Le récent communiqué du Ministère ougandais de la Défense faisant état d’un bilan particulièrement lourd dans la lutte contre les milices CODECO en Ituri laisse dubitatif. Pas moins de 242 combattants auraient été neutralisés en seulement deux jours d’affrontements, soit les 18 et 19 mars 2025 à Fataki ; dans l’Est de la République Démocratique du Congo, peut-on y lire.
En effet, vendredi 21 mars 2025, des centaines des miliciens Lendu lourdement armés combattant sous les ordres de la Coopérative pour le Développement du Congo dit Codeco avaient attaqués un groupe de combat de l’UPDF stationnés à Fataki pour tenter de les déloger. Selon les détails fournis par les ougandais, 31 miliciens avaient été tués le mercredi 18 mars 2025, suivis de 211 autres le jeudi 19 mars lors d’une bataille de deux jours dans l’Est de la RDC, l’armée ougandaise ne déplorant qu’un soldat tué et quatre blessés ; tous évacués vers l’Ouganda.
Du coté de la milice, un autre son de cloche où selon des sources privées à Djugu qui font état des lourdes pertes subies au sein des troupes ougandaises dont le colonel qui dirigeait les opérations. Grièvement blessé lors des combats et rapatrié dans son pays, il a succombé de ses blessures dans l’hôpital de Kisiro.

Le succès militaire mitigé de l’armée ougandaise s’inscrit dans le cadre de l’opération Shujaa, initiative conjointe lancée en 2021 par la RDC et l’Ouganda pour éradiquer les groupes armés sévissant dans l’Est congolais. Pourtant, malgré la nature officiellement bipartite de cette opération, le communiqué ougandais passe complètement sous silence la participation ou même la présence des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) lors de ces affrontements d’envergure. Cette omission flagrante soulève de sérieuses questions quant au respect du partenariat établi entre les deux Nations et à la reconnaissance du rôle des forces congolaises sur leur propre territoire.
Une communication biaisée de l’UPDF
La rhétorique déployée dans ce communiqué est d’autant plus préoccupante qu’elle adopte une lecture communautaire du conflit, mettant l’accent sur la protection de la communauté Hema face aux exactions commises par les milices Codeco, majoritairement issues de l’ethnie Lendu. En évoquant « des centaines de personnes Hema mortes, principalement des femmes et des enfants » et des « villages entiers incendiés, pillés et détruits », le communiqué ougandais adopte un ton qui fait étrangement écho au discours du M23 / RDF, qui justifie ses actions par la protection de communautés spécifiques.
Tout étant communication, il faut dire que l’UPDF veut justifier des opérations et maintenir sa position. L’omission des FARDC dans le communiqué ne fait que souligner davantage leur absence dans le récit narratif des combats contre les Codeco, créant l’impression d’une opération exclusivement ougandaise contre ce groupe armé, alors même que l’opération Shujaa est officiellement présentée comme conjointe.
Le contexte sécuritaire est d’autant plus complexe que, selon le communiqué, les milices Codeco auraient récemment conclu un pacte avec les Forces Démocratiques Alliées (ADF), intensifiant leurs attaques contre les communautés de l’Ituri. Face à cette alliance de groupes armés, une réponse coordonnée entre forces congolaises et ougandaises serait logiquement nécessaire. Pourtant, l’absence de mention des FARDC dans les opérations récentes est encore plus problématique et potentiellement révélatrice d’une dynamique déséquilibrée dans ce partenariat militaire.
La présence de l’UPDF à Fataki, Bunia et Mahagi est présentée comme « un soulagement bienvenu pour les communautés locales » qui « depuis des années ont enduré des attaques incessantes » de la part des groupes armés Lendu et alliés. Cette présentation de l’armée ougandaise comme unique protectrice des populations civiles congolaises contribue à marginaliser le rôle des FARDC et à fragiliser leur légitimité aux yeux des communautés locales, créant potentiellement un dangereux précédent dans la perception de la souveraineté congolaise dans ces territoires. Et pour couronner le tout, il faut ajouter les folles sorties sur les réseaux sociaux du fils Museveni et numéro un de l’armée ougandaise Muhoozi Kainerugaba qui se croit tout permis.
Au-delà des indéniables succès tactiques contre les Codeco, cette communication unilatérale de l’UPDF soulève des préoccupations fondamentales quant à l’équilibre du partenariat RDC/Ouganda et au respect de la souveraineté congolaise.
Il devient donc impératif pour les autorités de Kinshasa d’exiger une rectification de ce narratif et une reconnaissance explicite de la contribution des FARDC à l’opération Shujaa, afin que les victoires militaires sur le terrain ne se transforment pas en défaites symboliques sur le plan de la souveraineté nationale, particulièrement dans un contexte régional où les interventions étrangères ont souvent conduit à l’affaiblissement plutôt qu’au renforcement de l’État congolais.
@ FNK avec afriwave.com