C’est en compagnie de Madame Lucy Tamlyn, Ambassadeur des Etats-Unis d’Amériques que Monsieur Ronny Jackson, membre du Congrès américain avait été reçu le dimanche 16 mars 2025 dans la soirée à la Cité de l’Union africaine (UA) par le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi. La question du conflit à l’Est de la RDC était au centre de sa visite.
Sur son compte X (ex-Twitter) officiel, l’ambassade américaine de Kinshasa se félicitait de ce passage : « Ce fut un plaisir pour @USEmbKinshasa d’accueillir @RonnyJacksonTX en RDC cette semaine. Nous avons apprécié l’opportunité de parler des relations entre les Etats-Unis et la RDC avec le Président Tshisekedi, les membres de l’Assemblée nationale et d’autres partenaires clés. La visite du député Jackson démontre une fois de plus que le gouvernement américain reste déterminé à travailler avec nos partenaires congolais pour rendre nos deux pays plus prospères, notamment en développant les liens commerciaux et en mettant fin au conflit dans l’Est ».

Présenté malencontreusement comme un « envoyé spécial du Président Donald Trump » alors qu’il n’en était nullement, l’élu américain du Texas pour un troisième mandat en novembre 2024 dernier à la tête du Sous-comité de la Chambre des représentants sur le renseignement et les opérations spéciales, une nomination qui avait du reste suscité des débats politiques.
Lors de son déplacement à Kinshasa, Ronny Jackson s’était entretenue également avec les leaders religieux, le président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi.
Le passage à Kigali
Quelques jours après soit le 21 mars 2025, l’homme se retrouvait à Kigali au Rwanda où il fut également reçu par le président Paul Kagame pour « une discussion sur la coopération en cours pour promouvoir la paix dans la région » selon le régime rwandais. L’ancien médecin de la Maison Blanche et contre-amiral de la Marine à la retraite avait également rencontré deux figures de l’appareil sécuritaire rwandais : le ministre de la Défense Juvénal Marizamunda, et le secrétaire général des services de renseignements Aimable Havugiyaremye.

Un rendu controversé…
Entre un passage de quelques jours en Afrique centrale et des Grands Lacs notamment en RDC, à Brazzaville au Congo d’en face, au Rwanda, en Ouganda et au Burundi ; et son retour aux Etats-Unis, des déclarations lui attribuées sur la RDC frisant une imposture et carrément des insultes ont suscité des réactions diverses que controversées car inexactes et ne calquant pourtant pas avec la réalité.
Dans son rendu devant la Commission des Affaires étrangères du Congrès le mardi 25 mars 2025, Ronny Jackson a livré un sombre et sévère constat sur la situation dans l’Est de la RDC qu’il a décrit comme une région « totalement non gouvernée » sans pour autant expliquer le pourquoi. Néanmoins, il pointe timidement la responsabilité des pays voisins dans cette situation : « Nous savons que l’Ouganda importe des minerais de là-bas. Le Rwanda le fait aussi. Le Burundi aussi. Tout le monde le fait, et rien ne peut les en empêcher » sans pour autant condamner fermement ces pays pour leur action illégale en RDC.
Tout en insistant sur le potentiel de la région, il reconnait qu’avec ses ressources minières, « La RDC pourrait être un des pays les plus riches du monde », avant d’ajouter qu’il : « faudrait qu’il se passe quelque chose, mais je ne sais pas quoi ». Dénonçant la corruption par cet « enrichissement des membres du gouvernement et de leur famille alors que la population meurt de faim et vit dans des conditions horribles », ce qui est en partie vraie ; la RDC n’est pas par contre le « far West » qu’il décrit outrageusement où « Kinshasa ne contrôle rien » comme il le dit.
Un rapport contestable
Des déclarations inexactes de Ronny Jackson, quelques précisions s’imposent car il est historiquement dangereux et inexacte d’affirmer que « l’Est de la RDC était autrefois le Rwanda ».
- Les frontières modernes de la République démocratique du Congo (RDC) ont été établies lors de la Conférence de Berlin (1884-1885), lorsque les puissances européennes se sont partagé l’Afrique sans tenir compte des royaumes précoloniaux. Le Congo, y compris ses provinces orientales (Nord-Kivu et Sud-Kivu), a été reconnu comme faisant partie de l’État indépendant du Congo, sous le règne du roi Léopold II, et non du Rwanda.
- Alors que des royaumes précoloniaux comme le Rwanda, le Buganda et d’autres exerçaient une influence transrégionale, aucune revendication juridique moderne ne lie l’Est du Congo au Rwanda. La domination coloniale, d’abord belge (au Congo) et allemande (puis belge, au Rwanda), a encore formalisé ces distinctions.
- Après l’indépendance en 1960, les frontières de la RDC ont été reconnues internationalement. La résolution 2625 de l’ONU a réaffirmé ultérieurement que les frontières coloniales existantes devaient être respectées afin de maintenir la paix et la souveraineté en Afrique postcoloniale – un principe connu sous le nom d’uti possidetis juris.
- L’affirmation selon laquelle l’Est du Congo « était autrefois le Rwanda » a longtemps été utilisée pour justifier les incursions militaires rwandaises, y compris le soutien aux groupes rebelles responsables de déstabilisation, de massacres et de pillage des ressources –documentés dans plusieurs rapports du Groupe d’experts de l’ONU et dans le Rapport Mapping de l’ONU (2010) -. Le Rwanda n’a donc aucune revendication historique, juridique ou morale sur le territoire congolais. Répéter de telles revendications ne fait qu’encourager l’agression régionale et violer la souveraineté congolaise reconnue par le droit international.
Ronny Jackson n’a jamais été un « envoyé spécial » du président Donald Trump et il ne faisait pas partie d’une délégation officielle du Congrès des États-Unis lors de son itinérance en Afrique. Il se fait que les « membres du Congrès peuvent se rendre à l’étranger de leur propre initiative » et peuvent être « accueillis dans l’esprit d’amitié ». Faut-il le rappeler que les « opinions du député Jackson sont les siennes et ne reflètent pas la position officielle de l’administration Trump ou du Congrès américain ».
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi pour afriwave.com