Gouverner c’est prévoir dit-on. A l’heure où la République démocratique du Congo (RDC) fait face à des défis multiples et complexes, il est temps de porter un regard lucide sur notre réalité nationale. Les récents développements nous invitent à une réflexion profonde sur notre avenir collectif.
Le mirage du triomphalisme
Le triomphalisme qui caractérise parfois le discours national est un luxe que les congolais ne peuvent plus se permettre. Célébrer des victoires symboliques ou ponctuelles, sans s’attaquer aux problèmes structurels qui minent le développement ; revient à se satisfaire de mirages dans un désert d’incertitudes.
Les récentes victoires diplomatiques, notamment les sanctions internationales imposées au Rwanda, suscitent une euphorie compréhensible mais potentiellement dangereuse. Si ces sanctions représentent une reconnaissance des griefs légitimes ; elles ne constituent pas, à elles seules, une solution durable à la crise sécuritaire qui ravage l’Est du pays.
Les sanctions entre autres ne constituent pas, en elles-mêmes, des transformations concrètes de la réalité quotidienne. Les richesses du sous-sol congolais demeurent, pour une grande partie de la population ; une abstraction qui n’améliore ni l’accès aux services de base, ni la sécurité, ni l’emploi. Entre le sanctions contre le Rwanda ou des individus du M23 et la fin de la guerre, le chemin vers la paix pourrait prendre des générations entières.
Une lucidité nécessaire face à un adversaire rusé
L’adversaire auquel fait face les congolais dispose de ressources considérables et d’une stratégie élaborée sur le long terme. Sous-estimer sa détermination et sa capacité d’adaptation serait une erreur fatale. Le Rwanda, malgré sa taille modeste ; a démontré une redoutable efficacité dans la poursuite de ses objectifs géopolitiques et économiques qui transcende la région.
La prise de contrôle de Goma et Bukavu par ses proxy M23 constitue bien plus qu’une défaite militaire ponctuelle. C’est une épine dorsale enfoncée dans le corps de notre Nation, paralysant une région entière et menaçant l’intégrité même du territoire national. Ces villes stratégiques, poumons économiques de l’Est et symboles de souveraineté nationale ; doivent impérativement être reprises. Quand et comment ?
Les conséquences humaines de cette situation sont dévastatrices. Des millions d’enfants voient leur avenir hypothéqué par la fermeture des écoles. Des familles entières sont déplacées, privées de leurs moyens de subsistance et de leur dignité. L’économie locale, déjà fragile, subit un coup dont elle mettra des années à se relever.
Reconnaître les efforts tout en exigeant davantage
Il serait injuste de ne pas reconnaître les efforts déployés par le gouvernement congolais. Les campagnes médiatiques visant à sensibiliser l’opinion internationale, les initiatives diplomatiques pour isoler les soutiens du M23, et les tentatives de réforme du secteur de la sécurité témoignent d’une volonté réelle d’agir.
Cependant, ces actions, aussi louables sont-elles, demeurent insuffisantes face à l’ampleur des défis. La reconquête des territoires occupés exige une stratégie globale, combinant efforts militaires, diplomatiques, économiques et sociaux. Elle nécessite une mobilisation sans précédent des ressources nationales et une coordination efficace de tous les acteurs concernés.
Vers une proactivité congolaise renforcée
Être proactif, aujourd’hui, signifie anticiper les mouvements d’un adversaire rusé plutôt que de simplement réagir à ses provocations. Cela implique de s’équiper adéquatement, tant sur le plan militaire que sur les plans logistique, informationnel et diplomatique.
La proactivité dont a besoin la RDC se manifeste à plusieurs niveaux :
Au niveau sécuritaire, non sans conséquence, elle exige une refonte profonde de l’appareil défensif, l’acquisition d’équipements modernes adaptés au type de guerre mené, et surtout une formation rigoureuse des forces armées. Elle suppose également le développement d’une capacité de renseignement performante, capable d’anticiper les actions des adversaires.
Au niveau citoyen, elle implique une vigilance constante, une participation active aux affaires publiques et une exigence de transparence et de redevabilité envers les dirigeants. Elle requiert également un engagement individuel dans la construction nationale, chacun à son niveau et selon ses capacités.
Au niveau institutionnel, elle exige une vision à long terme, dépassant les cycles électoraux et les intérêts particuliers. Elle suppose une planification rigoureuse, basée sur des données fiables et des objectifs réalistes. Elle nécessite également une coordination efficace entre les différentes institutions de l’État et un suivi rigoureux des politiques publiques.
Au niveau diplomatique, elle impose une défense ferme mais intelligente des intérêts nationaux, établissant des partenariats équilibrés qui respectent l souveraineté du Congo tout en contribuant effectivement à son développement.
L’impératif d’unité et d’action
Les divisions ethniques, régionales ou politiques qui fragilisent la cohésion nationale doivent céder la place à une solidarité active autour d’un projet commun. La diversité congolaise, loin d’être un handicap, constitue une richesse inestimable qui doit être mise au service du développement.
L’heure n’est plus aux discours grandioses ni aux promesses sans lendemain. Elle est à l’action concertée, méthodique et persévérante. Chaque Congolais, où qu’il se trouve, peut et doit contribuer à cette dynamique nouvelle.
L’avenir n’est pas une promesse, mais une conquête.
FNK
