Doha/Qatar. Mardi 18 mars 2025. Les présidents Félix Tshisekedi (RDC) et Paul Kagame (Rwanda) se sont retrouvés autour de l’émir du Qatar, son Altesse Cheikh Tamin bin Hamad dans un tête-à-tête qui a surpris tout le monde et qui a vu naître des analystes politiques de tout bord. En réalité, rien n’a filtré de cette rencontre tenue secrète jusqu’à la photo.
Toutefois, trois communications aussi contradictoires que conciliantes ont été pondues par chacune de trois parties. Mieux par les services de chaque partie. Chaque communication tirant la couverture de son côté et montrant que son leader a marqué les points.
Lorsqu’on décortique la communication du Rwanda, on s’aperçoit qu’elle reprend les mêmes revendications comme si Kagame et Tshisekedi ne se sont jamais rencontrés à Doha.
Or, le fait de s’être rencontrés est déjà une (petite) victoire pour la paix et singulièrement pour Tshisekedi.
On note simplement le refus de reconnaître autrui. Ce refus systématiquement de se donner à connaître autrui (ici il s’agit des problèmes des Hutu rwandais) est la source des problèmes qui déstabilisent la région. Car, si le Rwanda dit protéger les minorités Tutsi de la RDC contre les tentatives de leur extermination par le gouvernement congolais, le même Rwanda ne dit pas ce qu’il fait des populations Hutu rwandaises. C’est ce qu’on nomme la « difficulté de la réalité »
Pour le Rwanda, « Le président Kagame a soulevé la nécessité de s’attaquer au problème des forces génocidaires des FDLR et d’assurer la sécurité du Rwanda et de la région. Les dirigeants ont également discuté sur la nécessité d’un dialogue politique direct avec l’AFC/M23, essentiel pour s’attaquer aux problèmes du conflit dans l’est de la RDC ».
Pour la RDC, ils ont convenu « d’un cessez-le feu immédiat et inconditionnel dans l’est de la RDC. (…) Le Président a convenu avec son homologue rwandais de poursuivre les discussions en vue d’un règlement durable qui visera à rétablir l’intégrité territoriale de la RDC, à stabiliser la région et à mettre fin aux terribles violences perpétrées par le M23/AFC au Nord et au Sud-Kivu. La RDC continue à demander l’application totale de la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations-unies qui fournit un cadre clair pour une paix durable ».


Apprendre à ne pas comprendre : Exercice difficile
La rencontre de Doha a été vécue comme une mise à l’épreuve pour les deux protagonistes. Si pour le Rwanda, les priorités se déclinent en ordre d’importance et de grandeur, le communiqué de la Présidence de la RDC est une somme de tous les problèmes placés pêle-mêle sans ordre prioritaire décroissant. Car, la RDC ne dit pas si la Résolution 2773 doit être son cheval de bataille ou un point parmi tous les points. Soit !
Dans toute négociation, il existe le principe sous-jacent de l’élimination de l’adversaire parmi les obstacles qui s’opposent à l’accomplissement d’une tâche. L’élimination positive et non violente, c’est lorsque la négociation aboutit à faire des adversaires de futurs alliés (même sans s’aimer) à la seule condition que les deux acceptent les modalités et les garanties d’une exécution loyale des engagements souscrits.
Pour applaudir Doha, il faut nous poser la question si l’amorce du processus de négociations constitue un péril ? Si oui, pour lequel de deux adversaires ? A lire sans lunettes les deux communications, on croirait que les deux États parlent le même langage. Or, la réalité est tout autre.
Pour les mêmes problèmes, chaque pays choisit son angle d’appréciation et son approche. Ce qui rend davantage difficile la compréhension et les solutions à y apporter. Bien plus, le cessez-le-feu non évoqué dans le communiqué de Kigali n’a pas été immédiat et inconditionnel. Walikale est tombé le lendemain. Que celui qui a compris Doha lève son doigt !
Qui a gagné ? Qui a perdu ? A qui profite Doha ?
Les analystes improvisés ont vanté les relations économiques et stratégiques entre Kigali et Doha mettant en avant des projets dont la construction d’un nouvel aéroport de près de 2 milliards de dollars $ ou la part du Qatar Airways dans RwandAir. Est-ce que tout cela suffit pour que Doha soit plus favorable à Kigali qu’à Kinshasa ?
Les spécialistes des négociations comparent celles-ci à une partie de football. On connaît l’ambiance du début jusqu’avant le dernier coup de sifflet. On connaît la personnalité des joueurs et le terrain. La seule différence est qu’on ignore jusqu’à la fin l’information : qui sera le gagnant ?
La RDC doit repenser son système de défense hic et nunc. Le front militaire ne doit pas rester en veilleuse puisque le front diplomatique, le front économique et le front médiatique avancent normalement bien. Si vous avez compris la rencontre de Doha, moi, je n’ai rien pigé. C’est tellement compliqué, complexe et mystique.
Il semble que les Congolais ont compris et s’en réjouissent au moment où la radio RFI annonce la chute prochaine de Kisangani situé à plus de 450 kilomètres de Walikale et que le député élu de Walikale, Willy Mishiki, prince autoproclamé, demande aux Wazalendo de déposer les armes.
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Nicaise Kibel’Bel Oka
Lien vers l’article : https://lescoulissesrdc.info/agression-rwandaise-de-la-rdc-apprendre-a-ne-pas-comprendre-la-rencontre-de-doha-qatar/