Kagame, sans vergogne, exploite la culpabilité occidentale pour poursuivre son propre impérialisme

Par David Blair commentateur en chef des affaires étrangères

Le président du Rwanda est le Poutine de l’Afrique : il attaque et pille un pays voisin.

Tout là-haut dans les cieux célestes –ou, plus probablement, quelque part plus chaud sous nos pieds– les esprits de Robert Mugabe et d’autres tyrans africains défunts murmurent des conseils à leurs successeurs.

Quand vous faites quelque chose d’absolument scandaleux, disent-ils, blâmez toujours votre ancienne puissance coloniale. Détournez la pression sur elle. Affirmez qu’en assassinant d’autres Africains, vous menez une noble lutte contre l’impérialisme.

Oui, c’est une vieille ruse. Et bien sûr, c’est ridicule ; des millions d’Africains ne s’y laisseront pas prendre. Mais les Occidentaux crédules, remplis de culpabilité postcoloniale, peuvent encore être dupés et ignorer –et même excuser– les effusions de sang et la pauvreté causées par de nombreux despotes africains.

Cette semaine, le président rwandais Paul Kagame est devenu le dernier autocrate en date à suivre ce conseil. Lundi, il a rompu ses relations diplomatiques avec la Belgique, l’ancienne puissance coloniale, avec un discours digne de Mugabe. « Au fait, qui êtes-vous ? » demanda M. Kagame à la Belgique. « Qui vous a placé à la tête du pays ? Les Rwandais croient en Dieu, mais Dieu a-t-il vraiment placé ces gens à la tête du Rwanda ? ».

En fait, les Belges ne sont plus à la tête du Rwanda depuis l’indépendance en 1962 (alors que M. Kagame avait quatre ans). Pourquoi a-t-il affirmé qu’ils dirigeaient toujours le Rwanda en 2025 ?

La réponse est que M. Kagame a envahi son voisin , la République démocratique du Congo, où ses soldats s’associent à une milice rebelle connue sous le nom de M23 pour tuer des milliers de personnes, expulser des millions de personnes de leurs maisons et piller les richesses minérales d’une nation appauvrie.

Les horreurs infligées au Congo par M. Kagame défient l’imagination. L’Est de ce gigantesque pays –en particulier les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu– a déjà subi des décennies de conflit dévastateur, réduisant presque tous ses habitants au dénuement.

De tous les endroits où un dirigeant pourrait faire la guerre, envahir l’Est du Congo est probablement la décision la plus moralement répugnante que quiconque puisse prendre. C’est pourtant exactement ce qu’a fait M. Kagame : occuper des pans entiers du territoire de son voisin tout en sabotant tous les efforts visant à mettre fin aux massacres.

En décembre, il était censé signer un accord de paix avec son homologue congolais, Félix Tshisekedi, mais M. Kagame ne s’est jamais présenté au sommet dans la capitale angolaise, Luanda. Au lieu de cela, il lança une nouvelle offensive qui lui permit de s’emparer rapidement de Goma, la plus grande ville de l’Est du Congo et capitale du Nord-Kivu. Les forces rwandaises avancèrent ensuite vers le sud pour s’emparer de Bukavu, capitale du Sud-Kivu.

Entre octobre 2024 et la chute de Goma en janvier, près d’un demi-million de Congolais ont été chassés de leurs foyers ; depuis lors, 850 000 autres ont été déplacés.

L’Est du Congo possède d’immenses richesses minérales et M. Kagame a profité de l’occasion pour s’emparer des mines et piller le pays. Notez l’ironie amère de la chose : il accuse la Belgique d’impérialisme alors qu’il mène lui-même une guerre impérialiste au Congo.

Et notez aussi les parallèles avec Vladimir Poutine : l’invasion d’un voisin, l’annexion de facto de son territoire, le déplacement massif de sa population et le meurtre d’opposants rwandais au régime qui vivent dans des pays étrangers. M. Kagame est également capable de mensonges dignes de Poutine. Il justifie généralement son agression en prétendant traquer les milices responsables du génocide rwandais de 1994. Pourtant, voyez où ses soldats sont déployés : ils ont occupé les mines au lieu de traquer les derniers génocidaires.

Parfois, cependant, M. Kagame ment tout simplement. Lorsqu’un journaliste de CNN lui a demandé si des troupes rwandaises étaient présentes au Congo, il a répondu : « Je ne sais pas », comme si son armée avait déserté en masse ou attaqué son voisin par erreur.

Le dernier stratagème de M. Kagame est désormais de prétendre que la lutte éternelle contre l’impérialisme belge l’oblige à dévaster le Congo. Quelqu’un y croira-t-il ? La Grande-Bretagne devrait saisir cette occasion pour démontrer que cette vieille ruse ne fonctionne plus.

David Lammy, le ministre des Affaires étrangères, a fait ce qui aurait dû être fait depuis longtemps : suspendre l’aide britannique au Rwanda. Il a permis à nos diplomates aux Nations Unies d’affirmer l’évidence : des troupes rwandaises sont présentes au Congo et doivent partir.

Mais même aujourd’hui, la Grande-Bretagne reste réticente à remettre en question la volonté des autres États africains de céder aux caprices de M. Kagame. Les membres africains du Conseil de sécurité –la Sierra Leone, l’Algérie et la Somalie– se sont souvent alliés pour protéger le Rwanda de tout contrôle.

La Grande-Bretagne « écoutera » -t-elle le point de vue de ces nations ou soulignera-t-elle la faillite morale de leur position ? En fin de compte, la ruse que Mugabe et ses camarades murmurent d’outre-tombe ne fonctionne que si nous la laissons faire. Pour la paix en Afrique, elle ne doit plus jamais réussir.

Lien vers l’article : https://www.telegraph.co.uk/news/2025/03/20/shameless-kagame-exploiting-western-guilt-pursue-imperialis/