte, refuse de plier. Alors que le « diviseur commun » croit avoir annexé l’UDPS, Tshisekedi sort une carte inattendue de sa manche : son fils, Félix Tshisekedi. Dans un ultime acte de stratégie, le Sphinx immortel garantit que l’UDPS ne devienne jamais une filiale de l’empire politique que tente de bâtir le « diviseur ». Et ainsi, ce dernier doit revoir ses ambitions à la baisse, pour un temps seulement.
L’art de la division. Le « diviseur commun » entame alors sa symphonie dissonante. Tel un chef d’orchestre de l’ombre, il s’attaque à l’opposition avec une précision chirurgicale, jouant sur les faiblesses et les egos des acteurs politiques. Sa première cible : les alliances. Avec l’aplomb d’un illusionniste, il fait miroiter des rêves de coalition tout en plantant des graines de discorde. Il entonne le refrain de « l’unité pour mieux diviser » et jongle avec des accords politiques comme un prestidigitateur jongle avec des couteaux.
L’UDPS, ce bastion de la lutte pour la démocratie, devient le théâtre de ses manigances. Le « diviseur » y introduit des figures satellites, espérant déstabiliser le parti de l’intérieur. Il joue la carte Jean-Marc Kabund, un homme qu’il s’emploie à « katangiser » pour mieux fragmenter les rangs. Mais son chef-d’œuvre reste sa capacité à danser sur plusieurs tempos à la fois : tantôt allié de Tshisekedi, tantôt partenaire de Kamerhe, il compose une partition où chaque note porte une dague.
Début 2018, après l’échec de son OPA sur l’UDPS, il active alors une autre carte : l’Église catholique. Sous son impulsion, celle-ci descend dans la rue, drapée dans sa mission de justice et de vérité. Kabila, pris dans ce piège soigneusement tendu, réagit avec brutalité, allant jusqu’à gazer des prêtres. Le choc est immense, et l’indignation s’étend. Pendant ce temps, les fameux « mouvements citoyens » émergent, prétendument spontanés mais, en réalité, concoctés dans le secret depuis l’île de Gorée, au Sénégal. Pourtant, personne n’ose poser la véritable question : qui finance tout ceci ? Tandis que les regards s’échauffent et que les tensions montent, le « diviseur commun » ricane sûrement dans l’ombre, satisfait de voir le Congo se déchirer à ses propres dépens.
Puis vient l’acte de Genval, cette grand-messe de l’opposition tenue en Belgique. Présentée comme un moment de rassemblement historique contre Kabila, elle se révèle être le théâtre d’une manœuvre magistrale du « diviseur commun ». Avec l’aide de son frère Katebe Katoto, il orchestre un rassemblement d’opposants, de « mouvements citoyens » et de figures médiatiques. Mais derrière les rideaux, son objectif est clair : s’autoproclamer chef d’orchestre de cette coalition anti-Kabila. Vital Kamerhe, renard politique aguerri, sent l’arnaque et refuse de mordre à l’hameçon. Cette clairvoyance le met immédiatement dans le collimateur du « diviseur », et Kamerhe devient, malgré lui, un homme traqué.
Pour le « diviseur commun », chaque alliance est un levier, chaque adversaire une cible. Genval marque un tournant : il n’est plus seulement un acteur de l’opposition, il est le « diviseur » par excellence, celui qui sème la discorde tout en brandissant l’étendard de l’unité. Mais même les maîtres manipulateurs peuvent être pris à leur propre jeu, et bientôt, ses partitions trop élaborées commencent à montrer des failles.
Le dol de Genève. Si Genval fut l’ouverture d’un opéra de manigances, Genève en fut l’acte central, où l’intrigue atteint son paroxysme. En 2018, le « diviseur commun » s’invite dans cette grand-messe de l’opposition, désormais bien rodé dans l’art de semer la zizanie sous couvert d’unité. Cette fois, son objectif n’est pas seulement de rassembler, mais de verrouiller une candidature unique censée incarner l’opposition contre Kabila. Mais dans l’ombre, il tire les ficelles d’une mascarade politique digne d’un opéra-bouffe.
À Genève, Martin Fayulu est propulsé candidat commun, une victoire apparente pour l’opposition. Mais la réalité est toute autre : le « diviseur commun » orchestre tout pour mieux fragmenter l’unité qu’il prétend défendre. Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, deux figures qui auraient pu incarner cette candidature, se retrouvent à jongler avec des pressions, des promesses et des manipulations si grossières qu’elles feraient pâlir un apprenti machiavélique. Durant tout un week-end, les tensions montent, les alliances se défont et se reforment, et le « diviseur commun » joue son rôle avec une précision diabolique. En coulisses, il murmure à l’un, promet à l’autre, mais surtout, il s’assure que personne ne puisse réellement lui faire de l’ombre. Fayulu devient le candidat parfait : une figure consensuelle en apparence, mais parfaitement manipulable en réalité.
Pour Kamerhe et Tshisekedi, l’heure est au choix. Briser cette mascarade ou devenir les pantins d’un stratège sans scrupules ? Ils optent pour le premier, faisant éclater l’unité artificielle et formant par la suite le duo FATSHIVIT. Une alliance inattendue, certes, mais qui marque un coup d’arrêt à la manipulation du « diviseur commun ». Genève, loin d’être un triomphe pour lui, devient le symbole de sa capacité à manipuler, mais aussi des limites de son emprise.
Remplacer Kabila auprès de Tshisekedi pour neutraliser ce dernier. Mais c’est là que l’homme s’illustre véritablement. Battu à la grande surprise par un Kabila qui connaît visiblement mieux sa créature qu’il n’y paraît, il assiste à la naissance d’une alliance improbable entre son ancien mentor et Félix Tshisekedi. Ce pacte, aussi spectaculaire qu’inattendu, met temporairement un frein aux ambitions du « diviseur commun ». Refusant de se laisser marginaliser, il mobilise ses propres soutiens et embauche un ambassadeur, ainsi qu’un homme d’affaires américain affublé du titre pompeux d’« Envoyé spécial de Trump pour la région des Grands Lacs ». Leur mission ? Détruire l’alliance Kabila-Tshisekedi pour ouvrir la voie à son retour en grâce.
Le fils du Sphinx, Félix Tshisekedi, malgré sa jeunesse politique, tombe dans le piège tendu par le « diviseur ». L’argument est simple mais efficace : « deux conducteurs ne peuvent pas diriger un seul véhicule ». Cette stratégie rhétorique, digne d’une cour de récréation, finit par fracturer l’alliance en 2020. On murmure alors à l’oreille de Tshisekedi que Kabila est un démon, qu’il faut fouiller dans son passé pour se libérer de son emprise. Ainsi, l’alliance vole en éclats.
Le « diviseur commun » parvient alors à s’installer dans l’orbite de Tshisekedi. Mais fidèle à son habitude, il ne tarde pas à montrer sa vraie nature. Son objectif devient rapidement clair : succéder à Tshisekedi lui-même. Ce dernier, conscient de la menace, s’appuie sur deux alliés devenus incontournables : Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe. Ces deux hommes, ayant déjà fait les frais des manigances du « diviseur », s’emploient à lui barrer la route.
Tantôt allié à Kigali, tantôt cherchant la bénédiction de l’Église, le « diviseur commun » multiplie les stratagèmes. Il va jusqu’à financer des candidatures déclarées à la présidentielle de 2023, espérant disperser les votes et affaiblir ses adversaires. Mais cette fois, sa stratégie échoue. L’élection de 2023 marque une défaite cuisante pour lui, une défaite qui révèle une vérité froide et implacable : au-delà de ses manipulations et de ses intrigues, le « diviseur commun » n’a su prouver qu’une seule chose, son incapacité à incarner un véritable leadership. Ainsi, comme un stratège qui s’est pris à ses propres jeux, il se retrouve isolé et marginalisé, témoin impuissant de la réorganisation politique qui s’opère sans lui.
Une fin nécessaire ? Aujourd’hui, son étoile semble pâlir. La classe politique congolaise, usée par des années de divisions, commence à comprendre que la clé de la stabilité réside dans l’élimination de cet éternel fauteur de troubles. Mais tel Sauron, il est le seigneur des fractures, l’œil qui voit tout, cherchant à étendre ses ténèbres sur le Congo. Comme l’anneau unique, ses alliances sont des chaînes : des pactes empoisonnés qui lient et asservissent. On le croit vaincu, et pourtant, il ressurgit, changeant de forme et de stratagème, réapparaissant là où personne ne l’attend.
Allié aujourd’hui avec l’Église, il tente d’utiliser cette institution pour légitimer ses ambitions, tout en se portant porte-parole des revendications du M23. Ses liaisons dangereuses avec Kigali, l’agresseur rwandais, exacerbent les tensions régionales et minent davantage la cohésion nationale. Incapable de mobiliser directement les Congolais, il courtise Martin Fayulu pour une alliance politique fragile et délègue sa campagne de mobilisation à Delly Sesanga, sous-traitant ainsi son ambition à d’autres acteurs.
Pour couronner le tout, il mène depuis des mois une opération de charme auprès de Joseph Kabila, son ancien mentor. Sous couvert d’une quête de pardon, il nourrit un calcul froid : s’appuyer sur la force combinée de Kabila, Fayulu et d’autres figures influentes pour s’élever, une fois encore, au sommet du pouvoir.
Certes, il est temps de l’arrêter et d’arrêter les frais. Aujourd’hui, sa chute n’est pas seulement un enjeu politique, c’est une nécessité historique. Détruire son influence, c’est briser l’anneau du pouvoir destructeur qu’il a forgé dans les méandres des ambitions personnelles et des manipulations. Mais comme dans toute grande épopée, ce n’est qu’en unissant leurs forces que les héros du Congo pourront faire basculer ce tyran dans les flammes d’où il semble être né.
Le « diviseur commun » n’est jamais totalement vaincu. Mais si une chose est sûre, c’est que tant qu’il subsistera, la cohésion entre politiques, les discussions franches, les débats, telle l’anneau de Sauron, restera hors de portée pour le Congo.
By Litsani Choukran in Moise Katumbi, le diviseur commun en RDC https://beto.cd/actualite/la-rdc-a-la-une/2024/12/27/moise-katumbi-le-diviseur-commun-en-rdc.html/175140/
Litsani Choukran, Le Fondé.
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