C’était par un communiqué laconique que les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont confirmé le décès du Général Major Peter Chirimwami Nkuba, Gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, un secret de polichinelle. Selon la version officielle, « blessé et transporté d’urgence à Kinshasa pour des soins appropriés, malheureusement, il a succombé à ses blessures ».
« Le Général-major Chirimwami Peter est tombé l’arme à la main au champ d’honneur. Il a été blessé, on l’a évacué et tout a été fait pour qu’il arrive à Kinshasa et qu’on l’achemine pour des soins appropriés à l’extérieur du pays, mais malheureusement il a succombé à ses blessures, et les honneurs lui seront rendus lors des obsèques nationales qui seront organisées à Kinshasa » déclarait le porte-parole des FARDC à l’issue du Conseil de sécurité convoqué par le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi.
Avec cette annonce tardive faite par le Général major Sylvain Ekenge, porte-parole de l’armée congolaise et malgré le silence observé, la grande « muette » confirmait ce que tout le monde savait depuis 24 heures après les faits tragiques survenus le jeudi 23 janvier 2025 sur la ligne de front à Kasengezi non loin de Mubambiro où Chirimwami avait été aperçu vivant pour la dernière fois. En cet endroit, il s’y trouvait pour rassurer la population et remonter le moral des troupes engagées sur le terrain selon le service de communication du gouvernorat.
Si la version officielle tente de faire croire que le Général Peter Chirimwami était tombé l’arme à la main dans des combats, il y a l’opinion publique qui se demande contre quel groupe armé exactement ? Car les photos et vidéos du service de communication du gouvernorat sur les réseaux sociaux lors de la « vadrouille » du 23 janvier 2025 contredisent la déclaration de l’armée sur les circonstances exactes de la mort du gouverneur militaire. On y voit un homme un peu désemparé par sa gestuelle et son regard, sans casque ni gilet pare-balles, ce qui peut sous-entendre qu’il ne voyait aucune menace ou un danger immédiat.
Des sources sur place qui ont requis l’anonymat, on apprend que « Chirimwami avait été pris de force par des militaires pour faire son apparition sur le terrain et qui lui a été fatale ». Un contact expliquant même qu’il avait reçu une « balle dans l’estomac », son évacuation par avion en jet privée vers Kinshasa n’étant qu’une leurre, l’homme ayant succombé sur place.
Devenu « affairiste » que militaire et comme tous les généraux et autres officiers supérieurs ainsi que les hommes politiques dans les zones des conflits ou ceux qui gèrent la situation de leurs affaires depuis Kinshasa, Chirimwami était également impliqué dans l’exploitation minière comme le reste de tous ceux qui détiennent une « petite » parcelle de pouvoir en RDC. De plus, il avait son propre groupe de Wazalendo qui gardait ses carrés des mines exploités à son profit. D’où des mécontentements des autres groupes Wazalendo mal rémunérés qui n’étaient plus en confiance avec lui pour des problèmes de primes du gouvernement leur promises.
Il était aussi soupçonné d’être un « hutu » d’origine rwandaise mais également d’être la « personne contact » avec les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR, en kinyarwanda : Urugaga Ruharanira Demokarasi No Kubohoza U Rwanda) un groupe armé formé en RDC dans les années 2000, défendant les intérêts des Hutus rwandais réfugiés et opposé de Paul Kagame. Ce groupe prend la suite de l’Armée de libération du Rwanda (ALiR) qui compterait dans leurs rangs des responsables du génocide des Tutsis et de Hutus modérés de 1994, ce que le groupe a toujours nié.
Qui a éliminé Chirimwami et pour le compte de qui ?
L’ordre de son élimination serait-il venu de plus haut du côté des alliés rwandais qui l’ont tué ou de certaines instances du côté congolais à moins qu’il ne soit sacrifié mais pour le compte de qui ? Chirimwami serait-il mort par son avidité de vouloir manger de deux cotés congolais et rwandais ? N’était-il pas devenu l’homme à abattre pour les rwandais ou encore de Wazalendo mécontent de lui.
En poste depuis septembre 2023 avec la proclamation de l’Etat de siège dans la province du Nord-Kivu, Chirimwami était épinglé d’être un coordonnateur des groupes armés locaux dits les Wazalendo engagés en appui aux FARDC dans les combats contre l’armée rwandaise. Des rapports du groupe d’Experts des Nations unies l’accusait même d’être un « interlocuteur clé des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) » qui ne jurent que sur le renversement du régime monolithique de Kigali.
Il faut tout de même le dire que du côté rwandais à l’extérieur comme celui des Wazalendo à l’intérieur, Chirimwami n’avait plus que des amis ; mais aussi ceux qui ne l’aimait plus avant que le pire ne lui n’arrive.
A lire aussi : NORD KIVU : Poursuite des combats intenses, Peter Chirimwami Nkuba annoncé pour mort https://www.afriwave.com/2025/01/24/nord-kivu-poursuite-des-combats-intenses-peter-chirimwami-nkuba-annonce-pour-mort/
Des cas précédents
La guerre dans les Kivu aura-t-elle mangé ses propres fils militaires dont le plus célèbre d’entre-eux resterait le colonel Moustafa Mamadou Ndala, commandant de la force de réaction rapide sur le front de Beni. Il faut aussi citer le Général Delphin Kahimbi, ancien Sous-Chef d’Etat-major FARDC chargé des Renseignements militaires. Mais aussi le Général Félix Mbuza Mabe Nkumu Embanze, connu sous le nom de « l’homme de Bukavu » pour ne citer que ceux-là. Ont-ils été exécutés par une main extérieure du pays avec une complicité interne, le flou perpétuel existant. Leurs disparitions inattendues comme aussi suspectes sont demeurées inexpliquées jusqu’à ce jour.
Bien avant eux, c’était Sylvain Buki Lubangi, ancien Commandant de la 10ème Brigade des nouvelles Forces Armées Congolaises (FAC) crées par Laurent-Désiré Kabila. Du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) Goma au rapprochement entamé avec Joseph Kabila, le 4 juillet 2006, Sylvain Buki mourra inopinément, à Kinshasa, à l’âge de 35 ans. Et comme dans l’affaire Kahimbi, la dernière personne qu’il aura rencontré de son vivant n’était autre le « généralissime » que John Numbi Banza Tambo aujourd’hui en fuite au Zimbabwe et recherché par tous les services du pays.
Plusieurs théories avaient été développées après son décès, sans que l’on sache les causes réelles de sa mort brutale. Par son décret n°06 du 10 juillet 2006, Joseph Kabila décida d’élever Sylvain Buki au grade de Lieutenant-Général à titre posthume. Lors de ses obsèques, sa dépouille fut exposée au Palais du Peuple de Kinshasa, en présence des Vice-présidents Abdoulaye Yerodia, Arthur Z’Ahidi Ngoma et Azarias Ruberwa.
Le questionnement qui demeure reste celui de savoir comment, par qui et pour le compte de qui tous ces officiers militaires dont le dernier en date, le Général Chirimwami ont-t-il été tués ? Car des versions aussi farfelues les unes que les autres circulent sur les circonstances de la disparition tragique de tous ces officiers supérieur de l’armée. Il ne reste qu’à l’avenir d’en dire plus.
Une duplicité occidentale inacceptable
De l’ONU à l’Union Africaine en passant par les ensembles des organisation régionales comme l’EAC ou la SADC, des réunions se succèdent sans aucun résultat sur la situation dans l’Est du Congo comme si cette situation les arrangent. Alors que les pays Occidentaux n’ont jamais condamnés leur bras armé en RDC à savoir le Rwanda pour l’invasion de son voisin, ils étaient les premiers à en appeler à leurs ressortissants de quitter Goma avant qu’il ne soit trop tard. Et c’est ici que l’on voit bien la duplicité inacceptable de ces pays qui soutiennent à bout de bras le Rwanda dans sa logique de guerre d’expansion contre son voisin en pillant les minerais essentiels dans leur transition énergétique.
Dans une notice de sécurité émise le 23 janvier 2025, l’ambassade des États-Unis invitait ses ressortissants au Nord-Kivu à « revoir leurs plans de sécurité personnelle » car elle serait être « limitée dans sa capacité à offrir une assistance consulaire » en raison de la dégradation du contexte dans la zone. Les Britanniques emboitaient le pas des américains en mettant en en garde leurs ressortissants, disant que le M23 menaçait Goma et contrôlait Saké : « Si vous êtes à Goma, vous devriez partir tant que des routes commerciales sont encore disponibles… Les postes-frontières entre le Rwanda et la RDC à Gisenyi/Goma pourraient fermer à court terme. L’aide du gouvernement britannique est très limitée en dehors de Kinshasa. Vous ne devez pas supposer que le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth sera en mesure de fournir une assistance pour quitter le pays ».
Réagissant face à la situation sécuritaire dans les environs de Goma, la France en appelait à ses ressortissants le 24 janvier2025 en ces termes : « Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire et de la volatilité de la situation à Goma, il est recommandé de se mettre à l’abri et de quitter Goma temporairement par voie terrestre au plus tôt ». La Belgique en a fait de même avec une « mise en garde de ses ressortissants, les incitant à quitter si possible la capitale du Nord-Kivu ».
Face à cette situation grotesque, la RDC ne devrait-elle pas rappeler ses ambassadeurs dans ces pays pour leur signifier son mécontentement ? L’opinion saluant la mesure forte avec la fermeture définitive de l’ambassade du Rwanda à Kinshasa. Il ne resterait plus que celle autre de fermeture de toutes les frontières terrestres avec ce pays.
Quid d’une médiation turque ?
« La Turquie est prête à apporter toute l’aide nécessaire pour résoudre [la crise] entre le Rwanda et la République démocratique du Congo », rassurait Recep Tayyip Erdogan, le Président Turque lors de la réception du rwandais Paul Kagame, le 23 janvier 2025 à Ankara. Une proposition immédiatement rejetée par le gouvernement congolais. Recevant l’Ambassadeur de Türkiye en RDC, Murat Ülkü le samedi 25 janvier 2025, la Vice-Ministre des Affaires Étrangères, Gracia Yamba Kazadi avait d’abord voulu d’obtenir des clarifications sur certains propos tenus par le Président Erdogan lors de son point de presse du 23 janvier 2025 avec son homologue rwandais, Paul Kagame.
Madame Gracia Yamba Kazadi a déclaré clairement que la RDC n’a « sollicité aucune médiation. Les solutions africaines doivent être trouvées par les Africains ». La Vice-Ministre des Affaires Etrangères a également réaffirmé « l’engagement de la RDC dans le processus de Luanda, initié par l’Union Africaine, tout en dénonçant les actes de sabotage du Rwanda qui entravent son bon déroulement ».
De la Turquie, qui ne sait pas que ce pays entretien des bonnes relations avec la RDC où elle possède des nombreux intérêts économiques importantes. Mais aussi avec le Rwanda qui passe être un gros acheteur d’armes dont ce pays a besoin pour asseoir sa petite puissance militaire dans la région. Certes très active sur les plans diplomatique et économique en Afrique, la Turquie est intervenue récemment, avec succès, dans le différend entre l’Éthiopie et la Somalie, deux pays voisins de la Corne de l’Afrique.
Pendant que le pays bascule avec les derniers développements de la situation dans l’Est et que le pouvoir en place est mis en danger, il faut désormais changer des méthodes sur terrain comme aussi son narratif.