mercredi, mars 12, 2025
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SPRINGBOK : Echec de l’opération militaire conjointe FARDC-MONUSCO [Analyse]

La chute de Goma aux mains des proxys de la Rwanda Defence Force (RDF) l’armée rwandaise du M23 fin janvier 2025 marquait l’échec retentissant de l’opération Springbok, une initiative conjointe de la MONUSCO et des FARDC qui devait protéger cette ville stratégique de l’Est congolais. Cet échec, loin d’être une surprise pour les observateurs avertis, constitue l’aboutissement prévisible d’une série de manquements graves dans la conception et l’exécution de cette opération militaire.

Cette opération reposait sur une collaboration MONUSCO-FARDC que l’on peut qualifier, sans détour, d’hypocrite. Dès sa conception, cette alliance était fragilisée par des tensions et des suspicions mutuelles. Certains observateurs évoquent des alliances complexes impliquant les FARDC et divers groupes armés, ajoutant une couche supplémentaire de complexité à une situation déjà délicate.

Preuve, ce témoignage glaçant d’un acteur de terrain qui a voulu demeurer anonyme : « Pour nous sur terrain, nous sommes témoins d’une méfiance tacite et permanente entre les FARDC et la MONUSCO, remettant en question la neutralité de la mission onusienne. Un officier supérieur congolais, sous couvert d’anonymat, m’a affirmé que la confiance est le fondement de toute collaboration militaire efficace. Cette confiance a fait défaut dans l’opération Springbok avant qu’un autre observateur ajoute que les intérêts des officiers FARDC ne sont pas foncièrement alignés sur les attentes de la Monusco ».

Un des éléments cruciaux de cet échec de l’opération Springbok réside également dans l’incapacité fondamentale des experts (observateurs) militaires de la Monusco à appréhender la réalité complexe des FARDC. Ces consultants internationaux, déployés pour des périodes aussi courtes que six à douze mois, prétendent maîtriser les subtilités d’une armée évoluant dans un environnement d’une complexité exceptionnelle.

« Comment peut-on espérer comprendre en quelques mois seulement les dynamiques internes d’une institution militaire façonnée par des décennies de conflits et de réformes ? « Malheureusement, les solutions prescrites par ces experts de passage sont souvent en décalage avec les réalités du terrain ». Cette inadéquation entre le diagnostic et les remèdes proposés a contribué aux difficultés rencontrées lors de l’opération Springbok.

Le M23 / RDF : un monstre chouchouté qui a humilié la MONUSCO

Un aspect troublant de ce fiasco réside dans l’histoire des relations entre la Monusco et le M23/RDF. Bien avant l’opération Springbok, le M23/RDF avait à plusieurs reprises démontré sa capacité à défier ouvertement la force onusienne. L’épisode le plus marquant reste sans doute la destruction d’un hélicoptère de la Monusco, ayant causé la mort de plusieurs Casques bleus, un acte resté étrangement sans réponse proportionnée.

Ceci pourrait s’expliquer par le fait que le Rwanda qui soutient le groupe terroriste dans la planification des opérations, la logistique, les hommes comme les troupes est un des 5 grands pays contributeurs de troupes dans les missions de maintien de paix à travers le monde. Le Rwanda maîtrisant ainsi les règles d’engagement et sait pertinemment bien comment agir sans être inquiété.

Plus inquiétant encore, dans les territoires sous contrôle du M23, les Casques bleus ont été contraints de se soumettre à un régime d’autorisation préalable pour leurs mouvements, inversant de facto la hiérarchie censée prévaloir entre une force de maintien de la paix mandatée par l’ONU et un groupe armé considéré comme terroriste. « La Monusco demandait la permission au M23 avant chaque déplacement dans ces zones. Quelle autorité pouvait-elle encore prétendre avoir ? » s’interroge un fonctionnaire onusien.

Ce laxisme inexplicable a progressivement érodé la crédibilité de la mission, alimentant les soupçons d’une complaisance délibérée. L’échec de l’opération Springbok apparaît ainsi, aux yeux de nombreux observateurs, comme le prix à payer pour des années d’accommodements, de laisser-aller et de compromissions.

De plus, la planification de l’opération conjointe avait révélé une légèreté confondante face à la complexité de la situation sur le terrain avec l’absence de coordination efficace entre les différentes forces et le manque de stratégie cohérente ayant transformé ce qui devait être un bouclier protecteur en une défense inefficace.

Sur le terrain, des difficultés opérationnelles se sont manifestées, notamment en matière de cohésion des unités et de chaîne de commandement. Des problèmes de discipline ont été observés au sein de certaines unités des FARDC. Face à des adversaires déterminés, ces difficultés organisationnelles ont pesé lourd dans la balance. Il ne s’agit pas tant de glorifier la capacité militaire du M23, mais de reconnaître que les forces adverses ont bénéficié d’un soutien extérieur significatif, notamment de la part des forces spéciales rwandaises.

Le renseignement, parent pauvre de l’opération

L’échec du renseignement constitue peut-être la faille la plus inexcusable de cette débâcle. Incapable d’anticiper les mouvements du M23, la Monusco s’est retrouvée constamment en réaction, jamais en anticipation. Une collecte, une prise en compte et une analyse plus rigoureuse des informations auraient pu prévenir la catastrophe ou, à tout le moins, en limiter l’ampleur.

Plus troublant encore, les services de renseignement semblent avoir gravement sous-estimé l’implication de la RDF dans l’assaut final sur Goma. Selon plusieurs témoins et experts militaires, ce serait l’appui de forces spéciales de la RDF qui avaient joué un rôle déterminant dans la chute de Goma le 29 janvier 2025, un facteur que les analyses de la Monusco n’avaient manifestement pas suffisamment pris en compte.

Derrière l’échec patent de l’opération Springbok se dessine une réalité géopolitique que beaucoup hésitent à évoquer ouvertement : le rôle des membres permanents du Conseil de sécurité. Plusieurs sources diplomatiques suggèrent que certaines grandes puissances pourraient avoir des intérêts convergents avec les acteurs déstabilisateurs de la région. « Le Congo-Kinshasa est un échiquier où se jouent des parties entre grandes puissances, particulièrement intéressées par les ressources stratégiques du pays », affirme un diplomate africain chevronné. « Il serait naïf de croire que le M23 opère sans soutiens puissants, y compris indirectement via des pays tiers servant de sous-traitants à des intérêts plus vastes ».

Cette dimension géostratégique expliquerait en partie la mollesse de certaines réactions internationales face aux exactions du M23 et le manque d’engagement réel dans la résolution du conflit. L’opération Springbok aurait ainsi été compromise dès sa conception par ces dynamiques d’intérêts contradictoires au sein même du Conseil de sécurité qui mandate la Monusco.

Un contexte explosif ignoré.

L’opération Springbok s’est déroulée dans un environnement politique et sécuritaire d’une complexité extrême, marqué par la présence de multiples groupes armés, dont les Wazalendo, et des tensions ethniques exacerbées. Pourtant, la Monusco et ses partenaires ont semblé faire abstraction de cette réalité, menant l’opération comme si elle se déroulait en terrain neutre.

Des sources proches du dossier révèlent un aspect particulièrement troublant : comme un dernier baroud d’honneur alors son désengagement avait été engagé partout dans le pays, l’opération Springbok aurait été conçue en partie comme une vitrine pour justifier la présence contestée de la Monusco en RDC. « Face aux critiques croissantes et aux manifestations hostiles, la mission avait besoin de démontrer son utilité », confiait un diplomate occidental. Cette recherche de légitimité aurait contribué à une opération dont les objectifs médiatiques rivalisaient parfois avec les objectifs militaires, surtout que « Springbok bénéficiait d’une dimension communicationnelle importante ».

Avec la crise en Ukraine, il faut dire que la communauté internationale porte également une lourde responsabilité dans ce fiasco de l’opération Springbok. Les ressources allouées et l’engagement des partenaires internationaux sont restés bien en deçà des besoins réels. Les divergences d’intérêts géopolitiques ont paralysé toute action décisive, transformant le soutien international en simple spectacle diplomatique.

Quelles leçons pour l’avenir ?

Face à ce désastre, la Monusco se trouve à la croisée des chemins. Une refonte complète de son approche s’impose. Il est impératif d’instaurer une transparence totale sur les causes de l’échec et de réviser fondamentalement les stratégies de maintien de la paix. Le renforcement de la communication avec tous les acteurs doit s’accompagner d’une mobilisation internationale substantielle et d’une priorité absolue accordée à la protection des civils. Sans une compréhension approfondie des réalités complexes des FARDC, tout effort futur risque de reproduire les mêmes erreurs.

La chute de Goma ne constitue pas seulement un revers militaire, elle représente l’effondrement d’un modèle d’intervention internationale qui a révélé ses limites. Si gouverner c’est prévoir, force est de constater que la Monusco n’a pas su anticiper ce qui était pourtant prévisible, plaçant le gouvernement congolais dans une situation impossible. Trompé par un partenaire en qui il avait placé sa confiance, Kinshasa n’avait d’autre choix que de s’appuyer sur cette mission onusienne, faute d’alternatives viables dans l’immédiat.

Pour l’heure, la question n’est plus de savoir si l’opération Springbok a échoué –la réponse est douloureusement évidente– mais comment tirer les leçons de ce désastre. La Monusco paie aujourd’hui au prix fort des années de laxisme à l’égard du M23. L’autorité de la mission avait déjà été sévèrement entamée par des épisodes humiliants, jamais véritablement expliqués ni justifiés auprès des Congolais. Cette impuissance –ou ce manque de volonté– face au groupe armé a nourri un sentiment de méfiance qui a contaminé l’opération Springbok dès sa conception.

« La Monusco est à un tournant historique. Soit elle se réinvente complètement en tirant toutes les leçons de ce désastre, soit elle risque de perdre définitivement sa raison d’être en RDC ». Les prochains jours seront décisifs pour déterminer si cette mission, présente depuis près de trois décennies dans le pays, peut encore justifier sa pertinence après un tel revers stratégique.

Entre adaptation forcée et disparition programmée, l’horizon s’assombrit pour une Monusco dont la légitimité n’a jamais été aussi fragilisée.

© FNK pour afriwave.com

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