Même déchu, un roi ne devrait jamais dévoiler sa nudité…

Après 6 ans d’un silence monastique, Joseph Kabila, ancien Président de la République démocratique du Congo, vient pour la première fois de s’exprimer publiquement à travers une tribune publiée dans le journal sud-africain Sunday Times.

 Le moins que l’on puisse dire est que cette prise de parole, attendue désespérément par ses partisans, et avec tout au plus de la curiosité par une opinion publique lassée de son silence, a plongé plus d’un observateur dans la perplexité, pour ne pas dire dans l’incrédulité.

 En effet, sa prise de position sur la situation dans l’Est du pays, qui est une fois de plus en proie aux violences et à la détresse humanitaire suite à la guerre menée par le Rwanda contre la RDC, va à rebours de ce qui a constitué le principal héritage politique de son propre père, Laurent Désiré Kabila : la défense de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Congo.

Si on peut lui concéder une lecture rétrospective de la première alternance pacifique du pouvoir en RDC, intervenue entre lui et Félix Tshisekedi, qui traduit une frustration compréhensible, car lui-même et son camp politique espéraient continuer à exercer un pouvoir partagé ; et si son jugement sur la gouvernance de son successeur exprime la sévérité extrême de l’opposant politique qu’il est devenu, les propos qu’il a tenus sur les causes de la crise persistante dans l’Est du pays, et à laquelle il a été confronté tout au long de son exercice du pouvoir, relèvent d’un véritable « coming out » politique.

Joseph Kabila aurait-il viré sa cuti ? 

Aurait-il abandonné son credo pour de bas intérêts politiques et la reconquête du pouvoir par tous les moyens, y compris en versant le sang des congolais avec la complicité de nos ennemis ? Beaucoup de congolais ont soutenu son action, lorsqu’au lendemain de l’assassinat de Laurent Désiré Kabila il a pris le pouvoir et a entrepris de réunifier le pays, à l’époque éclaté entre des factions rebelles qui contrôlaient chacune une portion du territoire national.

Celui qui a mené ce long combat contre nos principaux ennemis que furent l’Ouganda et le Rwanda, ce dernier pays continuant encore aujourd’hui son œuvre de déstabilisation et de pillage de nos ressources naturelles, n’est plus le même Joseph Kabila qui désormais trouve des justifications aux rebelles du M23, cet ersatz du RCD-Goma et du CNDP, qu’il avait naguère combattu et dénoncé comme le cheval de Troie du Rwanda.

 Ce revirement, qui fait abstraction de l’implication du Rwanda comme instigateur de cette déstabilisation et qui nie la réalité du M23 comme proxy de ce même pays, est une insulte à la fois à notre intelligence collective et aux millions de victimes congolaises de la barbarie qui continue à ravager les terres ensanglantées de l’Est du Congo. Comment peut-on nier à son niveau une réalité faite d’horreurs documentées dans des rapports officiels par les Nations unies et par des ONG internationales ?

 Que celui qui fut le commandant suprême des forces armées prenne une position qui piétine les sépultures de milliers de nos soldats tombés au front en défendant notre pays confine à une trahison de nos intérêts vitaux. De là à le soupçonner d’être en phase avec le mouvement rebelle pro rwandais, comme cela a été suggéré, il n’y a qu’un pas, aisément franchissable…

 Quelle est cette cause que le Dialogue inter congolais, les Accords de Sun City, les différents processus de paix, y compris les brassages (et mixages, NDLR) des rebelles au sein des hommes de troupe et de la chaîne de commandement de l’armée, l’intégration des personnalités issues des minorités ethniques revendicatives au sein des institutions et du gouvernement etc., ne sauraient satisfaire, si ce n’est l’appétit glouton du Rwanda pour nos richesses et ses visées hégémonistes ?

Paul Kagame, qui se pose en « Deus ex machina » de l’Est du Congo et qui revendique la présence de ses troupes sur le sol congolais, est-il devenu excusable au point que Joseph Kabila évite de le citer dans sa diatribe et qu’il appelle la SADC à ne pas porter secours à la RDC agressée ? Je vois encore le porte-parole du pouvoir sous Joseph Kabila, Lambert Mende, marteler que le M23 est composé de malfaiteurs à la solde du Rwanda, avec lesquels on ne peut négocier et qui sont inéligibles dans l’armée et les institutions.

 Je me souviens encore de la toute première fois où Joseph Kabila avait au cours d’une interview nommément mentionné le Rwanda comme pays agresseur à travers le M23 : « Nous sommes sous occupation du Rwanda ». Cette phrase avait emporté l’enthousiasme des compatriotes républicains de tous bords, dont moi-même.

 Quelle déception !

 Dans « Les habits neufs de l’empereur » un conte de Hans Christian Andersen, un roi croyait être paré des plus beaux habits d’apparat après que des escrocs et des courtisans le lui aient fait croire, alors qu’en réalité il n’était habillé de rien. Un enfant qui vit le roi marcher ainsi et qui n’avait aucun intérêt à le flatter s’écria : « Le Roi est nu ! ».

 Charles Kabuya 

 Lien vers l’article : https://charles-kabuya.blog4ever.com/meme-dechu-un-roi-ne-devrait-jamais-devoiler-sa-nudite